Bataille de « chiffonniers » dans les Hauts-de-Seine - suite
M. Pasqua réplique à l'« impétueux » M. Devedjian
A 82 ans, Charles Pasqua n'a rien perdu de sa verve. Quarante-huit heures après avoir été mis en cause dans ces colonnes par Patrick Devedjian (voir ici), le sénateur des Hauts-de-Seine nous a reçus dans son bureau de l'université Léonard-de-Vinci – dite « fac Pasqua » –, à Courbevoie. Enjeux : la gestion d'un (très) riche département, où M. Pasqua dispose encore de relais efficaces; un « héritage » de la famille UMP laissé à M. Devedjian par Nicolas Sarkozy, mais sur lequel lorgne désormais le fils du président, Jean.
Patrick Devedjian entend « nettoyer les écuries d'Augias » et en finir avec l'image d'un département « malhonnête ». En tant qu'ex-patron du conseil général, comment réagissez-vous ?
M. Devedjian est impétueux et parfois abrupt dans ses jugements. Il faut qu'il reprenne ses esprits. Je souhaite pour les Hauts-de-Seine qu'il assume calmement ses fonctions et qu'il explique à sa majorité que ses mots ont dépassé sa pensée. Dans le cas contraire, il vaut mieux qu'il fasse autre chose car la situation va rapidement devenir intenable.
Il évoque le cas d'entreprises payées en liquide par la SEM coopération, que vous avez créée pour développer des opérations de développement en Afrique.
C'est totalement faux. Pour l'instant, il se garde de donner des faits précis ou de citer des noms. En revanche, il jette la suspicion sur tout le monde. Il faut qu'il fasse attention. A la minute même où il citera nommément des élus ou des personnels du conseil général, on s'expliquera devant les tribunaux. C'est clair !
M. Devedjian affirme que vous êtes un de ses opposants.
Je n'ai jamais été contre M. Devedjian. J'ai fait la campagne de Jean Sarkozy pour la présidence du groupe UMP. Je me suis borné à dire que le conseil général avait besoin d'un coup de jeune et la majorité de dynamisme et d'unité. Jean Sarkozy était le mieux à même de l'assurer.
J'avais pour M. Devedjian de l'estime. Par le passé, c'est moi qui ai fait en sorte qu'il se présente à la mairie d'Antony, puis qu'il soit député des Hauts-de-Seine. Il me doit tout. Aujourd'hui, il considère qu'il est attaqué par l'humanité tout entière. En tout cas de moi, il n'a rien à craindre ! Je ne suis plus candidat à rien. Il doit seulement s'attendre à ce que je rende les coups qu'il me porte.
Ne lui en voulez-vous pas d'avoir baissé les crédits de la « fac Pasqua » ?
Je lui ai proposé un échéancier précis de diminution des subventions. Le département a fait l'effort de construire et de financer cette université départementale. Maintenant qu'elle est reconnue, il est normal que progressivement la participation financière du conseil général diminue.
M. Devedjian affirme qu'en voulant lutter contre « la corruption », il dérange certains élus UMP.
Il dérange parce qu'il est incompréhensible et incohérent. Il a eu la chance de succéder à Nicolas Sarkozy et à moi-même. Il est à la tête d'un des départements les plus importants de France. Il a hérité d'une situation en or. N'importe qui aurait dit : Ça va marcher comme sur des roulettes.
Mais il a malheureusement une espèce de tempérament destructeur qui l'amène à dénoncer tout ce qui a été fait avant lui. Il a baissé les crédits du logement de l'action sociale sans se donner la peine d'étudier les objectifs et les résultats de ces politiques. Je comprends qu'il veuille imprimer sa marque. Mais son problème, c'est qu'il est à la recherche d'une posture et qu'il ne l'a pas encore trouvée.
Sa politique remet-elle en question les orientations qu'avait fixées M. Sarkozy pour le département ?
S'il met en cause la gestion de ses prédécesseurs, cela retombe aussi sur M. Sarkozy, en tant qu'ancien président du département. Dans cette mesure, ce que fait M. Devedjian est de nature à nuire aux intérêts du président de la République. C'est clair!
Mais que cherche-t-il au juste ? Il y a plusieurs hypothèses. Il assure qu'il n'a pas d'ambition pour l'avenir. Si l'on analyse ses propos d'un point de vue freudien, cela veut dire qu'il en a ! Il peut vouloir se positionner pour 2012. J'en connais beaucoup qui n'ont qu'une seule envie, c'est de savonner la planche sur laquelle est installé M. Sarkozy. En fait-il partie ?
Quelle pourrait être l'attitude de la droite départementale ?
M. Devedjian devrait être protégé encore pendant une année par M. Sarkozy. A moins que d'ici là, les conseillers généraux ne décident de le mettre en minorité au moment du budget. C'est un scénario qu'il vaudrait mieux éviter.
Propos recueillis par Béatrice Jérôme
Source : Le Monde