Ségolène Royal abat la carte Jacques Delors face à François Bayrou

Publié le par Dominique Millécamps

Tenir les deux bouts de la chaîne, l'identité nationale et l'Europe. D'un côté, Ségolène Royal vante les symboles de la nation, la Marseillaise et le drapeau, façon, selon elle, de raviver la « fierté » d'un peuple traumatisé par les effets de la mondialisation ; de l'autre, la candidate socialiste souhaite organiser un nouveau référendum sur le fonctionnement de l'Europe, au plus tard le jour des élections européennes, le 14 juin 2009. « Les deux sont étroitement liés, assure-t-elle. C'est parce qu'on est au clair sur nos valeurs que l'on peut considérer d'autant plus avoir besoin de l'Europe. »

Parler en même temps à ceux qui ont voté oui et non, donc. A la gauche et aux catégories populaires qui ont rejeté le projet de Constitution européenne comme à ceux qui l'avaient adopté et qui pourraient aujourd'hui être tentés par la candidature du centriste François Bayrou.

Pour la première fois, Mme Royal, qui participait, mardi 27 mars, à une réunion conjointe du Parti socialiste et du Parti socialiste européen (PSE), à Paris, s'est ainsi affichée au côté de Jacques Delors. Ses premiers mots ont été pour celui « dont le nom même est synonyme d'Europe ».

L'ancien président de la Commission européenne, s'il n'a pas prononcé le nom de Mme Royal, lui a cependant bien renvoyé l'ascenseur. Présentant un rapport sur La Nouvelle Europe sociale, qu'il cosigne avec le président du PSE, Poul Nyrup Rasmussen, il glisse au détour d'une phrase : « Delors âgé a ajouté sa signature parce que le Delors jeune, Bayrou le cherche encore et ne l'a pas trouvé. » C'est dit. Pour M. Delors, il n'y a pas besoin d'insister. L'ouverture centriste n'existe pas.

Sur le fond, l'ancien ministre de François Mitterrand ne partage sans doute pas toutes les options de la candidate socialiste, en particulier sur la réforme des statuts de la Banque centrale européenne (BCE). Mais il a, à plusieurs reprises, marqué son attachement à « l'échelon national ». « Je ne suis pas fédéraliste, je suis pour une fédération d'Etats-nations », précisait-il à la sortie.

Ainsi confortée dans sa démarche, Mme Royal, qui a trouvé dans cette réunion l'occasion de célébrer, en compagnie de François Hollande, le cinquantième anniversaire du traité de Rome qu'elle avait un peu délaissé, a appelé à faire de l'Europe sociale une « nouvelle frontière » - oubliant sans doute qu'elle avait utilisé cette expression pour la Chine.

« Il faut faire les choses dans l'ordre, d'abord redresser la France, redresser l'Europe, lutter contre le chômage, lutter contre les délocalisations, pousser en avant les entreprises qui innovent et, à ce moment-là, les Français accepteront de lui donner des institutions et pas l'inverse », a-t-elle souligné.

Pour la candidate, le salut passe par des avancées sociales visibles : « Un salaire minimum dans chaque Etat membre de l'Union, un taux plancher de l'impôt sur les sociétés dans chaque Etat membre. » « Aujourd'hui, le divorce est tel que nous ne réconcilierons les habitants avec l'Europe qu'en démontrant qu'elle est protectrice », a affirmé Mme Royal. « On ne pourra pas revenir comme ça, à froid, devant les Français. Il faudra faire la preuve que l'Europe avance. »

C'est à ces conditions qu'elle s'est déclarée « prête à prendre le risque politique » d'organiser un nouveau référendum si elle est élue. Mercredi matin 28 mars, dans un entretien à Libération, Mme Royal insiste sur sa responsabilité dans cette campagne qui lui fait tenir les deux bouts de la chaîne. « C'est moi la candidate, c'est sur moi que reposent les responsabilités. Je serai responsable de ce qui arrivera. »

Isabelle Mandraud
www.lemonde.fr

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