Hauts-de-Seine : Santini, injures et omerta

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Lors d’une interview par Guy Birenbaum, André Santini, secrétaire d'État à la fonction publique en a profité pour attaquer une élue socialiste des Hauts-de-Seine, la conseillère régionale d'Île-de-France, Lucile Schmid. 

Voici cette interview en images :


 

Lucile Schmid lui avait alors répondu sur Le Post, C'est ici. 

Pour ne pas se laisser rabrouer sans suite, Lucile Schmid a décidé d'écrire une "tribune" sur le sujet et l'a adressée à quatre journaux (Le Monde, Libération, Le Figaro et Marianne), espérant une publication qui créerait un débat... Mais rien n’est venu. Comme l'explique Lucile Schmid à Guy Birenbaum, près de deux semaines après cet envoi : "je n'ai pas eu de refus... Mais un silence total...".

Birenbaum lui a donc demandé d'envoyer son texte pour comprendre ce mutisme. Celui-ci, le trouvant tout à fait publiable et, posant une série de questions intéressantes sur notre système politique et sur les relations politiques/médias, a décidé de le publier sur Le Post.

Et à mon tour, je vous en fais profiter.

Souhaitons que cette modeste parution, associée à celle sur Le Post, conduise l'un des journalistes qui l'ont reçu à le retrouver dans la pile, déjà poussiéreuse, où il est, très certainement, simplement en souffrance. Dans l'attente d'une publication imminente...

Un ministre de la République peut-il impunément injurier ses adversaires ?
"Déesse des Carpathes" ! "Pauvre conne" ! "Elle se prend pour Ségolène Royal". André Santini, ministre de la République et maire apparemment débonnaire d'Issy-les-Moulineaux, multiplie depuis quelques semaines les attaques personnelles à mon égard. Tout cela dans une certaine indifférence. Le monde politique est familier des noms d'oiseau. La grossièreté des moeurs politiques a d'ailleurs joué un rôle essentiel dans le désamour entre élus et électeurs. La réaction des simples citoyens face à ces pratiques est spontanément celle de la lassitude et du désintérêt.

Mais la situation est ici différente de celle où dans un combat loyal des adversaires politiques se laisseraient aller à certaines violences verbales. André Santini est ministre, en charge du dossier de la Fonction publique, habitué des plateaux de télévision. Ses attaques sont formulées à dessein devant des journalistes. C'est une provocation qu'on pourrait résumer ainsi : "Je suis un homme puissant, un grand élu. J'ai donc des droits que les autres n'ont pas. L'un de ces droits est celui d'insulter mes adversaires devant vous. Osez vous y opposer et vous verrez."

S'y opposer commence évidemment dès qu'on rapporte publiquement les propos du maire d'Issy-les-Moulineaux. Les journalistes sont ainsi placés dans un rapport de forces. C'est un test démocratique qui se joue. Oseront-ils donner un droit de réponse à une outsider et prendre ainsi le risque de représailles de la part d'un homme connu pour ses bons mots et son rôle d'informateur de la presse ? Ou choisiront-ils la solution la moins coûteuse, celle de glisser sur des attaques personnelles et sexistes en les excusant par le fait qu'André Santini s'était ce jour là levé du pied gauche ?

Il y a là un processus étrange, une sorte d'inversion de la charge de la preuve où finalement c'est la personne insultée qui finit par être ressentie comme une gêne. Ne vaudrait-il pas mieux qu'elle n'existe pas ? Ne resteraient plus alors que Santini, ses bons mots et ses cigares. Les choses seraient tellement plus simples si les adversaires restaient toujours à la niche. C'est un sentiment d'impunité qui s'exhibe ici.

Il n'est d'ailleurs pas nouveau chez notre histrion et a, sans doute, été nourri par le fait que malgré une mise en examen, il a obtenu de rester ministre, obligeant le gouvernement Fillon à bien des contorsions pour le justifier. N'était-il pas d'emblée exceptionnellement protégé ? Lâcher François Bayrou mérite des égards, appartenir au monde bien verrouillé des Hauts-de-Seine en appelle encore d'autres.

André Santini sait que l'existence médiatique est l'une des clés de l'existence politique. Pour lui comme pour ses adversaires. C'est donc à dessein qu'il les injurie ainsi –car je ne suis pas la seule à en faire les frais- devant des journalistes. Il souhaite insinuer en eux le sentiment qu'ils sont obligés de choisir leur camp –avec moi ou contre moi-. C'est une forme de prise d'otage, et de chantage à laquelle il faut résister. Le débat ne doit pas se situer sur le terrain qu'il veut imposer. Il ne peut se nouer qu'autour de la défense de la liberté d'expression et le respect d'un minimum d'égalité des droits. Car si tous les combats politiques sont perdus (ou gagnés) d'avance à quoi bon prétendre être en démocratie ?

Un second point me semble important. Autrefois, dans un âge d'or pas si lointain, un ministre c'était aussi une personne qui parlait un langage châtié, qui parlait en français. C'était obligatoire, cela faisait partie de la dignité de la fonction. C'était aussi la manifestation d'un respect à l'égard des autres, des citoyens. Pourra-t-on maintenir longtemps la schizophrénie d'une société où certains dénoncent le langage des jeunes et appellent à réhabiliter les fondamentaux de la langue française, et où nous assistons passifs au fait que certains hommes politiques connus s'expriment de plus en plus fréquemment avec grossièreté pas seulement à l'égard de leurs adversaires politiques, mais aussi vis à vis de tous ceux qui les "dérangent" ?

L'exemple vient de haut. Le Président de la République lui-même est devenu familier de ses dérapages. A travers ce sentiment d'impunité, cette absence de limites c'est de nouveau la crise démocratique qui affleure. Qu'est-ce que la démocratie ? Un régime politique et social où l'ensemble des citoyens puisse exercer son droit de parole sans confiscation, sans être en permanence renvoyé à une relation du fort au faible.

Nous voyons aujourd'hui deux scénarios s'esquisser. L'un très noir est celui où l'exemple "Santini" ferait tache d'huile. Sentiment d'impunité et verrouillage médiatique iraient de pair avec un désamour croissant entre les citoyens et leurs représentants élus. L'autre beaucoup plus rose –et j'emploie ce mot à dessein- verrait la réflexion classique en France sur les contrepouvoirs trouver enfin des débouchés concrets. Cela suppose évidemment plus de liberté et d'indépendance des médias. Mais aussi au-delà des structures que l'ensemble des personnes, qui ont aujourd'hui envie de lutter contre la chape de plomb et de dépression qui s'est abattue sur la France, trouve moyen de fédérer leurs efforts et leurs convictions. Et cela quel que soit le monde auquel elles appartiennent.

Source : Le Post

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