Sortons du dogmatisme économique

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Tribune de François Rebsamen dans Le Monde du 7 mai 2009.


« Une crise sans précédent frappe de plein fouet l'économie mondiale. La France connaît, à son tour, le cortège grandissant des fermetures d'entreprises et de licenciements dont les salariés sont les premières victimes. Nous entendons le désarroi des salariés, l'inquiétude de toute une population, la menace de la pauvreté pour un nombre toujours plus grand de Français.


Au moment où les responsables politiques sont appelés à expliquer la crise, je m'interroge sur le sens politique qu'un affrontement droite-gauche revêt pour nos concitoyens. Plan de relance pour les uns, contre-plan de relance pour les autres : la population assiste, impuissante, à un positionnement entre deux modèles de politiques économiques qui veulent limiter les effets de la crise du capitalisme.


Le premier, celui de Nicolas Sarkozy, symbolisé par la loi TEPA teintée de néolibéralisme à la sauce Thatcher, pouvait, du point de vue d'économistes conservateurs, se justifier en période de croissance et de tension sur le marché du travail. Il est aujourd'hui dangereux pour les finances publiques, économiquement inefficace et socialement injuste.


Nicolas Sarkozy, qui se prétend pragmatique, est, en réalité, arc-bouté sur la défense de mesures qui relèvent d'un dogmatisme idéologique avéré : bouclier fiscal pour protéger les plus riches, défiscalisation des heures supplémentaires qui détériorent un peu plus l'emploi, suppression des droits de succession pour les plus aisés.


Il est temps pour lui d'entendre la colère des salariés qui monte du plus profond de notre pays, attisée par toutes ces dispositions qui creusent un peu plus les inégalités et exacerbent le sentiment d'injustice. La situation économique de 2009 n'est pas celle de 2007. Le pragmatisme revendiqué par Nicolas Sarkozy exigerait de renoncer à ces dispositifs ou, a minima, de les reconsidérer devant la situation d'urgence créée par la crise.


Face au dogmatisme du président de la République, quelle est la position des socialistes ? Force est de reconnaître que notre offre économique relève plus du classicisme que d'un pragmatisme novateur : le contre-plan de relance en est le symbole.


En 2007, la France était dans une séquence de forte croissance de l'emploi salarié ; pourtant nous avons voulu continuer à appliquer les mêmes recettes qu'en 1997. Mais, en dix ans, notre pays avait changé et nos propositions ne correspondaient plus aux exigences de la situation, donc aux attentes des Français.


UN NOUVEAU CONTRAT SOCIAL


Il est donc temps d'abandonner les postures dogmatiques, de faire preuve à l'échelon national du même pragmatisme que dans nos collectivités locales. C'est de cette façon seulement que nous pourrons d'abord nous opposer légitimement et efficacement à la politique de Nicolas Sarkozy. Et c'est de cette façon aussi que nous pourrons proposer aux Français un projet alternatif crédible.


Tout un pan de notre industrie est menacé de disparition. Les raisons en sont multiples : insuffisance de recherche et de développement, vieillissement de l'appareil productif, changement de comportement des consommateurs, volonté de certains groupes d'actionnaires de profiter de la crise pour supprimer des milliers d'emplois. En même temps, émerge un nouveau champ industriel avec le développement de la croissance verte : éoliennes, solaire, voitures propres, nouveaux matériaux, etc. Nous devons donc d'abord imaginer des mesures qui concilient sortie de crise et nouveau modèle de développement durable.


Nous devons ensuite inventer un nouveau contrat social réconciliant le salarié et l'outil de production, et donnant à chacun la possibilité de construire sa vie dans la sécurité professionnelle. A chaque jeune qui entrera dans la vie active la société doit garantir un contrat de travail sur toute la durée de sa vie, et à chaque individu déjà salarié, elle doit apporter une sécurité par des contrats de transition professionnelle de plusieurs années si nécessaire, assortis de formations performantes et efficaces.


Ce n'est qu'en sécurisant les individus sur leur avenir que nous rétablirons la confiance et que nous jetterons les bases d'une nouvelle société où chacun, assuré de pouvoir vivre dignement de son travail tout au long de sa vie, pourra être un citoyen à part entière.


Utopie, dirons certains ! Êtes-vous fiers du modèle social que vous voulez protéger, pourrais-je répondre. »


François Rebsamen est maire (PS) de Dijon, sénateur de la Côte-d'Or.

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