Il faut arrêter de penser... comme Christine Lagarde

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Ce serait long et fastidieux de faire la liste des augmentations des prix des produits de première nécessité, en particulier dans le domaine alimentaire. De manière générale, selon le Fonds monétaire international (FMI), les prix alimentaires mondiaux ont bondit de 23 % au cours des dix-huit derniers mois.

Un diagnostic (volontairement) tronqué

Qu’à cela ne tienne... Si on parle à Mme Lagarde de baisse du pouvoir d’achat, elle vous répondra que l’inflation est « maîtrisée » en France. Ce qu’elle ne précise pas, c’est que l’indice des prix et le mode de calcul choisi par l’INSEE empêche de se rendre compte de l’impact réel de l’augmentation de certains prix en fonction du revenu des ménages. Les biens à forte valeur ajoutée technologique (écrans plats par exemple) ont connu une baisse de leurs prix vertigineuse en quelques temps tandis que d’autres produits plus basiques ont augmenté fortement. La moyenne opérée fait en sorte que l’écran plat (qu’un nombre assez restreint de Français achètent) est sur-pondéré par rapport à la baguette (que la plupart des Français achètent).

Ségolène Royal avait fait cette proposition durant la campagne électorale, raillée à l’époque par le candidat de l’UMP, de bâtir de nouveaux indicateurs du « coût de la vie ».
Dans un rapport rendu aujourd’hui à Mme Lagarde, le Conseil d’Analyse Economique (qui dépend du Premier ministre) par les voix de l’économiste Philippe Moati et du directeur du CREDOC Robert Rochefort, demande la mise en place de nouveaux indices, incluant l’acquisition d’un logement et établissant des distinctions par « fonction de consommation » (alimentation, téléphonie…). Il est donc assez étrange de continuer d’entendre Mme Lagarde pérorer sur toutes les ondes qu’il n’y a pas de problèmes de pouvoir d’achat alors qu’un rapport lui précise à juste titre que ce problème est précisément sous-évalué.

Les « solutions » proposées : entre invraisemblable et impossible

Mais surtout, il est encore plus ahurissant d’entendre la solution apportée par Mme Lagarde. Alors qu’une conférence s’est ouverte aujourd’hui à la demande du Président sur le sujet du pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux, elle préempte en réalité le sujet en déclarant, tout de go, que le meilleur moyen de relancer la consommation serait de faciliter… le crédit à la consommation. Elle a donc instamment demandé à la Banque postale, filiale bancaire de la Poste, de se charger de cette basse besogne.

Certains parlementaires de la majorité, sans doute bien
intentionnés, surnomment Christine Lagarde l’ « Américaine ». On suppose donc que la Ministre reste à peu près au courant de ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis. Autrement dit, du fait que l’ouverture à toutes vannes des crédits et des prêts à des taux usuraires ait jeté dans la rue du jour au lendemain des milliers d’Américains.

On suppose par ailleurs que depuis son arrivée en France, Mme Lagarde s’est également aperçue que le surendettement des ménages est un phénomène particulièrement inquiétant et qui tend à prendre des proportions inégalées. Selon la dernière enquête publiée par le Comité consultatif
du secteur financier (CCSF), 648 500 ménages français étaient déclarés en état de surendettement à la fin de l’année 2005. Au-delà de ce chiffre cumulé phénoménal, on est en outre surtout inquiet de par l’amplification continue, année après année, du phénomène de surendettement. Entre 1993 et 2005, le nombre de ménages surendettés a ainsi augmenté de 195 % ! En outre, si les crédits à la consommation ne sont pas encore la cause première de surendettement, l’observation des dossiers témoigne surtout du fait que la multiplication des crédits s'accentue et contribue sinon à provoquer directement mais en tout cas à aggraver considérablement le niveau d'endettement, en rendant l'argent a priori "facile" d'accès.

Au vu de ces chiffres, on ne peut décemment comprendre comment la seule réponse de Mme Lagarde au problème de pouvoir d’achat rencontré par les Français soit de renforcer encore les conditions de leur précarité.

 « Il faut arrêter de penser », nous avait intimé Mme Lagarde devant des parlementaires estomaqués lors de la présentation du mal-nommé projet TEPA (Travail, Emploi et Pouvoir d’Achat). Au contraire, il aurait peut-être fallu penser Mme Lagarde.
Penser qu’en accordant 15 milliards d’Euros de cadeaux fiscaux sans discernement, non seulement vous vous retiriez toute marge de manœuvre dans un contexte budgétaire tendu pour investir dans la recherche et la compétitivité des entreprises, mais aussi et surtout vous donniez davantage de pouvoir d’achat précisément à ceux qui (les plus fortunés) qui n’en ont pas besoin… ou l’épargnent.

Entre solution aggravant la situation et impossibilité d'agir en raison de mauvais calculs, à défaut de penser, nous vous souhaitons au moins bonne chance.

Source :
PS Sciences Po
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