Ségolène Légitime

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 Edito de Libé du 4 mai 2007

Nicolas Sarkozy n'a pas perdu. Mais Ségolène Royal a gagné.

Pourquoi un jugement aussi lapidaire ? Parce que dans ce débat fait de passion froide et de retenue agressive, la candidate socialiste l'a emporté sur un point essentiel : la légitimité. Nantie de 26 % des voix au premier tour - presque autant que Mitterrand en 1981 - et de sondages innombrables qui la placent juste derrière Nicolas Sarkozy - c'est-à-dire, tout de même, avec la moitié de la France pour soutien -, elle a démontré ce dont l'opinion a un moment douté : elle est parfaitement capable d'être présidente de la République. Au moins autant, en tout cas, que Sarkozy, qu'elle a malmené pendant plus de deux heures, lui dont on disait qu'il n'en ferait qu'une bouchée. Pugnace, précise, dure à la repartie en dépit de quelques maladresses et d'un sens abusif de l'exemple simple, elle a souvent bousculé le favori de la compétition. Sarkozy fut-il mauvais ? Certes non, au contraire. Mais avec toute sa volonté, sa préparation et l'avantage que donnent les 31 % réunis au premier tour, le leader impérial de la droite n'a pas dominé sa rivale. Que doit-elle encore prouver ?

Du coup, le débat de fond a repris ses droits. Les deux protagonistes en ont donné une version limpide. Un libéralisme à la française pour l'un, un socialisme à l'européenne pour l'autre. Une adaptation de la France à la mondialisation d'un côté, enrobée dans un volontarisme trompeur, un refus de la normalisation de l'autre, enveloppé dans un réalisme de bon aloi. En principe, le choix devrait être simple pour un peuple qui n'aime pas courber la tête devant la force des marchés. Mais n'oublions pas qu'en politique les circonstances gouvernent.

Nicolas Sarkozy n'a pas vraiment perdu. Il peut donc espérer conserver son avantage. C'était son seul souhait dans cette épreuve. A l'entrée de la dernière ligne droite, il garde la corde. Un seul problème pour lui : Ségolène Royal a commencé hier soir à refaire son retard.

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