BHL : Un jour je dirai la bonne candidate qu’elle fut
Un jour j’expliquerai pour quelles raisons je me suis engagé, avec tant de force, de détermination, à ses cotés. Un jour aussi je dirai la bonne candidate qu’elle fût, dans une campagne piégée, semée de chausse-trappes et ou, pour ce dont il me fut donné d’être le témoin direct, on se demandait, parfois, ou étaient ses pires ennemis : dans le camp d’en face, vraiment, ou là, au plus près d’elle-même, dans son état-major de campagne, ou même plus près encore.
Un jour, mais dans longtemps, je dirai le trouble qui me gagna dans les deux ou trois circonstances ou m’apparut l’extrême solitude de cette femme, et son courage dans cette solitude.
L’histoire du « grand discours » sur la Défense en est la parfaite illustration :
Le 3 mars, où l’attendait, naturellement, tout ce que la classe politico-médiatique comptait de donneurs de leçons, prêt à pointer le moindre signe d’incompétence ou de faiblesse. Il y a le vrai discours, d’abord, celui qu’elle a effectivement prononcé et que l’on peut, aujourd’hui encore, trouver sur son site officiel : parfait.
Et puis il y a l’autre, le vrai faux, ou le faux vrai, la première version, celui qu’on lui a préparé, qu’on lui a mis dans son sac, et dont elle découvre, à la dernière minute ou presque, qu’une plume attentionnée l’a littéralement piégé. Comment piège-t-on un discours sur la défense ? Comme tout.
En y plaçant, disposées aux bons endroits, de bonnes petites grenades qui vous explosent à la figure dès que vous approcherez. Ce passage sur le terrorisme islamiste, expliqué par l’humiliation et la misère, autrement dit justifié, excusé. Ce paragraphe sur les Etats-Unis qu’elle ne devait évoquer que pour s’en moquer, prendre ses distances et bien faire vibrer les cordes de l’anti-américanisme le plus éculé. Ou le fait qu’elle n’était supposée parler de l’Allemagne, de l’Espagne, de nos partenaires européens, qu’en les appelant « nos voisins », oui pas nos partenaires, nos « voisins ».
Encore une jolie peau de banane qu’on lui mettait sous les pieds et qui faisait que la candidate allait clore définitivement le débat qui déchirait son parti en mettant une croix sur l’Europe, une perle dont la presse française et européenne se serait régalée.
Autre sale fantôme, la véridique histoire du discours-fleuve de Villepinte qui marqua son retour sur le devant de la scène après la période de débats participatifs et d’écoute.
Ce discours, dans sa partie politique étrangère, connut, lui aussi, deux versions.
L’une qui n’évoquait la Chine que comme « un géant économique »( pas un mot sur les droits de l’homme, sur le Tibet, sur les journalistes), puis qui, évoquant la Russie de Poutine, ne trouvait rien de mieux à dire que : notre grande, notre seule, erreur aura été de tenter de « formater à notre image » sa « jeune démocratie » et de lui imposer notre manière de voir et de juger (pas un mot sur la Tchétchénie, pas un mot sur les journalistes muselés et assasinés, pas un mot sur le retour de l’esprit de dictature) et un texte qui, à propos de l’Afrique, ne disait rien du Darfour, rien du Rwanda. Un « formatage » du texte épousant les pires thèses de la doctrine Védrine et de son relativisme culturel et économique.
Et puis il ya la seconde version, qu’elle écrivit elle-même, dans la nuit de samedi au dimanche, à la toute dernière minute, sans secrétaire, et qui est la version qu’entendirent, stupéfaits, les gros malins qui, assis au premier rang, se délectaient par avance de la voir s’enferrer dans le nouveau piège qui lui avait été tendu.
Dans cette version, la seule , la vraie, celle qui fera foi devant l’histoire, elle a tout renversé puisqu’elle rappelle que « la démocratie est un bien commun » et qu’elle aura à coeur, si elle est élue, de le rappeler aux Chinois, elle promet d’être face à la Russie, « une présidente intraitable quand il s’agira de dénoncer les abus de droit, les entorses aux droits de l’homme et les crimes de guerre ».
Extrait de : « Ce grand cadavre à la renverse » de Bernard-Henri Levy
Source : blog de Romain Mercière