Un nouveau regard sur l’entreprise et les entrepreneurs

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Le domaine de l’entreprise est traditionnellement considéré comme réservé à la droite supposée mieux à même de comprendre et de représenter  la création et l’entrepreneuriat.


A l’opposé il est courant d’entendre que la gauche se méfierait des chefs d’entreprise, considérés comme de simples exploiteurs des salariés. Il est temps de faire justice de cette vision manichéenne. En effet, la droite n'a pas le monopole de l'entreprise, on pourrait même l'accuser de la desservir par sa  vision sélective de l'économie de marché encourageant une concentration excessive qui tue le marché et finalement inhibe la prise de risque et la volonté d’entreprendre.


Une société où l’innovation et la prise de risque sont découragées


Les entreprises se trouvent enfermées dans un environnement hostile aux PME et à l’innovation. Le système de capitalisme d’héritiers dénoncé par Thomas Phillippon et appuyé sur des études fort bien documentées aboutit à une société bloquée en terme de relations sociales comme de prises de risques sur les marchés les plus porteurs sur le plan international.


L’inégalité des chances face à l’entrepreneuriat demeure la règle dans notre pays et explique pour une part l’insuffisance criante du tissu de moyennes entreprises innovantes et exportatrices pourtant dénoncée à droite comme à gauche.


Ceux qui tentent de s'adapter à l'évolution par la prise de risque, en particulier les PME, se retrouvent à contre courant et se voient sanctionnées à plusieurs niveaux : aides, financement, fiscalité, accès aux commandes publiques, délais de paiement .Certes, on constate une progression du nombre de créations d’entreprises, pour une large part comme palliatif individuel au chômage toutefois. Force est de constater que la part des créations dans les domaines de pointe à haute valeur ajoutée est très insuffisant, même si l’on tient compte des innovations non technologiques. Le passage de la très petite à la moyenne entreprise n’est guère encouragé; or c’est ce type d’acteur qui crée de l’emploi et permet de faire face à la compétition mondiale.


Créer plus pour gagner plus


Partie prenante de l’économie de marché qu’il s’agit de mettre au service du plus grand nombre, la gauche doit mettre au centre de son projet  la création, l’innovation, la culture de projet, elle peut opposer au slogan de Nicolas Sarkozy (« Travailler plus pour gagner plus »), un autre slogan autrement plus fondé «  Créer plus de richesses pour les répartir plus équitablement ».


Il s'agit de définir en France l'entreprise du XXIe siècle non plus comme acteur antagoniste mais partenaire proactif, une entreprise mue par la création de valeur, qui crée de la croissance, du pouvoir d'achat, de l'emploi et de l'investissement en donnant envie d'entreprendre, de s'engager, de se former et de progresser.


Pour la gauche la création de valeur ne doit pas se limiter aux flux financiers mais doit intégrer des critères tels que la qualité de la politique d’embauche (1er emploi, diversité, parité, CDI), la progression des salaires, l’évolution des carrières, la formation continue et les partenariats avec l’université, la qualité des relations sociales, la démarche environnementale.


Impulser le goût d’entreprendre


Au pouvoir dans les régions et dans la majorité des territoires, la gauche est en mesure développer des expérimentations allant dans ce sens, mais c’est au niveau national et européen que résident les clés d’une impulsion du goût d’entreprendre et d’une prise de risque collective par les entrepreneurs, le système bancaire, les collectivités régionales et locales favorisant le développement d'un tissu de PME innovatrices. Ceci passe par une régulation concertée autour de deux axes d’avenir : l’équité sociale et le respect de l'environnement. L’impulsion à donner passe d’abord par la formation et par le développement d’une culture de projet dès l’école grâce à un dialogue et un travail en commun entre enseignants et entreprises dans le respect de l’indépendance de chacun. Il s'agira de faciliter le parcours du porteur et du développeur de projet, de simplifier le dispositif d’aides aux entreprises, de créer un relais permettant aux PME de savoir à quel type d'accompagnements qualitatif (technopole, pépinières d’entreprises, clusters) et quantitatif (capitaux propres, subventions, prêts, garanties) elles peuvent accéder et selon quel processus.


Des critères de financement mieux adaptés


Le développement d’un tissu performant de PME ne saurait se concevoir sans une réforme des pratiques bancaires et financières par l’ d'octroi de moyens de financements fondés sur des critères de type capital risque adaptés. Ceci suppose par exemple la création et le développement de fonds PME et innovation portés par les collectivités territoriales (fonds PME fonds régionaux et/ou fonds de co-investissement), en partenariat avec les acteurs financiers permettant de capitaliser les PME pour initier et soutenir leur développement. Un financement et un support régional donnerait une taille et une garantie suffisante pour lever des fonds au niveau européen (FEDER, BEI) et, permettrait du même coup aux citoyens (avertis ou non) de participer au développement des PME de leurs régions, sous forme de private equity, investissement qu'il s'agit de démocratiser à l'ensemble des acteurs économiques.


Développer une culture financière axée sur la création de valeur


On ne saurait développer une culture de projet sans promouvoir une culture financière, ni sans mettre le développement de l'entreprise au cœur du système bancaire.


Enfin, de même que la gauche se positionne en championne d’une sécurisation des parcours professionnels pour les salariés, il lui revient de proposer des moyens pour sécuriser les preneurs initiaux de risques des entreprises innovatrices.


Ainsi, en se mettant en position de proposer un nouveau pacte aux entreprises, la gauche se montrera telle qu’elle est, une partenaire des entreprises créatrices de valeur dont notre pays a besoin.


Le collectif Désir d’entreprendre, auteur de cette contribution, rassemble des économistes à sensibilité managériale, des dirigeants et cadres d’entreprises privées et publiques ainsi que tout citoyen souhaitant faire de l’économie autrement.

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