Pouvoir d'achat, retraites : un casse-tête chasse l'autre

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Comment répondre à l'inquiétude des Français sur le pouvoir d'achat quand on n'a pas d'argent et que l'économie donne des signes de ralentissement ? Nicolas Sarkozy, qui avait fait du pouvoir d'achat un thème majeur de la campagne présidentielle, a préféré reporter à son retour de Chine, où il partait samedi 24 novembre, l'intervention prévue sur ce sujet.

S'exprimant brièvement, vendredi, à l'Elysée, le chef de l'Etat, qui s'est félicité d'avoir "tenu" sa promesse sur les retraites malgré les grèves, a confirmé qu'il répondrait la semaine prochaine aux "angoisses", aux "attentes" qui "se sont exprimées au cours des dernières semaines sur le pouvoir d'achat et sur l'emploi". "Je ne prends pas ces attentes à la légère", a-t-il dit.

Les enquêtes notent une inquiétude grandissante dans l'opinion. La moitié des salariés sont préoccupés par leur salaire et 44 %, deux fois plus qu'en juillet, anticipent une baisse de leur pouvoir d'achat dans les mois à venir, selon un sondage Ipsos-Manpower pour LCI et Les Echos, publié le 22 novembre. Sur ce dossier, François Fillon, le premier ministre, est de nouveau prêt à endurer le rôle du "méchant" que certains lui avaient assigné dans la réforme des régimes spéciaux : "On dit que je suis méchant... ça me change et ça me fait plutôt plaisir !"

Problèmes : il n'a pas de "cagnotte" à sa disposition ; il est contraint par ses engagements européens d'assainir les comptes publics ; enfin, la conjoncture s'assombrit.

Alors que le débat budgétaire se poursuit à l'Elysée, au gouvernement et dans la majorité, le premier ministre a choisi de rappeler quelques fondamentaux : "Je n'ai pas d'argent", a-t-il confié en marge du déplacement qu'il a effectué vendredi 23 novembre en Suède.

Les rentrées fiscales ont commencé à ralentir, la croissance 2007, quoi qu'en dise la ministre de l'économie, Christine Lagarde, risque d'être inférieure à 2 %, ce que laisse présager la forte baisse de la dépense de consommation des ménages en produits manufacturés en octobre (- 1,1 %). Sur fond de ralentissement aux Etats-Unis et dans la zone euro, l'année 2008 se présente mal, de nombreux instituts de conjoncture prévoyant une progression du PIB limitée à 1,8 % en France.

Votée au coeur de l'été, la loi sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (TEPA), qui coûte 13,9 milliards par an en régime de croisière et lie les mains du gouvernement sur le plan budgétaire jusqu'en 2012, n'a pas créé pour l'instant ce "choc de croissance et de confiance" voulu par le chef de l'Etat.

Le fameux "travailler plus pour gagner plus" peine à devenir réalité. Le dispositif de détaxation des heures supplémentaires est jugé complexe, voire illisible par les chefs d'entreprise qui hésitent en outre à proposer des "heures sup" à leurs salariés dans le climat économique morose prévalant actuellement. Le reste de la loi, largement consacré à des baisses d'impôts (bouclier fiscal, allégement massif des droits de succession, etc.), profite d'abord aux plus aisés.

BUDGÉTIVORES

Le premier ministre fait donc travailler ses équipes sur des annonces moins budgétivores. Première piste : "Continuer à faire sauter les verrous des 35 heures", indique-t-il. M. Fillon voudrait notamment permettre aux entreprises de déroger aux accords de branche lorsque ceux-ci sont des freins à l'instauration d'heures supplémentaires. "Il faut aussi aller plus loin sur le rachat des jours de RTT, et sur le rachat des comptes épargne-temps", estime-t-il.

En outre, le déblocage anticipé de la participation, sur le modèle de la mesure décidée par le ministre des finances Nicolas Sarkozy en 2004, devrait être réédité. L'idée de moduler les exonérations de charges en fonction de la politique salariale conduite par les branches, évoquée le 23 octobre à Bercy, semble plus que jamais d'actualité. En revanche, la défiscalisation du 13e mois - qui ne bénéficierait pas aux plus modestes des ménages - semble avoir été abandonnée comme hypothèse de travail.

Pour la fonction publique, le gouvernement envisage d'étendre le dispositif de rachat de jours de congés de ses fonctionnaires, déposés sur les comptes épargne-temps. La mesure, limitée à quatre jours par an, permet d'offrir une prime comprise entre 260 et 500 euros selon le niveau hiérarchique. "On va aller plus loin", confirme M. Fillon. Mais Matignon a calculé que le rachat total des jours épargnés coûterait 3 milliards d'euros. Trop cher.

S'il ne tenait qu'à lui, le premier ministre abrogerait enfin la loi Galland sur les grandes surfaces. L'article de la loi qui interdit à la grande distribution de faire bénéficier le consommateur des "marges arrière", sorte de subventions déguisées des industriels aux distributeurs, pourrait disparaître à l'occasion d'un amendement à la loi sur la concurrence en cours d'examen. Mais de fortes réserves s'expriment à l'UMP, au nom de la défense du petit commerce et des producteurs.

Claire Guélaud et Christophe Jakubyszyn (à Stockholm)
Source : Le Monde
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