Ségolène Royal sur RTL, le 9 octobre 2008
Ségolène Royal sur RTL le 9 octobre 2008
envoyé par lespoiragauche
Jean-Michel Aphatie : Bonjour, Ségolène Royal.
Ségolène Royal : Bonjour.
Qu'est-ce qui n'a pas été fait qui devrait être fait, selon vous, dans l'actuelle crise financière ?
C'est de changer le système.
Le système !
Oui, c'est de changer le système.
Changer le capitalisme ?
Changer le capitalisme, changer les objectifs du capitalisme. C'est-à-dire qu'on a aujourd'hui un désordre profond à la fois financier, économique et social. Donc, c'est très simple. Ce qu'il faut faire, c'est que le système financier ne soit pas au service de lui-même mais au service de l'économie et que l'économie soit au service du bien être, c'est-à-dire du développement humain et de l'écologie.
Et là, on a eu un système financier qui s'est mis au service de lui-même. Tout le monde paraît surpris aujourd'hui ; mais voilà quand même un certain nombre de temps que les Economistes tiraient la sonnette d'alarme sur ce système devenu fou ; et rien ne serait pire, Jean-Michel Aphatie, que des décideurs politiques qui aujourd'hui colmateraient les brèches et consolideraient un système perverti sans avoir le courage politique de le changer.
Mais là, il faut les colmater les brèches, peut-être changer plus tard...
Non, non...
On ne peut pas changer tout de suite.
Non, non, il faut colmater les brèches si on change le système, c'est-à-dire, par exemple, s'il y avait une réunion internationale d'ailleurs qui tarde à venir et si, par exemple, tous les pays industrialisés décidaient de refuser les investissements en provenance des paradis fiscaux. Voilà une décision très concrète qui assainirait déjà le système. Si ensuite, des fonds de placement étaient tous soumis à la règlementation à laquelle aujourd'hui ils échappent. Si la rémunération des traders était enfin réformée comme on le dit maintenant depuis plusieurs fois sans le faire, s'il y avait dans chaque pays, une banque nationale à commencer par la France qui garantirait les Prêts aux entreprises et aux particuliers. Voilà un certain nombre de mesures concrètes qui permettraient de changer le système.
Ce que vous dites, Ségolène Royal, c'est plutôt moraliser le système et le sécuriser mais pas vraiment le changer ?
Si.
Qu'est-ce que c'est, changer le système ?
C'est, je le répète, mettre le système financier au service de l'économie et non pas l'inverse. Donc mettre en place des règles qui vont permettre de faire en sorte que l'économie bénéficie de flux financiers pour permettre de créer de l'emploi et de la valeur ajoutée parce qu'on ne parle pas beaucoup des petits épargnants et des entreprises. Or, si le système financier est suffisamment puissant, aujourd'hui, avec ses dirigeants qui sont très puissants, qui sont souvent très liés aux pouvoirs en place, arrivent à obtenir de l'Etat, c'est-à-dire des contribuables que l'on éteigne l'incendie mais que le feu continue à couver sous la cendre, c'est-à-dire un système qui va se rétablir tel qu'il est ; alors, à ce moment-là, la crise à venir sera beaucoup plus violente et beaucoup plus profonde. Et aujourd'hui, il faut juger les décisions des responsables politiques, à leurs capacités et à leurs courages et à savoir si oui ou non ils vont changer le système.
Vous êtes une observatrice attentive de la crise, bien sûr. Nicolas Sarkozy dans son rôle de président de l'Union, vous paraît-il faire ce qu'il faut et prendre les initiatives qui conviennent ?
Ecoutez, il est intervenu très tardivement...
Tardivement !
Il est intervenu très tardivement. Il est quand même président de l'Union depuis le mois de juillet. La crise des subprimes, ça a commencé l'année dernière. Et puis...
Disons que depuis la faillite de Lehman Brothers, la Crise on l'a devant nous ?
Non, non, on la savait depuis deux ans. Ecoutez en 1994, il y a eu la crise mexicaine ; en 1997 il y a eu la crise russe ; en 1998, il y a eu la crise du Sud-Est asiatique...
Ah oui, ça c'est sûr !
En 2002, il y a eu la crise de l'Argentine ; en 2007, il y a eu la crise américaine...
Vous avez fait toute la liste.
Oui, pourquoi ? Parce qu'il y a une irresponsabilité des dirigeants au niveau de la planète. A chaque fois, on nous a dit : "Mais tout va bien !" ; et à chaque fois, tout a recommencé comme avant. Donc, aujourd'hui, il y a une contamination internationale des créances douteuses et c'est ce qui explique aujourd'hui l'écroulement du système financier. Mais ça n'est pas une fatalité puisque ces liquidités, elles existent bien.
Donc, il faut - je le répète - que le pouvoir politique impose des règles aux banques, impose des règles aux fonds spéculatifs qui, aujourd'hui, échappent à toute règle, mette fin aux paradis fiscaux et réglemente les rémunérations des traders qui sont, par définition, engagés à faire en sorte que le système soit perverti puisqu'ils sont payés s'ils gagnent de l'argent et ils sont payés s'ils perdent de l'argent.
Les banques centrales ont baissé spectaculairement leur taux d'intérêt, les dépôts des banques sont garantis, les Etats assurent en Europe qu'aucune banque ne sera mise en faillite. Et du coup, Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne dit : "Reprenez vos esprits. Pas de pessimisme excessif !" Ce mot d'ordre vous paraît juste, ce matin, Ségolène Royal ?
Je pense, oui, qu'il a raison de mettre un frein à l'affolement parce que vous savez, l'économie c'est aussi beaucoup de psychologie. L'affolement entraîne l'affolement et aujourd'hui, ceux qui souffrent le plus, ce sont les petits épargnants et ce sont les entreprises qui créent de l'emploi. Que disent les Français aujourd'hui ? Que leur pouvoir d'achat n'a toujours pas augmenté. Il y a beaucoup d'inquiétude à l'approche de la fin de l'année. J'entendais beaucoup de vos auditeurs dire : Mais Noël approche, comment va-t-on acheter les cadeaux à nos enfants ? Il faut remplir les cuves de fuel parce que le coût de l'énergie n'a toujours pas baissé. Et on n'entend pas les petits épargnants. On entend beaucoup les dirigeants bancaires qui font pression sur les Etats, en effet, pour rétablir leur système. Mais ce que je voudrais dire à Jean-Claude Trichet, c'est qu'il faut qu'il aille jusqu'au bout de sa phrase, c'est-à-dire peut-être pas d'affolement parce qu'il y a des interventions qui vont dans le bon sens mais ces interventions ne sont, à très court terme : consistent à éteindre un incendie et Jean-Claude Trichet, maintenant, doit...
Mais là il le dit : "Pour ce matin, reprenez vos esprits !" Et vous êtes d'accord avec lui ?
Non, non. Pour ce matin, il doit continuer sa phrase et dire : pas de panique à condition que le système change et qu'il y ait des réformes structurelles qui empêchent un système capitaliste financier perverti...
Ca, c'est vous qui le dites. C'est pas lui qui le dira, bien sûr.
Eh bien j'attends de lui qu'il le dise.
Peut-être que vous attendrez longtemps !
Eh bien c'est bien dommage parce que c'est son rôle !
Possible.
C'est son rôle. Il ne peut pas... Attendez, c'est très important ce que vous dites là : M. Trichet ne peut pas se permettre de conseiller aux Etats de consolider un système capitaliste perverti, il doit absolument leur demander de changer le système en profondeur, sinon M. Aphatie...
Il a sans doute entendu le message.
... Non, attendez M. Aphatie, on ne pourra pas dire : si la crise là se calme, et resurgit dans six mois, on ne pourra pas dire que l'on ne savait pas. C'est comme pour l'Environnement, on ne pourra pas le dire !
Vous l'avez déjà dit. On l'a entendu, Ségolène Royal. Votre meeting au Zénith le 27 septembre dernier, a fait couler beaucoup d'encre. François Rebsamen, qui est l'un de vos proches, dit ceci : "Ségolène Royal est la seule à pouvoir rassembler 4.000 personnes ; je lui suggère amicalement de parler moins d'elle et de parler plus de politique".
Ecoutez, j'ai vu cette émission. Il était en face d'un journaliste qui l'a harcelé...
Ah c'est la faute au journaliste !
... de façon arrogante pour lui faire dire du mal du Zénith...
Je n'y avais pas pensé, tiens ! Que c'était la faute du journaliste !
... Non, mais honnêtement, il a défendu cet événement. Juste un mot là-dessus, Jean-Michel Aphatie. Quand Barack Obama renouvelle de fond en comble la façon de s'adresser aux catégories populaires qui n'ont jamais l'occasion de venir à un concert et que moi, j'ai invité gratuitement tout le monde s'esbaudit... Quand c'est moi qui renouvelle la façon de m'adresser, et je continuerai à le faire parce que je pense que la politique est aussi de la fraternité...
Mais c'est la faute aux journalistes si votre initiative est mal comprise, alors ? C'est ce que vous voulez dire, Ségolène Royal ?
Oui, je pense que ceux qui étaient dans la salle... Ecoutez, vous savez quand un événement comme celui-ci est résumé en quelques minutes au journal de 20 heures, c'est très facile de le caricaturer. Ceux qui étaient dans la salle...
On essaiera de mieux faire notre travail !
... Ceux qui ont eu l'honnêteté d'assister à la totalité de cet événement, je vous invite à le faire...
Rapidement.
... Est-ce que vous avez vu la totalité du discours et de l'intervention, et de l'événement, monsieur Aphatie ?
Sur Internet, j'ai beaucoup regardé. Absolument. Et j'ai une opinion personnelle, mais je vais la garder pour moi.
Voilà. Donc vous pouvez juger en toute objectivité.
Regardez ! "Paris Match", rapidement... (une seconde !) "Paris Match" rapidement. "Martine Aubry, l'anti-Ségolène Royal". C'est juste ça ?
Moi je ne rentre pas dans les querelles de personnes.
Eh bien les journalistes y rentrent. Ils ont tellement tort les journalistes. Ségolène Royal était l'invitée de RTL ce matin. Bonne journée. Merci.
Source : Désirs d'avenir