Dominique Strauss-Kahn au FMI

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C'est un concert de félicitations en France comme à l'étranger qui a salué l'élection à une écrasante majorité du socialiste français Dominique Strauss-Kahn au poste de directeur du Fonds monétaire international (FMI), le 28 septembre, à Washington.
 
Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a déclaré que cette élection d'un de ses adversaires politiques était « une grande victoire de la diplomatie française » et qu'elle validait sa politique d'ouverture à l'égard d'hommes et de femmes choisis « sans tenir compte de leur passé politique, mais en tenant compte de leurs qualités ».
 
Le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), François Hollande, a affirmé que « les socialistes sont fiers » de cette élection. Seule voix discordante, en France, la Ligue communiste révolutionnaire a dit ne pas se reconnaître dans un socialiste nommé « par les grandes puissances qui pillent la planète ».
 
L'association Oxfam-France en a profité pour rappeler une des exigences des organisations non gouvernementales à savoir que « la question de la représentation des pays les plus pauvres (...) est le préalable à toute réforme profonde du FMI » et que « Dominique Strauss-Kahn doit s'engager à faire de ce dossier sa principale priorité ».
 
Dans la matinée de vendredi, le doyen du conseil du Fonds avait demandé aux vingt-quatre administrateurs de trancher entre les deux candidats en présence, le Français Dominique Strauss-Kahn, présenté par l'Union européenne, et l'ex-premier ministre tchèque Josef Tosovsky, présenté par les Russes.
 
Un vote « à blanc » a été organisé, chaque votant indiquant sur un bulletin de couleur orange son nombre de voix et son choix. Le résultat du dépouillement - tenu secret - a donné lieu à l'élaboration du texte suivant : « Le conseil d'administration est tombé d'accord pour offrir à M. Strauss-Kahn le poste de directeur général pour un mandat de cinq ans commençant à une date rapprochée, à fixer d'un commun accord ».
 
Personne ne s'y étant opposé, pas même le représentant russe qui n'a pas ouvert la bouche, le doyen a contacté le vainqueur, qui participait à un colloque à Santiago du Chili où l'avait invité la présidente Michelle Bachelet. Il a reçu confirmation de son acceptation. La date du 1er novembre a été retenue pour l'entrée en fonction du nouveau directeur général.
 
Ce rituel est surprenant puisque aucun vote formel n'a eu lieu et que l'élection a été le résultat d'un simple consensus. De plus, il n'est pas aisé de savoir avec certitude qui a voté « à blanc » pour qui, car la majorité des vingt-quatre administrateurs représentent plusieurs pays.
 
Le représentant du Venezuela, pays qui entend se retirer du FMI, a fait en sorte d'être absent de son groupe et c'est le représentant espagnol qui a voté au nom de celui-ci en faveur du candidat de l'Europe. Le représentant belge a fait de même, alors que figurent dans son groupe le Kazakhstan et la République tchèque... qui ne soutenait pas la candidature de son ancien premier ministre.
 
UN CAMOUFLET POUR MOSCOU
 
La victoire du Français est sans surprise, compte tenu du soutien affiché des Américains, des Japonais, des Chinois et des Indiens, mais le faible score de M. Tosovsky est un camouflet pour la Russie.
 
Moscou se posait en porte-parole des nombreux pays qu'exaspère la mainmise des pays riches sur le FMI, mais ses 2,70 % de droits de vote semblent avoir été rejoints seulement par les 3,12 % d'un groupe de pays asiatiques où figurent l'Indonésie, le Myanmar et la Malaisie, pays qui ne portent pas le Fonds dans leur coeur depuis la crise de 1998.
 
Bien sûr, M. Strauss-Kahn l'a emporté parce qu’a fonctionné, à son profit, l'emprise américano-européenne sur le Fonds et la Banque mondiale. Pourtant, les « cent mille kilomètres » d'avion parcourus en deux mois et sa campagne électorale menée tambour battant ont porté leurs fruits. Il a désamorcé la rhétorique russe en affirmant, de Pékin à Brasilia, sa détermination à donner une plus grande place aux pays en développement dans le fonctionnement du FMI. Il a promis de tenir compte des spécificités des pays et de leur prescrire des thérapeutiques respectant leurs politiques sociales.
 
Le ralliement à sa candidature du brésilien Lula et surtout celui de l'Argentin Kirchner, tous deux pressés par le Vénézuélien Hugo Chavez de rejoindre une hypothétique « Banque du Sud » pour contrer le FMI et la Banque mondiale, ont signé l'échec de la manœuvre russe.
 
Le nouveau directeur général sait que la réforme des droits de vote, le redressement financier et le repositionnement d'un FMI en crise de légitimité figurent en tête de son agenda. Dans un communiqué, il s'est dit « déterminé à engager sans tarder les réformes dont le FMI a besoin pour mettre la stabilité financière au service des peuples en favorisant la croissance et l'emploi ».
 
Alain Faujas
Source : Le Monde
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