Nicolas Sarkozy : après lui, le chaos (2nde partie)
Par Julien Martin
Partout où il passe, ses successeurs trépassent. Après la mairie de Neuilly et le Conseil général des Hauts-de-Seine (lire la 1ère partie), voici l’histoire des difficiles successions de Nicolas Sarkozy à l’UMP et au ministère de l’Intérieur. A vouloir tout diriger tout seul, il annihile toute concurrence, quitte à rendre impossible toute succession viable.
A l’UMP
Ce n’est pas lui qui l’a créée, mais l’UMP est devenue son parti, sa machine de guerre électorale. Nicolas Sarkozy fait main basse en 2004 sur la formation fondée en 2002 par le tandem Chirac-Juppé. Il sait qu’une élection présidentielle ne peut se gagner sans le soutien d’un parti. Il profite donc des ennuis judiciaires du second et de la carrière finissante du premier pour en prendre les rênes.
Jacques Chirac tente de l’en empêcher en le sommant de démissionner de son poste de ministre de l’Economie s’il veut accéder à la tête du parti. Les règles de non-cumul sont fluctuantes. Mais l’enjeu n’est plus Beauvau, c’est désormais l’Elysée. Nicolas Sarkozy se plie donc à l’injonction présidentielle. Rira bien qui triomphera le dernier.
Trois années de règne sans partage suivront. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille et vice-président du parti, s’effacera pour se ranger derrière lui. Rachid Kaci essayera de faire parler de lui en se présentant à la tête du mouvement, mais Nicolas Sarkozy l’annexera jusqu’à le nommer ensuite conseiller technique de l’Elysée. Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan fera de même, mais sera lui contraint de quitter l’UMP pour exister. La très conservatrice Christine Boutin tentera également sa chance, mais finira par être nommée ministre dès la formation du premier gouvernement Sarkozy.
Même Michèle Alliot-Marie donnera à son tour l’illusion d’un ersatz d’opposition interne, juste avant la présidentielle. Elle mènera des débats publics face à Nicolas Sarkozy, mais se retirera pour lui apporter son soutien officiel en janvier 2007 et entrer dans le même gouvernement six mois plus tard.
Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy élu doit songer à sa succession. Pas question toutefois que son influence ne s’amenuise au sein de l’UMP. Selon la méthode éprouvée du « diviser pour mieux régner », le poste de président du parti est supprimé pour une direction partagée. A Jean-Pierre Raffarin, la vice-présidence. Et, surtout, à Patrick Devedjian, la tête de l’organe exécutif, le secrétariat général du parti.
Une recomposition loin de montrer son efficacité aux municipales et cantonales. Mais que personne ne tente une quelconque émancipation. Raffarin se doit d’éviter de contrarier le chef de l’Etat s’il veut prendre cet automne la présidence du Sénat. Devedjian s’est lui vu attribuer trois adjoints proches du Président sur lesquels il n’a aucune autorité: Xavier Bertrand, Nathalie Kosciusko-Morizet et Christian Estrosi.
Moins connu : le conseiller politique de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Jérôme Peyrat, est aussi devenu directeur général de l’UMP. L’unité du parti n’est pas à l’ordre du jour. Il n’est pas nécessaire de le remettre en ordre de marche avant 2010.
Au ministère de l’Intérieur
Passé par les stratégiques ministères du Budget (où l’on a accès aux déclarations fiscales de tous les Français), de la Communication (où l’on rencontre le gratin de la sphère médiatique), ainsi que de l’Economie, des Finances et de l’Industrie (où l’on côtoie grands patrons et décideurs économiques), c’est au ministère de l’Intérieur que Nicolas Sarkozy a véritablement imprimé sa marque. Quatre années (2002 à 2004 et 2005 à 2007) qui ont laissé des traces.
Des traces en forme de nominations de proches aux postes-clés de l’appareil sécuritaire. Et des traces particulièrement utiles quand les chiraquiens se sont ensuite emparés du maroquin. Dominique de Villepin d’abord, entre 2004 et 2005, qui a rapidement vérifié qu’il était entouré de sarkozystes, qui ont considérablement limité la portée de sa courte action.
Le volet politique de l’affaire Clearstream a tout de même, un temps, déstabilisé Nicolas Sarkozy. La Place Beauvau n’était pas suffisamment cadenassée, il fallait donc y revenir. Claude Guéant, à l’époque directeur de cabinet du ministre Sarkozy, ne s’en est pas caché: ce retour, c’était « pour se mettre à l’abri des coups tordus ». Un travail achevé avec succès.
MAM, chiraquienne actuellement installée à Beauvau, n’inquiète nullement le nouveau chef de l’Etat. Michèle Alliot-Marie est très bien entourée, exclusivement d’hommes qui lui sont réputés proches de Nicolas Sarkozy. Son ami d’enfance Frédéric Péchenard a été nommé directeur général de la police. Il a remplacé un autre sarkozyste, Michel Gaudin, qui est devenu préfet de police de Paris. Enfin, Bernard Squarcini, l’homme qui a permis à Nicolas Sarkozy de s’attribuer les lauriers de l’arrestation d’Yvan Colonna, a pris la tête de la DCRI, nouvelle entité qui rassemble DST et RG.
Une ministre et des hommes qui tentent de gérer tant bien que mal l’après-Sarkozy. Pas évident après des années de folie des grandeurs… qui n’ont rien réglé. La grogne couplée police-gendarmerie a repris de plus belle sitôt le candidat Sarkozy entré en campagne. Une grogne persistante qui a notamment obligé le nouveau chef de l’Etat à reporter la grand messe de la sécurité prévue le 15 novembre dernier à la Défense.
C’est maintenant au tour des potentiels prétendants à l’Elysée de connaître le même sort. François Fillon occupe un poste de Premier ministre qui n’en a que le nom. Xavier Bertrand est atteint du syndrome des excellents techniciens trop froids pour être populaires. Jean-François Copé a lui carrément disparu de l’organigramme gouvernemental pour se faire flinguer à la moindre initiative, comme dernièrement à la tête de le Commission pour la nouvelle télévision publique. Quant à Dominique de Villepin, il est toujours empêtré dans les filets judiciaires de l’affaire Clearstream. C’est bien parti pour 2012.
Source : Rue89