Vincent Peillon : "La porte du PS nous est fermée"
Vincent Peillon ne mâche pas ses mots. Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, ce lieutenant de Ségolène Royal jette un regard désabusé sur la composition de la direction du Parti socialiste, au sein de laquelle le courant "Royaliste" n'est pas représenté. « Les militants voulaient la clarté et le rassemblement. Ils n'ont eu ni l'un, ni l'autre », juge-t-il.
Nous avons un parti inquiet et divisé qui, depuis le congrès de Reims, attend que sa direction se ressaisisse. Hier, Martine Aubry a raté les deux objectifs qui auraient pu donner le signe d'un nouveau départ. Les militants voulaient la clarté et le rassemblement. Ils n'ont eu ni l'un, ni l'autre.
Martine Aubry affirme vous avoir ouvert la porte. Pourquoi rester en dehors de la direction du parti ?
C'est totalement inexact. Avec Ségolène Royal, j'ai rencontré deux fois Martine Aubry, mercredi et samedi derniers, et, à aucun moment, elle n'a avancé d'offre concrète. Jean-Noël Guérini lui a fait des propositions politiques et lui a suggéré une répartition des personnalités de notre courant. Pas de réponse. Vendredi matin, Ségolène Royal a fait l'effort d'appeler Martine Aubry et lui a dit qu'elle était prête à accepter un poste secondaire pour ne pas faire de sa personne une entrave au rassemblement. Martine Aubry a repoussé cette solution tout comme ma candidature. La volonté était clairement de nous exclure de la direction du Parti socialiste. La porte est bien fermée.
Dans votre camp, Delphine Batho, Aurélie Filippetti, Guillaume Garraud n'ont-ils pas refusé des secrétariats nationaux ?
Débauchage ou intox ? Tout cela n'est pas brillant. La motion que défend notre équipe a recueilli 30 % des voix du parti et on lui offre trois secrétariats thématiques, soit le tiers de ceux accordés aux amis de Benoît Hamon dont la motion n'a obtenu que 18 % des suffrages. On veut faire croire que nous sommes minoritaires dans ce parti mais c'est faux. La majorité que l'on nous oppose est disparate et divisée. Quelle ligne politique commune entre Henri Emmanuelli, Michel Rocard, Laurent Fabius, Bertrand Delanoë et même Martine Aubry ? Le premier est contre la prime à l'emploi, les autres pour. L'un est pour le protectionnisme, l'autre contre. L'un voulait qu'on fasse l'accord avec le Modem dès le premier tour de la présidentielle, les autres jamais ! D'où un texte sans aucun relief.
Samedi, avec vos amis, vous avez multiplié les incidents. Ce n'est qu'un début ?
On a voulu nous interdire de parole et museler le débat sur un texte qui nous engagerait pour trois ans, sans vote des militants. Bref, refaire le congrès après le congrès! Nous ne nous sommes pas laissé faire. Et il y avait matière à discussion puisque le texte de Martine Aubry n'a recueilli que 146 voix sur 306. C'est le plus faible résultat de l'histoire. Nous allons nous mettre au service du parti sur le terrain. Je pense qu'il a besoin de nous pour constituer une force d'opposition au sarkozysme. Le nouveau conseil compte 60% de nouveaux entrants et 50% de femmes.
Reconnaissez-vous cet effort de renouvellement ?
Jean-Christophe Cambadélis, Claude Bartolone, Michel Sapin, Elisabeth Guigou, Marilyse Lebranchu sont des gens de qualité mais ne me paraissent pas incarner le renouvellement. Quand aux « vrais jeunes », ce sont tous d'anciens présidents de l'Unef-ID (syndicat étudiant) et des MJS (Mouvement des jeunes socialistes). Je vois ça plutôt comme un repli que comme une ouverture sur la société réelle, bref une occasion ratée.
Propos recueillis par Marie-Christine TABET
Source : Le Journal du Dimanche