Quoi de neuf en 2008 ? La femme !
Par Philippe Gailhardis
« Je ne sais pas » disait mon texte précédent. Que de sarcasmes ne m’a-t-il pas valus !
Si je ne comprends pas le désamour qui frappe le PS, ce n'est pas que le PS soit parfait, loin s'en faut (j’y reviendrai), c'est juste qu'il me semble comparativement bien « moins pire » que son rival de droite, le seul autre parti susceptible de gouverner ce pays.
Rien à voir avec l'abyssale incompétence économique de l'UMP, ce Robin des Bois façon verlan qui pille les pauvres pour donner aux riches. Ce cancre économique qui ne cesse de creuser nos déficits tout en nous engueulant, nous les sans-stock-options, comme si tous les malheurs de la France venaient de ce que nous serions d'incurables feignants. Nous, salariés français, pourtant classés comme les plus productifs d’Europe !
Rien à voir non plus avec ce régime des copains et des coquins de l’UMP, avec ces arrangements crapoteux entre quasi mafiosi des Hauts de Seine et tenanciers de casinos, même si le PS compte aussi sa part de brebis galeuses.
Mais les autres partis de gauche, direz-vous ? Je suis un homme pratique. A quoi sert de militer dans un mouvement qui n’a aucune chance d’arriver à des postes clés du pouvoir, qui même, s’agissant de l’extrême gauche, s’en défend avec des airs de vierge effarouchée ?
Alors, même si, idéologiquement parlant, je me sens bien plus proche d’un Ellul ou d’un Lipietz, même si les manœuvres d’appareil et le sionisme viscéral de l’ex-SFIO sont pour moi durs à avaler, il n’y a pas d’autre choix que « l’entrisme » au sein du PS. C’est ça ou regarder de l’extérieur passer la caravane de l’Histoire, en jouant au mieux les mouches du coche.
Non, ce qui me questionne, c’est pourquoi les Américains ont préféré un W. Bush à un Al Gore, les Italiens un Berlusconi à un Veltroni, et les Français un Chirac et un le Pen à un Jospin, un Sarkozy à une Royal. Pourquoi, dans nos démocraties télévisuelles, la compétence et l’honnêteté ne font plus recette.
Ségolène Royal, parlons-en… Peu de personnalités politiques françaises suscitent autant de passion, dans un sens ou dans l’autre. C’est la marque des grands. Et l’on sait que les censeurs les plus virulents sont toujours ceux qui sont les plus proches politiquement.
Ségolène, donc, vous l’avez peut-être remarqué, c’est une femme. Je me souviens d’un temps pas si lointain où, prenant l’autobus avec mon patron, il s’est retourné d’un coup vers moi, l’air affolé: « Tu as vu le chauffeur ? C’est une femme ! ». Il a fini par s’habituer…
Les femmes politiques se divisent en trois catégories : les fanatiques à la Lienemann ou à la Morano, les potiches (vous en connaissez sûrement) et les rebelles. Nous avons par chance, dans la France d’aujourd’hui, à droite comme à gauche, un bel échantillon de ces rebelles, de « femmes debout ». Conscience de la droite, Simone Veil a marqué l’histoire contemporaine et continue d’imprimer sa différence. Coriaces technocrates, les Martine Aubry et autres Nathalie Kosciusko-Morizet savent s’opposer à la puissance des lobbies. Souhaitons à cette dernière de continuer à faire tourner en bourrique ses amis politiques, et de s’excuser moins souvent qu’elle ne se met en colère.
Peut-être moins viscéralement carriéristes que les hommes, moins portées à se renier comme font les mâles quand ils doivent mentir pour séduire ou se plier pour s’intégrer à la bande, nos femmes debout gardent le cap. Un déviationniste, disait radio Erevan aux temps du « socialisme réel », c’est celui qui continue tout droit quand le parti opère un virage à 90 degrés. Ces rebelles-là sont des déviationnistes.
On les respecte pour ça et Ségolène bénéficiait du même quasi unanimisme que Simone ou Nathalie jusqu’au jour où elle a dépassé les bornes : au lieu de rester à la seconde place que la Genèse lui assigne, la voilà qui aspirait d’un coup à la première. Sacrilège, lèse-majesté ! La France était-elle mûre pour pareille révolution, déjà accomplie avant nous par des pays comme la Turquie, l’Inde ou le Pakistan ? La suite a prouvé que non. Ségolène fut recalée par la génération de mon patron, les plus de soixante-cinq ans. Passe encore pour l’autobus, mais l’Elysée…
L’incroyable litanie des griefs contre cette femme remplira les sottisiers du futur. Et si Martine Aubry, Elisabeth Guigou et les autres y échappent, c’est juste qu’elles ne sont pas montées si haut que Ségolène. A la place où elles sont restées, les balles ne les visent pas encore. Mais attention à ne pas faire un pas de plus ! Rappelez-vous le lynchage d’Edith Cresson…
Seulement voilà. Ségolène Royal a quelque chose de plus, contre lequel ses adversaires se cassent les dents: elle a un Destin. Elle n’est pas la meilleure oratrice, ni la meilleure débatteuse, ni la meilleure organisatrice. Elle n’est pas omnisciente, elle peut commettre des erreurs et changer d’avis. Mais elle a des valeurs et des principes d’action, une vision à long terme – ce qui n’est pas si fréquent en politique - une idée claire de ce qu’elle veut pour son parti et pour la France. Servies par une volonté aussi souple qu’incassable et par ce quelque chose, le « charisme », qui ne s’explique pas. Mystérieusement, dans toutes les localités où elle se déplace, elle incarne l’espoir. Pas étonnant que cela agace !
Depuis qu’elle s’est dressée au dessus du troupeau des éléphants, qu’on le veuille ou non, la politique ne peut plus se faire sans elle ni à l’ancienne. La démocratie participative s’installe partout et ses thématiques s’imposent dans le débat. Avec une éthique et un style radicalement différents, moins littéraire sans doute (mais l’époque des littéraires en politique est révolue) - elle est le nouveau Mitterrand. Celle à qui il revient de régénérer le parti, pour en faire un rassemblement.
Et la seule force qui s’oppose sérieusement à elle aujourd’hui, au sein du PS, est le « tout sauf Ségolène », coalition hétéroclite, qui est une autre façon de lui rendre hommage. Rien de durable ne se bâtit sur la dénégation, on l’a bien vu avec le nonnisme au dernier referendum, qui a fait pschitt dès l’échéance suivante…
C’est pourquoi, que cela plaise ou non, le prochain congrès se définira par rapport à elle, à son projet. Celui qui sortira de la consultation participative lancée dans les comités Désirs d’avenir et sur Internet.
Cela va encore en agacer plus d’un…
Source : blog 20 minutes