Le congrès de la dernière chance

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Par Manuel Atréide sur Agoravox


Ca y est ! Les municipales sont passées, elles ont été gagnées majoritairement par les équipes de gauche qui ont su séduire, au niveau local, les électeurs de France. Le Parti socialiste se prépare donc - enfin ! - à son congrès dont tant attendent un renouveau profond. Pourtant, cette réunion prévue début novembre est extrêmement risquée pour le PS.

 

Je n’en ai jamais fait mystère, je suis un électeur de gauche. Je l’ai écrit de nombreuses fois, je l’ai dit publiquement. Cependant, c’est un électeur de gauche très inquiet et passablement soupçonneux qui se fend aujourd’hui d’un billet sur la situation politique du Parti socialiste.


En apparence, tout est pour le mieux dans le plus rose des mondes, non ? 20 régions sur 22, une majorité des départements, des grandes villes, des équipes politiques localement appréciées, parfois plébiscitées. C’est déjà une bonne base, non ?


En face, vous trouvez un gouvernement passablement tourneboulé après 10 mois de présidence Sarkozy qui a transformé les ministres en vulgaires people de seconde zone, à peine digne d’aller à La Ferme et certainement pas à La Star Ac. Il y a peu de poids lourds politiques dans ce gouvernement et le moins qu’on puisse dire, c’est que les discours à la télé ne sont pas vraiment au niveau minimum requis par la fonction. Ajoutez à cela un président qui a sérieusement dévissé dans les sondages comme dans sa vie privée et parfois même son comportement, vous aurez donc une image de base qui ne peut qu’être souriante à un électeur de gauche. Comme moi, par exemple.


Alors, pourquoi suis-je donc si inquiet ? La raison est très simple. Le PS ne doit ses victoires récentes ni à un programme politique ni à un leader incontesté. En fait, le PS a gagné presque malgré lui. Malgré le néant abyssal de sa doctrine politique jetée aux oubliettes par à peu près tout le monde, malgré le vide du fauteuil de leader, les électeurs de gauche sont encore suffisamment enthousiastes pour venir donner encouragements et signes de bonne volonté.


Ce temps est, je le crains, en train d’en venir à sa fin. Car, la direction du premier parti d’opposition ne va pas pouvoir bien longtemps encore jeter un voile pudique sur ses propres lacunes. Il va falloir bouger. Et bouger, dans un panier de crabes, ça fait des vagues. Et ça déclenche des hostilités.


Alors, ils ne sont pas chauds-chauds. On va le faire, mais lentement. Doucement. Le moins possible. C’est la tonalité des analyses politiques qui nous sont proposées en ce moment. Comme personne n’a envie de refaire un congrès à Rennes, on va éviter de trop se déchirer pour ne pas retomber dans une boucherie.


Il y a pourtant du travail à faire. Et vite.


Car le PS est en panne de doctrine. Tout le monde sait pertinemment que la vieille vulgate SFIO ne tient plus la route. Mais, comme on a peur de se fâcher avec tel ou tel en modifiant ou supprimant un aspect ou un autre, on la garde comme un vieux truc un peu moisi, totalement dépassé, une sorte de Code de la route qu’on rabâche, mais sans plus l’appliquer.


Le PS est aussi en panne de projet. Car, sans colonne vertébrale idéologique, on ne peut bâtir un projet politique cohérent et crédible. Le projet du PS en ce moment s’assimile plus aux vastes sacs fourre-tout de ces dames (pardon pour l’image) qu’à un catalogue raisonné de mesures qui se soutiennent les unes les autres. A force de ne vouloir froisser personne, on a fini par n’en satisfaire aucun. Il suffit de voir d’ailleurs les discours tenus publiquement par les responsables du PS pour voir à quel point l’ensemble est intenable dans la réalité. Personne, par exemple, n’a osé tenter de mettre en cohérence un Smic à 1 500 € et une flexisécurité à la française.


Le PS est enfin à la recherche d’un leader. Entendez-moi bien, pas un leader de plus. Non, un patron qui saura tenir la boutique, donner une structure et une cohérence à une doctrine rénovée, source d’un projet politique solide et convainquant. La pléthore actuelle de candidats au poste semble interdire l’émergence d’un seul. A trop se bousculer au portillon, personne ne passe plus le seuil tant convoité.


J’entends dire, ici et là, qu’il faut commencer par s’occuper des idées, qu’on choisira un chef plus tard. Comme si on allait écrire le livre pour ensuite choisir l’auteur... C’est tellement grotesque que j’en ris, et même pas jaune.


J’entends dire ici et là, aussi, qu’il faut commencer par choisir un chef pour ensuite rénover la doctrine. Ben voyons. Et on le choisit comment, ce leader, sans connaître ses idées, ses propositions, donc sa vision et son programme ? On le choisit au poids ? A l’âge ? A la tenue ? On joue à chat ? Ou on choisit le survivant après avoir distribué des couteaux ?


La vraie réponse, c’est qu’il faut mener les deux chantiers de front. Choisir un leader tout en rénovant la doctrine. Retrouver une cohérence entre la pensée, le programme et le champion qui défend le tout partout tout le temps jusqu’à la reine des batailles, l’élection présidentielle.


Or, cela implique que les dirigeants se parlent et mettent sur la table une bonne fois pour toutes leurs idées, leurs envies, ce qui les unit et ce qui les sépare. Et ça, personne n’a envie de le faire. C’est risqué. Risqué pour sa position au sein du parti. Risqué pour son fauteuil, son mandat.


Alors, on risque fort d’avoir un congrès pour rien. Un congrès où on n’aura pas vraiment remis la doctrine debout, où on choisira un chef "neutre" ou non - encore ! - présidentiable. Afin que dans le panier, les crabes puissent encore se regarder dans les yeux et le nombril, chacun rêvant aux futures grandes victoires qui arriveront immanquablement quand il aura exterminé les autres.


Le panier oublie cependant une petite chose : les militants et les électeurs. J’ai bien peur pour eux que la patience de ces gens, considérés comme si peu de choses par les hiérarques, ne soit à bout. Le PS a largement perdu déjà ses militants du printemps 2006. Il reste les vieux de la vieille qui bougent de plus en plus par automatisme, quelques jeunes loups aux dents longues, et un petit noyau de gens qui y croient encore.


Or, dans cette économie de marché, la concurrence existe même en politique. Si le PS revient à ses vieilles postures immobilistes sorties des cartons moisis de la défunte SFIO, d’autres formations politiques vont venir parler aux électeurs. Electeurs qui ont perdu l’habitude depuis longtemps de suivre les mots d’ordre des directions. Que ce soit les verts (ouh la, ya du boulot), Besancenot (branché, mais programme encore plus fossilisé), Radicaux de gauche (faudra penser à plus grand qu’une cabine téléphonique alors), ou même le MoDem (si le parti survit à ses assassins, externes et internes), l’offre de remplacement est là. Sans compter ce qui pourrait être créé dans un (désir d’) avenir plus ou moins proche...


Le Parti socialiste se retrouve donc dans une situation des plus inconfortables. Remuer le panier de crabes et mettre sa situation au clair, ou se voir petit à petit déserté. Paradoxalement, c’est en ce moment où il tient les manettes locales du pouvoir, que le PS est en grand danger. Entre l’implosion possible et le dessèchement probable, il va devoir naviguer. En a-t-il encore les moyens ?

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