Sarkozy confisque à son profit tout l'espace politique

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Dominique Reynié est politologue et professeur à Sciences-Po Paris. Il analyse pour libération.fr les premiers « signaux » lancés à l’opinion par le nouveau président de la République.

 

Comment jugez-vous le casting gouvernemental annoncé ce matin ?

Il ne faut pas s’y tromper, c’est un gouvernement de campagne électorale. Sa composition est directement liée à la nécessité pour Nicolas Sarkozy, d'une part de sortir de sa position parfois très à droite durant la campagne et d'autre part d’empêcher la reconstitution d’un centre autonome. Bernard Kouchner, Martin Hirsch, Jean-Pierre Jouyet ou Hervé Morin sont là pour faire cette équipe de rassemblement dont rêveraient les Français, mimer cette intention bayrouiste du choix des meilleurs à droite, au centre et à gauche. C’est un gouvernement moins « clivant » que ce à quoi l’on pouvait s’attendre qui est aussi là pour essayer de préparer dans l’esprit de l’opinion des réformes qui arriveront plus tard.

 

S’il ne fallait retenir qu’un seul nom, un seul signe caractéristique selon vous de l’intention présidentielle ?

L’idée de mettre Martin Hirsch me semble très emblématique et fait déjà beaucoup réagir. C’est l’héritier de l’abbé Pierre, il apporte cette tonalité compassionnelle sur laquelle le nouveau président semble vouloir jouer. Ça n’a à première vue rien à voir mais l’idée de lire chaque année dans les établissements scolaires la lettre qu’a écrit le résistant Guy Môquet avant d’être fusillé par les Allemands me paraît rechercher le même effet, de même que les images de la famille Sarkozy lors de la cérémonie de passation de pouvoirs à l’Elysée. Il s’agit de toucher la corde sensible du public qui peut s’émouvoir de ce nouveau pouvoir de la même manière ou presque que quand il regarde la Star Ac' ou une émission de téléréalité. Sarkozy avait une image dure, clivante, de chef de guerre et là, il change de style…, il ferait presque pleurer dans les chaumières.

 

Les femmes sont également très représentées…

Oui, c’est la première fois, à ma connaissance, qu’on a un vrai gouvernement paritaire. Là aussi le signe envoyé paraît clair. Il y a là, me semble-t-il, comme une volonté d’absorber la défaite de Ségolène Royal, de récupérer à son propre compte cette tentation qu’ont eu 47% des Français de porter une femme à la tête de l’Etat. Car ce fut une des nouveautés très marquantes de cette campagne.

 

Comment, dans ces conditions, le centre autonome de François Bayrou ou l’opposition socialiste peuvent-ils faire entendre leur voix ?

Ils ne sont pas au mieux ! François Bayrou n’a plus d’idées ni de troupes. Les socialistes ont encore des troupes mais l’ouverture pratiquée par Ségolène Royal leur est aujourd’hui reprochée et c’est Sarkozy qui mobilise toute l’attention, les rendant inaudibles voire archaïques. C’est lui qui est en train d’injecter chaque jour des images nouvelles. Il captive et risque pendant quelque temps de confisquer à son profit tout l’espace politique. Le PS et Bayrou peuvent soit s’opposer et comme rien n’a encore été fait ni ne le sera vraiment avant les législatives, ce sera considéré comme mécanique ou de mauvaise foi, soit chercher eux aussi à mettre en œuvre cette modernité et ce renouvellement mais là, ils n’ont plus vraiment de cartes dans leur jeu. La seule, finalement, pour la gauche, c’est de mettre en avant Ségolène Royale, la femme candidate.

Christophe ALIX

www.liberation.fr

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D
Vous êtes de mauvaise foi, vous ne voulez pas reconnaître qu'en définitive, les idées de Ségolène sont bonnes. Sarkozy le sait et profite de la situation pour laisser croire qu'il va prendre un peu du programme de son adversaire comme il laisse croire qu'il fait entrer des personnalités de la diversité qu'il s'empressera de virer au moindre prétexte.En outre, vous prenez vos désirs pour des réalités, ces propositions ne peuvent pas être mises en application avant de faire l'objet de lois, qui seront approuvées par une majorité à l'Assemblée Nationale, puis par le Sénat et, enfin, validé par le Conseil Constitutionnelle. Il faudra en outre publier les décrets d'application.En réalité, ce sont des effets d'annonce, car elles ne risquent pas d'être mises en oeuvre avant plusieurs mois. Les électeurs se seront dit entre temps que Sarkozy n'est pas si sectaire qu'on le prétend, auront voté pour une majorité UMP à l'Assemblée Nationale et on n'entendra plus parler des propositions de Ségolène. Comme vous, peu de français connaissent la procédure en matière de modification de la législation. Et c'est comme ça que de nombreuses lois ne sont jamais appliquées, faute de mise en place de décrets d'application.
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M
On les retrouve parce qu'il les a mises en application, toutes celles qui ne verrons jamais me jour, elle ne s'en vantera pas. Et c'est toujours plus facile de critiquer lorsqu'on n'a pas de responsabilités.De toute façon, le gouvernement doit faire le mieux qu'il puisse faire. N S l'a dit pendant sa campagne, "peu importe d'où viennent les idées du moment qu'elles soient bonnes."
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D
Si Ségolène avait si peu d'idées et de si mauvaises, expliquez-moi pourquoi on retrouve tant de celle-ci parmi les propositions de Nicolas Sarkozy ?
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C
bonsoir à vous et bienvenu dans la communauté.christophe
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