Comme d'habitude ! par Jacques Julliard

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La chronique de Jacques Julliard
Comme d'habitude...
Un malin génie empêche les dirigeants socialistes de parler et d'agir intelligemment : la représentation proportionnelle.
 
Ouf, voilà le calendrier du Parti socialiste fixé pour les cinq années à venir. A la quasi-unanimité, après que Jean-Luc Mélenchon eut déjoué une tentative de putsch menée par une absente. On respire. Après la déconvenue de la présidentielle, il était vital que le Parti socialiste se remette en question et bouleverse ses habitudes. C'est pourquoi :
- Une université d'été aura lieu à La Rochelle, fin août, qui établira un diagnostic sur la crise du parti. Comme d'habitude.
- Ensuite, on nommera hardiment trois commissions chargées de proposer une adaptation du parti au monde nouveau qui nous entoure. On nous assure que le mot social-démocrate y sera prononcé sans nuance péjorative. Comme d'habitude.
- Au printemps 2008, un congrès « ordinaire » (ô combien !) désignera le successeur de François Hollande après le succès du parti aux élections municipales. Comme d'habitude.
- En 2010, un congrès extraordinaire (ô combien !) désignera le candidat du parti à l'élection présidentielle de 2012, qu'il perdra avec les honneurs. Des indiscrétions permettent au « Nouvel Observateur » de révéler que les quatre candidats à la candidature devraient être MM. Delanoë, Fabius, Hollande et Strauss-Kahn. Comme d'habitude.
On aurait pu, évidemment, dire les choses plus simplement et annoncer : 1) qu'on se débarrasse de Ségolène Royal ; 2) qu'on recommence comme avant. L'essentiel est que tout le monde l'ait compris. Comme disait jadis le regretté président Henri Queuille, l'immobilisme est en marche, rien ne saurait l'arrêter.
Quelle est donc, pour parler sérieusement, cette loi secrète, quel est donc ce malin génie qui, au Parti socialiste, empêche des gens intelligents de parler et d'agir intelligemment dès qu'ils se réunissent ? Il a un nom, il s'appelle la représentation proportionnelle. C'est elle qui explique le découpage du parti en « courants » rivaux et, la constitution de la France étant ce qu'elle est, en écuries présidentielles concurrentes. Car en vertu des règles de vote sur les motions « en présence », c'est jusqu'à la plus petite et la plus reculée des sections du PS que cette « lottizzazione », comme disent les Italiens, s'étend et perdure. A Trifouillis-les-Oies, la section locale du PS comprend des « fabiusiens », des « strausskahniens », des « hollandais » et maintenant des « royalistes ». L'une des particularités de la proportionnelle est d'amortir tous les mouvements d'opinion à l'intérieur et à l'extérieur du parti et de rendre les leaders absolument indéboulonnables. De cette représentation proportionnelle, en apparence juste et équitable, en vérité fondement de la structure mafieuse du parti et de l'éléphantiasis dont il souffre, la FEN (Fédération de l'Education nationale), jadis toute-puissante, est morte. Il ne fait guère de doute que le PS en mourra un jour. Pour moi, qui considère depuis toujours la « RP » comme une calamité démocratique et comme le justicialisme des imbéciles, ce qui se passe depuis des années dans ce parti est une raison supplémentaire de la combattre aux élections générales. Je suis prêt à m'allier avec n'importe qui pour éviter à mon pays ce malheur, et notamment avec Nicolas Sarkozy.
Par quoi la remplacer ? Par le leadership démocratique, bien sûr. La majorité du parti et son leader présentent un texte d'orientation, élaboré sans souci de dosage et susceptible d'être appliqué même en cas de malheur, je veux dire de succès à l'élection présidentielle. L'ensemble des militants se prononce pour ou contre. En cas d'échec, l'équipe battue se retire au profit de l'opposition. Une telle procédure éviterait le carnaval nocturne des « commissions de synthèse », qui au soir du congrès élaborent un texte où chaque « courant » apporte son grain de sel, pour accoucher d'un veau à deux têtes et à cinq pattes. C'est le leadership démocratique qui a permis à Nicolas Sarkozy de faire l'unité de son parti autour de lui. C'est la proportionnelle qui a infligé à Ségolène la généralisation des 35 heures et le smic à 1 500 euros tout de suite. Elle vient d'oser dire que ce fut pour elle un handicap. Et dire que c'est elle que l'on accuse d'hypocrisie !
 
Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur
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