Bataille de « chiffonniers » dans les Hauts-de-Seine
Où l'on découvre que Devedjian veut nettoyer le département de la corruption ! Il y a du travail ! Mais il a du renfort, en la personne de "Jean" (Sarkozy).
"Depuis qu'il a succédé à Nicolas Sarkozy à la tête du département des Hauts-de-Seine, le 1er juin 2007, Patrick Devedjian a entrepris de changer son image : « J'en ai assez que l'on dise que ce département est riche et malhonnête ! », confie-t-il au Monde.
Cette croisade a relancé une sourde guérilla entre clans UMP des Hauts-de-Seine, dont les protagonistes ont en commun leur proximité avec le chef de l'Etat. Dernier arrivé : Jean Sarkozy, parvenu le 16 juin à la tête des troupes de la droite au conseil général. Aux yeux du clan anti-Devedjian, le fils cadet du président est le seul à même de le neutraliser.
En guerre ouverte de longue date avec l'ex-maire d'Antony, Isabelle Balkany orchestre les attaques. Alors que « le département a les moyens de construire dix tours Eiffel, Devedjian se prend pour une espèce de Saint-Just mais à mauvais escient ! », s'exclame la vice-présidente chargée des collèges. L'élue (UMP) de Levallois cite un seul exemple : la suppression pour 2008 du dispositif « Parc en sports », qui « finançait des activités pour les gamins qui ne peuvent pas partir en vacances ». Il est remplacé par un système « moins favorable aux villes pauvres », regrette-t-elle. A la demande de « Jean » (Sarkozy), insiste Mme Balkany, M. Devedjian l'a rétabli pour 2009.
Elle n'est pas la seule à dénoncer certains arbitrages. Proche de Mme Balkany, Alain-Bernard Boulanger, premier vice-président (UMP) chargé de l'habitat, calcule que l'office HLM du département « devrait perdre 7 millions de subventions en 2008 du fait des économies engagées par M. Devedjian ». Cela « risque d'entraîner un quasi-effondrement de la construction de logements sociaux financés par le conseil général », assure le maire de Villeneuve-la-Garenne. « Vouloir, comme M. Devedjian, concentrer nos financements uniquement sur les communes qui n'atteignent pas le plafond des 20 % de logements sociaux de la loi SRU, déplore M. Boulanger, c'est prendre le risque de ne pas atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé de 3 250 logements par an dans les Hauts-de-Seine ».
« Propagande ! », réplique M. Devedjian en brandissant des chiffres qui montrent, au contraire, une hausse du budget départemental pour le logement en 2008. « M. Boulanger ferait mieux de s'occuper un peu plus de la gestion de la SEM 92 dont il est le président », rétorque le patron du département, qui assure avoir « découvert une facture irrégulière de 400 000 euros » dans les comptes de cet organisme chargé des grosses opérations d'aménagement du département. « Je me demande comment une livraison de sable pour un chantier piloté par la SEM 92 d'une valeur d'un million d'euros a pu disparaître », poursuit le patron du conseil général.
« MA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION »
« Je dérange parce que j'entends nettoyer les écuries d'Augias », constate M. Devedjian. « Toutes les attaques dont je suis l'objet résultent de ma lutte contre la corruption », prétend-il.
M. Devedjian se prévaut ainsi d'avoir coupé les vivres de la « SEM coopération », une société d'économie mixte créée par M. Pasqua qu'il soupçonne d'alimenter ses réseaux africains. « La SEM payait certaines entreprises en liquide », s'étonne M. Devedjian, qui a également amputé les crédits du pôle universitaire Léonard-de-Vinci, la « fac » de M. Pasqua. « Nicolas Sarkozy avait commencé à réduire les crédits. Je continue », dit-il. « Pasqua a fait récemment refaire la salle à manger de cette fac pour 160 000 euros. Ce n'est pas au département de payer », plaide le président du conseil général.
« On ne tire pas impunément les moustaches du vieux lion qui dort », s'amuse un proche de Charles Pasqua, constatant que M. Devedjian est devenu l'homme à abattre pour l'ex-patron du département. Ces derniers mois, en revanche, M. Pasqua n'a pas manqué de décrocher son téléphone pour dire aux élus de droite tout le bien qu'il pense de Jean Sarkozy.
Ce dernier se garde d'attaquer bille en tête M. Devedjian. Mais il juge « nécessaire d'amplifier nos politiques de solidarité si nous ne voulons pas nous exposer à des crispations sociales dans un département marqué par de profondes disparités ». M. Boulanger approuve : « Jean a l'étoffe pour être un jour président du conseil général », s'enthousiasme-t-il. Mais avant, il devra y avoir « un pape de transition », explique le premier vice-président. Au cas où M. Devedjian serait « mis en minorité » avant la fin de son mandat, prévu en 2011."
Béatrice Jérôme
Source : Le Monde