Sécurisation des parcours professionnels

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On se souvient que la Sécurisation des parcours professionnels était un thème majeur de la campagne de Ségolène Royal, comme moyen d'atténuer les effets pervers de la souplesse donnée aux entreprises, dans ce qu'on a appelé la "Flexisécurité".

Le Conseil Economique et Social, avec comme rapporteur Madame Edith Arnoult-Brill, s'était penché sur ce thème en 2006. Voici sa note de présentation, que l'on peut rapprocher des propositions de la candidate, notamment en prenant comme base le Contrat à Durée Indéterminée comme contrat de référence : 

« Nombreux sont aujourd’hui les travaux et les réflexions traitant de la sécurisation des parcours professionnels, dans une économie mondialisée marquée par le chômage, la précarité et les difficultés à maîtriser l’avenir.

Le Conseil économique et social s’est saisi de cette problématique en retenant délibérément une approche ambitieuse centrée sur la personne. Il ne s’agit pas seulement, en effet, de chercher à gérer et réparer les situations de rupture, mais bien de prendre en compte la globalité des situations professionnelles, inscrites dans une trajectoire de vie.

Dans cet objectif, notre assemblée propose des pistes pour bâtir un nouveau système visant à promouvoir des parcours professionnels maîtrisés et favorisant, pour les salariés, les entreprises et le service public, une nouvelle relation de confiance.

Le sentiment communément affiché est celui d’une insécurité accrue qui semble se répandre parmi les travailleurs. Si l’insécurité de l’emploi ne montre pas une tendance globale à la hausse, elle s’est en revanche fortement aggravée pour certaines catégories de salariés, en particulier chez les femmes, les jeunes et les personnes peu ou non qualifiées, davantage touchés par la précarité et le chômage.

Les enjeux d’un parcours sécurisé
Pour le Conseil, la sécurisation des parcours professionnels doit être considérée comme un enjeu large, ne se limitant pas à la gestion des périodes de chômage. Aussi doit-elle englober tous les parcours, dans leur diversité. Ainsi, toute mobilité pourrait être acceptable, qu’elle soit initialement choisie ou non, dès lors que son environnement est sécurisé et que le salarié maîtrise sa trajectoire de travail et de vie.

Or, une série de freins structurels autour du contrat de travail, du revenu ou de la protection sociale ne permet pas aujourd’hui d’appréhender l’individu dans sa globalité, mais lui fait correspondre des catégories juridiques le plaçant dans des situations cloisonnées qui rendent les transitions difficiles. Un certain nombre d’avancées se sont récemment inscrites dans l’esprit d’une sécurisation des parcours professionnels, notamment au travers de la formation tout au long de la vie ou de la mise en place des conventions de reclassement personnalisé ou des contrats de transition professionnelle. Cependant, elles ne constituent pas un système global et des difficultés persistent tant dans le champ de l’emploi que dans celui de la formation professionnelle.

Promouvoir de nouveaux parcours
La sécurisation des parcours professionnels suppose une approche globale et ambitieuse : elle exige  une réponse collective à des besoins diversifiés, apportée à l’ensemble des individus, s’appuyant sur un système de garanties permettant la réalisation des mobilités et favorisant l’accomplissement de projets professionnels.

I - Déterminer les fondements d’un parcours maîtrisé
La sécurisation des parcours professionnels doit reposer sur un travail de qualité, une formation tout au long de la carrière et une reconnaissance du temps personnel et collectif. Elle s’appuie sur un socle de principes : une logique « gagnant-gagnant », appuyée sur un équilibre entre les besoins des entreprises et la sécurité des salariés ; une philosophie d’engagement réciproque entre le salarié ou le demandeur d’emploi et le service public de l’emploi au sens large, répondant à la notion de parcours « maîtrisé » par l’individu lui-même ; enfin, la nécessaire transférabilité des droits.

II - Repenser les objectifs des parcours professionnels
La réflexion du Conseil s’appuie sur trois postulats:  le contrat à durée indéterminée comme contrat de droit commun de référence ; l’anticipation des évolutions du marché du travail et des besoins des entreprises ; la nécessité de réformes structurelles profondes au-delà d’un nécessaire contexte économique de croissance.

1 - Pour accéder à l’emploi pendant toute la vie professionnelle
Il s’agit tout d’abord de modifier la philosophie de l’insertion des jeunes en limitant le recours aux formes de contrats spécifiques. L’orientation doit être améliorée en liaison avec les branches et les entreprises. Enfin, il est souhaitable de faciliter l’accès des jeunes à l’autonomie financière en revalorisant les bourses et en pensant les moyens d’un contrat d’engagements réciproques entre la collectivité et le jeune donnant droit à ressources et assorti de contreparties.
Il convient au-delà de garantir des parcours dans un cadre d’égal accès aux droits . En ce sens, il est essentiel d’améliorer les conditions d’accès à l’emploi et de travail des femmes par un meilleur niveau de formation initiale et continue pour toutes et le développement des services pour la petite enfance. Par ailleurs, afin d’éviter les effets négatifs sur le parcours professionnel, il faut  mieux anticiper les retours dans l’entreprise après l’exercice des droits à congés, contraints ou choisis. Il faut également lutter contre les discriminations pour ouvrir la voie à un parcours sécurisé. Enfin, il est fondamental de repenser la fin des parcours grâce à une politique de gestion prévisionnelle des compétences permettant aux seniors de rester au travail et d’accroître leur taux d’emploi.

2 - Pour gérer et faciliter les transitions
Les revenus sont un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels, en particulier lors des phases de transition. C’est pourquoi il importe de garantir une indemnisation suffisante pour les demandeurs d’emploi. Le maintien pendant une durée adaptée d’un niveau de ressources proche du salaire d’activité antérieur peut être de nature à accroître l’acceptabilité par le salarié d’une mobilité professionnelle et faciliter sa recherche d’emploi.

Cette question doit être couplée à un effort particulier en termes d’accompagnement personnalisé du demandeur d’emploi, en fonction de sa distance à l’emploi. A cet égard, la logique qui a prévalu à l’instauration notamment de la Convention de reclassement personnalisé pourrait utilement être étendue aux demandeurs d’emploi présentant un risque de chômage de longue durée, indépendamment de toute rupture pour motif économique.

Cette démarche repose sur un engagement réciproque : si le demandeur d’emploi a l’obligation d’une démarche active en contrepartie d’une meilleure indemnisation, le service public de l’emploi doit de son côté offrir un véritable accompagnement vers un emploi en adéquation avec les compétences et les aspirations des personnes et en fonction de l’offre d’emploi territorial.

Il importe par ailleurs de gérer intelligemment les périodes de rupture au travers de formations adaptées et qualifiantes en vue du retour à l’emploi, en s’appuyant sur un plan d’action établi entre l’ANPE et/ou l’AFPA et le demandeur d’emploi, en particulier pour ceux les plus éloignés du marché du travail ou à la recherche d’un emploi dans un autre secteur.

Enfin, la transférabilité de certains droits, attachés non plus au contrat de travail mais à la personne, cumulables tout au long de la vie professionnelle et garantis collectivement, notamment par la mutualisation, est un facteur indispensable de la sécurisation des parcours professionnels. Il semble ainsi fondamental de garantir un socle de droits transférables d’une entreprise à une autre, d’une branche à une autre, en ce qui concerne principalement la reconnaissance des qualifications et la formation professionnelle. Il faut aussi veiller à la continuité des droits en termes de protection sociale et de prévoyance, même si cette question soulève aujourd’hui de réelles difficultés.

3 - Pour anticiper et maîtriser la vie professionnelle
De nouveaux moyens doivent être pensés pour favoriser la formation professionnelle de l’ensemble des salariés, avec un effort particulier notamment pour ceux ayant une formation initiale parmi les plus courtes et ceux touchés par des risques élevés sur le marché du travail (salariés peu ou pas qualifiés, jeunes, seniors). Une obligation, partagée par les salariés et les entreprises, d’offre de formation tous les cinq ans pourrait être instaurée.

La reconnaissance de l’expérience par la VAE doit être développée notamment en simplifiant le processus d’accès à des certifications professionnelles reconnues et en assurant un accompagnement du candidat en termes de conseil et d’appui. Il faut réfléchir à l’adaptation de la VAE aux expériences des jeunes notamment dans le milieu associatif.

Il faut encourager et faciliter les mobilités choisies en prévoyant un accompagnement et un suivi des travailleurs dans l’élaboration de leur projet par des interlocuteurs professionnels identifiés, tant dans l’entreprise qu’auprès de structures externes pour construire ou orienter leur parcours professionnel.

Enfin, il est utile de favoriser des passerelles entre Fonction publique et secteur privé et de faciliter la transition entre le salariat et le travail indépendant, ainsi que vers la création d’entreprise.

III - Dessiner les composantes d’un nouveau système

1 - Un ensemble de services cohérents et accessibles à tous
Afin de tenir compte de la diversité des parcours et du droit pour tous de construire des parcours maîtrisés, il convient d’imaginer un même service pour l’ensemble des actifs (personnes au travail et demandeurs d’emploi) sur l’ensemble de leur parcours (orientation, emploi, formation). Ce nouveau système repose sur trois volets : un service public de l’emploi davantage tourné vers l’usager et individualisé s’appuyant sur l’organisation de rapports plus étroits entre l’ANPE et l’UNEDIC  ; un dispositif de formation professionnelle plus efficace , n’opposant pas formation initiale et formation continue et permettant la gestion des transitions entre les entreprises et les branches ; un service de l’orientation tout au long de la vie intégrant le système éducatif et ouvert à l’entreprise et au marché de l’emploi.

2 - Les entreprises, actrices de la sécurisation des parcours professionnels
La sécurisation des parcours professionnels demande à être inscrite dans le cadre de la stratégie de l’entreprise, au travers d’une gestion qualitative des ressources humaines. Les pratiques de mutualisation des compétences (groupements d’employeurs, travail à temps partagé) méritent d’être développées. Enfin, le rôle spécifique de l’insertion par l’activité économique pour les situations d’exclusion doit être mieux reconnu.

3 - Une double approche pour le financement
Le financement doit être envisagé avec une approche avantages/inconvénients sur le moyen et sur le long termes , en se plaçant dans une logique d’activation des dépenses de la politique de l’emploi et en considérant que les sommes allouées pour la formation ou la facilitation des mobilités sont autant d’investissements sur l’avenir. Par ailleurs, l’articulation des financements nécessaires à la sécurisation des parcours professionnels, notamment entre les systèmes d’assurance et de solidarité, doit être analysée en vue d’une réallocation plus efficace des moyens existants.

4 - La méthode : dialogue social à tous les niveaux, régionalisation et coordination des acteurs
Seule une démarche volontariste et négociée permettra d’imaginer les voies d’un nouveau système répondant aux évolutions du marché du travail et n’attachant plus les droits au seul contrat de travail mais à la personne. Cette réforme appelle en premier lieu une négociation collective globale préalable au niveau interprofessionnel. Au-delà, sa mise en oeuvre doit passer par une organisation associant étroitement les pouvoirs publics (État et régions) et les partenaires sociaux, une réelle coordination des acteurs par la Région et un dialogue social régional.

Pour le Conseil, la sécurisation des parcours professionnels dépasse le seul temps au travail et l’aspect conjoncturel ; elle s’appuie sur la gestion des différents temps de vie dans l’objectif pour chacun de s’approprier son propre parcours et de le maîtriser.

Elle doit aboutir à mieux concilier vie personnelle, engagement social et vie professionnelle dans la perspective d’inclure le parcours professionnel dans la trajectoire de vie. Elle doit permettre de traiter les inégalités et les situations d’instabilité, notamment par une nouvelle vision de la formation, l’accompagnement des personnes et une sécurité financière mieux garantie. Au-delà, elle est de nature à refonder les solidarités.

Cette approche, qui suppose le décloisonnement de l’intervention des différents acteurs, appelle à une réforme des mentalités pour traiter au fond une véritable question de société. »

Les conclusions du Conseil Economique et Social, publiée le 30 mai 2007, sont consultables sur leur site (document PDF).

Source : Le CES

Publié dans Le Pacte Présidentiel

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