Le manifeste de la révolte de neuf intellectuels antillais - 1

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Première partie : la présentation du manifeste

Ils sont neuf. Neuf Antillais, Martiniquais ou Guadeloupéens. Le Manifeste qu'ils ont confié à Mediapart et qu'ils souhaitent diffuser le plus largement possible donne sens et ambition, politique et sociale, aux révoltes qui, de la Guyane d'abord à la Réunion demain, en passant par la Guadeloupe et la Martinique, ébranlent la France en son cœur par le détour de ses marges, ces confettis ultra-marins de notre défunt empire colonial.


Autour du poète Edouard Glissant, ils sont huit autres signataires: l'artiste-peintre Ernest Breleur, l'écrivain Patrick Chamoiseau, le sociologue Serge Domi, le comédien et auteur dramatique Gérard Delver, le philosophe Guillaume Pigeard de Gurbert, les universitaires Olivier Portecop et Olivier Pulvar et, enfin, le politologue Jean-Claude William.


Surtitré « Martinique - Guadeloupe - Guyane – Réunion » et sous-titré « Pour les "produits" de haute nécessité », ce texte aussi littéraire dans la forme qu'il est radicalement politique sur le fond défend, contre l'exploitation du travail et l'inégalité des richesses qui sont au cœur du système économique hérité du colonialisme, ces "produits" non marchands – liberté, égalité, fraternité en somme – qui sont autant de valeurs vitales.


Surtout, ce Manifeste des neuf dessine un modèle économique alternatif au modèle dominant aujourd'hui en crise et dont les départements d'outre-mer offrent une caricature aggravée, entre vie chère, pauvreté accrue, dépendance, consommation et subvention. La réflexion écologique y est essentielle, promouvant une réponse à la surexploitation de territoires pollués et appauvris, totalement enchaînés à une économie compradore reposant sur l'import-export, contrôlée pour l'essentiel par la caste béké.


Deux citations ont été placées en exergue par les signataires. L'une du philosophe
Gilles Deleuze (1925-1995), tirée de L'Image-temps, paru aux Editions de Minuit en 1985. L'autre d'Aimé Césaire (1913-2008), ce symbole de la cause antillaise disparu l'an dernier, extraite de sa Lettre à Maurice Thorez, texte par lequel il signifia en 1956 sa rupture avec le Parti communiste français.


Gilles Deleuze, d'abord : « Au moment où le maître, le colonisateur proclament "il n'y a jamais eu de peuple ici", le peuple qui manque est un devenir, il s'invente, dans les bidonvilles et les camps, ou bien dans les ghettos, dans de nouvelles conditions de lutte auxquelles un art nécessairement politique doit contribuer. » Aimé Césaire ensuite : « Cela ne peut signifier qu'une chose : non pas qu'il n'y a pas de route pour en sortir, mais que l'heure est venue d'abandonner toutes les vieilles routes. »


Ce texte collectif, dessinant des réponses inventives à la crise économique, est la troisième contribution décisive venue des Antilles au débat politique français. Il y eut auparavant, sous les seules signatures de Patrick Chamoiseau et d'Edouard Glissant, une réponse en 2007 à la création d'un ministère de l'identité nationale
(
Quand les murs tombent, Editions Galaade), puis début 2009 une analyse de la victoire de Barack Obama (L'intraitable beauté du monde, Editions Galaade).

A suivre : le texte du Manifeste

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