Lettre du Monténégro, par Ségolène Royal

Publié le par Désirs d'Avenir Rueil

Ségolène Royal est au Monténégro pour la réunion du Presidium de l'Internationale socialiste. Elle y a prononcé un discours sur les « cinq défis du temps présent ».


Lire la lettre qu'elle envoie depuis Budva.


« Le Monténégro, ce pays magnifique et passionnant, accueille, pour ces quelques jours, les socialistes du monde entier. Le peuple de ce jeune Etat habite une terre d’histoire. La culture monténégrine a été enrichie des apports des plus grandes civilisations de l’orient européen : la Grèce, Rome, mais aussi Byzance, Venise, les Ottomans, la Russie, l’Autriche-Hongrie. Le Monténégro est cependant un jeune Etat. Son indépendance a été proclamée le 3 juin 2006, pour la première fois depuis presque un siècle. Il constituait avant cela, avec la Serbie, l’État fédéral de Serbie-et-Monténégro, et, avant encore, il était une république de Yougoslavie.


L’action menée par l’actuel Premier Ministre, Milo Djukanovic, pour le renforcement de la démocratie, pour un bon voisinage avec les Etats frontaliers, et pour l’intégration dans l’Union européenne, est à saluer. Né en 1962, Premier ministre pour la première fois (il l’a été cinq fois) à 28 ans, il a été le principal artisan de l’indépendance du Monténégro. Il est l’un des fondateurs du Parti des Socialistes Démocratiques (DPS), membre de l’Internationale Socialiste. Le Parti Social-démocrate du Monténégro (SDPM) est également membre de l’Internationale Socialiste. Il est dirigé par Ranko Krivokapic, le Président du Parlement monténégrin. L’un et l’autre étaient hier soir à la réunion du Présidium, présidé par George Papandréou, et ils m’ont dit tout le prix qu’ils attachaient au soutien de la France pour leur entrée dans l’Union Européenne.


Même si les tâches à accomplir sont encore immenses : le renforcement des institutions démocratiques, la réduction des inégalités entre le Nord et le Sud du pays, la résolution des tensions identitaires qui existent encore, la lutte contre la corruption et les trafics criminels, le Monténégro et les socialistes monténégrins sont emblématiques des potentialités de tout ce Sud-est européen qui, après tant d’années de guerres et de troubles intérieurs, a aujourd’hui soif de paix et de démocratie et qui attend beaucoup de l’Europe et de la France. Il faut par exemple souligner que, dès 1992, le Monténégro a été le premier pays à se déclarer État « démocratique, social et écologique ».


La Réunion du Présidium et du Conseil de l’Internationale Socialiste.


C’est donc ici que je me suis exprimée en tant que vice-présidente de l’Internationale Socialiste qui, fondée en 1951, héritière de l’Internationale ouvrière de 1889 et de l’Internationale ouvrière socialiste de 1923, comprend aujourd’hui 170 partis membres. Des organisations fraternelles, dont l’Internationale Socialiste des Femmes et l’Union Internationale de la Jeunesse Socialiste, y ont le droit de vote, et des organisations associées, telles que le Parti Socialiste Européen et le Groupe Socialiste au Parlement Européen, y ont le droit à la parole.


Elle est aujourd’hui présidée par le Président du PASOK, le Grec George Papandreou, que j’ai déjà rencontré à plusieurs reprises et notamment l’automne dernier et ce printemps, à Athènes, pour des débats internationaux sur « La gauche et la mondialisation » et « L’avenir des gauches en Europe ».


Hier, s’est tenue la réunion du Présidium, composé du Président, George Papandréou, des vice-présidents et du secrétaire général, le Chilien Luis Ayala. Les membres, dont certains se sont fait représenter, sont notamment : l’Espagnol José Luis Zapatero, le Britannique Gordon Brown, la Chilienne Michelle Bachelet, le Sud-Africain Jacob Zuma, l’Israélien Ehud Barak, l’Irakien Jalal Talabani, le Sénégalais Ousmane Tanor Dieng, l’Italien Massimo D’Alema, le Pakistanais Asif Ali Zardari, la Suédoise Mona Sahlin, le Belge Elio Di Rupo, l’Haïtien Victor Benoit, le Nigérien Mahamadou Issoufou, le Japonais Mizuho Fukushima, le Finlandais Eero Heinäluoma, le Portugais José Socrates.


Nous avons mis au point l’ordre du jour du lendemain : la crise économique mondiale ; la lutte contre la pauvreté ; la justice et la solidarité dans l’économie mondialisée ; le nouveau rôle de l’État dans l’économie ; les derniers développements dans les Balkans ; les développements politiques actuels ébranlant la sécurité et la stabilité internationales ; la situation en Iran ; le renforcement du régime de non-prolifération ; la sécurité commune à travers le désarmement ; la sécurisation internationale de la démocratie ; la crise environnementale ; les étapes vers Copenhague ; la sécurisation des buts du développement durable ; la solidarité Nord-Sud ; le renforcement, enfin, de l’Internationale Socialiste.


C’est, aujourd’hui, la réunion du Conseil de l’Internationale Socialiste. La dernière a eu lieu au Mexique en novembre dernier. Le Conseil est composé de tous les partis membres ainsi que de l’Internationale Socialiste des Femmes, de l’Union Internationale de la Jeunesse Socialiste et de l’Internationale Socialiste d’Éducation. Il prend toutes les décisions de politique et de principe nécessaires entre les réunions du Congrès.


La réunion du Conseil a été inaugurée ce matin par Milo Djukanovic, Ranko Krivokapic et George Papandreou. J’y ai prononcé ensuite un discours sur « Les cinq défis du temps présent », où j’ai développé, à l’échelle internationale, les thèmes que nous approfondissons dans les universités populaires participatives.


Ma conviction : les socialistes du monde doivent peser sur le modèle de la sortie de crise. Car, pour sortir du chaos et remettre de l’ordre juste, il faut avoir la conviction que rien de durable ne se construira sans justice.


Le moment crucial que le monde traverse appelle à relever cinq défis :

1. Gouverner l’économie mondiale et réduire les inégalités, tant à l’échelle de nos nations qu’à l’échelle internationale. L’unification et la démocratisation de la gouvernance et de la régulation de l’économie mondiale d’une part, la lutte contre les inégalités et pour la justice sociale d’autre part, sont les clefs de l’efficacité de notre réponse à la crise.

2. Construire des sécurités nouvelles, non seulement à l’échelle de nos nations mais aussi à l’échelle du monde, pour combattre les délocalisations, empêcher les pertes d’emploi, augmenter le pouvoir d’achat.

3. La révolution écologique. La croissance verte est l’un des leviers principaux de sortie de crise. Ici particulièrement, la sensibilité écologique, la solidarité et la coordination des socialistes du monde sont nécessaires à une réponse mondiale au défi environnemental.

4. Libérer les énergies par l’éducation, la formation, la recherche et le soutien aux entrepreneurs, notamment par le renforcement de la coopération et des échanges internationaux. Lutter également contre la prolifération des armements car c’est autant de prélèvements sur le bien-être des peuples.

5. La révolution démocratique. Au niveau de nos nations, c’est-à-dire la démocratie de l’État, la démocratie sociale, la démocratie participative, la démocratie parlementaire et la démocratie territoriale. Au niveau international, c’est-à-dire la démocratisation de la mondialisation par la démocratisation des instances de gouvernance mondiale ; le pouvoir des peuples, qui nous conduit à soutenir et à saluer le peuple iranien. »


Ségolène Royal

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