Conférence de presse de Ségolène Royal sur la crise, le mercredi 10 août 2011

Publié le par Désirs d'Avenir Rueil

 

 

 

La crise doit être l’occasion de mettre en place un nouvel ordre international juste, a déclaré Ségolène Royal, qui a communiqué les éléments suivants :

 

L’occasion a été manquée lors de la crise de 2008 : Ne pas recommencer.

 

Nous payons en 2011 le prix de l’inertie et de l’absence de mesure adéquate au moment de la crise de 2008 qui n’était pas seulement financière mais qui était déjà une crise de système, voire même une crise de civilisation au sens où les profits financiers l’emportent sur le développement de l’activité économique et la création d’emplois.

 

I- LE CONSTAT

 

1/ En 2008, les réunions du G20 (Londres en avril 2009 puis Pittsburgh en septembre 2009) ont pris des décisions qui n’ont pas été suivies des mesures d’application.

 

2/ Aujourd’hui, le montant des actifs financiers dans le monde : 220 000 milliards de dollars (+ de 4 fois le PNB mondial), dont près de 150 000 milliards de dollars de dette.

La responsabilité des banques dans la dérive de ce système et dans la déconnexion de notre économie avec l’économie réelle est considérable. Mais c’est au pouvoir politique d’assumer cette responsabilité au sens où c’est à lui de prendre les décisions qui s’imposent. Les banques ne le feront pas d’elles-mêmes !

 

3/ Il n’est pas inutile de rappeler que la situation budgétaire catastrophique des États aujourd’hui est due à leur implication pour sauver le monde financier. Les Banques centrales ont réinjecté des liquidités pour que le système bancaire ne s’écroule pas. Ainsi, depuis 2008, l’endettement des États-Unis a augmenté de 2 000 milliards de dollars, celui de l’Italie de 300 milliards d’euros, celui de la France de 900 milliards – selon la version gouvernementale – ou 300 milliards – selon la version de la Cour des comptes –, rien que par les effets de la crise et des moyens mis en œuvre pour éviter l’effondrement du système financier.

 

4/ Les leçons de 2008 n’ont pas été tirées. Ne recommençons pas. Ne cédons plus.

Au final, au nom de la sécurité des déposants, on a donné aux banques un droit de tirage illimité sur les finances publiques des États. Un droit de chantage permanent en quelque sorte. Et tout cela sans aucune contrepartie.

 

Où est le nouvel ordre financier ? Les États du G20 avaient promis un « nouvel ordre financier mondial » (expression du Premier ministre britannique Gordon Brown) aux sommets, notamment de Londres et de Pittsburgh en 2009.

 

Les promesses : Mettre au pas les agences de notation / En finir avec la spéculation / Venir à bout des paradis fiscaux.

 

Tout cela n’a pas été réalisé.

 

II- LES SOLUTIONS

 

1/ Créer un fonds souverain européen (ou « Trésor public européen »)

- Cela permettrait :

* de financer à coût maîtrisé (eurobonds/emprunts européens) les investissements d’avenir : réseaux de transport d’énergie, réseaux numériques, biotechnologies… dont l’Europe a besoin pour relancer l’économie

* de ne pas accabler davantage les contribuables en cas de crises

* de limiter la spéculation en mutualisant les émissions de dette de chaque État par le fonds

- Sa création suppose uniquement du volontarisme politique pour augmenter les attributions et les dotations de l’actuel fonds européen de stabilité financière (FESF)

 

2/ Créer une agence publique en charge de noter la dette des États membres

- Cela permettrait :

* de mettre fin aux dangereuses « prophéties auto-réalisatrices » (reprise exacte de leurs analyses par les acteurs financiers)

* de mettre un terme aux conflits d’intérêts

- Il faut inscrire le sujet à l’ordre du jour du prochain G20 pour encadrer les agences de notation au niveau international

 

3/ Mettre en place un gouvernement européen capable d’agir

- Dans un premier temps, un ministère de l’économie franco-allemand

- Sa création permettrait :

* d’avoir un seul acteur, fort, uni et solidaire, face aux spéculateurs qui ne pourront plus jouer des divisions internes à l’Union Européenne

* de mettre fin à la cacophonie lors des précédentes crises

 

4/ Taxer les transactions financières

- Comment ? Toujours par le volontarisme politique

- Les députés européens ont voté une résolution le 8 mars dernier demandant la création d’une taxe sur les transactions financières (à 0.05%) au sein de l’Union Européenne : aucune suite n’a été donnée par les dirigeants européens et la Commission.

 

5/ Interdire la spéculation sur les dettes des États

- En interdisant les ventes à découvert de titres que l’on ne possède pas

- La crise financière a entraîné un enrichissement inadmissible de fonds spéculatifs

- Il faut publier la liste des acteurs financiers qui ont le plus spéculé sur la dette des États

 

6/ Adopter un plan de relance européen d’abord axé sur l’industrie de la croissance verte

- Il faut relancer l’activité économique et créer de nombreux emplois non-délocalisables

 

7/ Réformer le système bancaire et appliquer les règles prudentielles de Bâle III

- Rien n’a été fait depuis les déclarations de 2008. Elles ont été renforcées le 12 septembre 2010 puis repoussées à 2017 sous la pression des banques

 

Questions des journalistes

Question d’un journaliste : faut-il aller plus vite dans la réduction des déficits ?

Réponse de Ségolène Royal : Je voudrais rappeler que la situation budgétaire catastrophique des États est due aussi à leur implication pour sauver le système financier. Des milliards ont été réinjectés afin d’éviter l’effondrement du système bancaire. Par exemple, depuis 2008, l’endettement des États-Unis a augmenté de 2 000 milliards de dollars, celui de l’Italie de 300 milliards d’euros, celui de la France de 300 milliards d’euros également (selon la version de la Cour des Comptes), rien que par l’effet de la crise et les moyens mis en œuvre pour éviter l’effondrement du système financier. Ce système financier, qui aujourd’hui donne l’ordre aux États de réduire le déficit budgétaire, doit appliquer lui aussi des mesures, des règles prudentielles. C’est la responsabilité du pouvoir politique que de l’imposer. Donc il ne s’agit pas de choisir entre réduire la dette ou relancer l’économie. Je demande que l’on marche sur nos deux jambes. Bien évidemment il faut réduire la dette et le déficit, mais la meilleure façon de réduire le déficit et la dette, c’est de relancer l’activité économique, en faisant en sorte que les entreprises, notamment les PME, puissent enfin avoir accès au crédit bancaire. L’ordre économique juste, c’est celui-ci et il doit s’appliquer au niveau national européen et mondial.

 

Question d’une journaliste : quelle est votre réaction suite au retour à Paris de Nicolas Sarkozy aujourd’hui ?

Réponse de Ségolène Royal : Mieux vaut tard que jamais. J’observe que tous les autres chefs d’État et de gouvernement sont rentrés au plus fort de la crise. Aujourd’hui, le Président de la République rentre. Il ne fait que son devoir. Il doit en effet être là.

 

Ce qui est important ce n’est pas de savoir s’il rentre de vacances ou s’il ne rentre pas. Ce qui est important c’est que les décisions politiques soient enfin prises, qu’il n’y ait pas une nouvelle fois des déclarations d’intentions sans application. Il faut aujourd’hui que la France soit à l’offensive sur la scène européenne pour mettre en place des règles justes. J’attends par exemple la publication de la liste des banques et des organismes financiers qui ont spéculé sur la dette des États et qui se sont ainsi enrichis. C’est une mesure très efficace et dissuasive qui vaut tous les textes de lois. Car ces banques, une fois leurs noms rendus public, ne recommenceront plus.

 

En conclusion, Ségolène Royal a appelé les chefs d’États et de gouvernements à faire en sorte que la crise actuelle permette de déboucher sur un ordre international juste, faute de quoi la prochaine crise sera beaucoup plus grave. Ségolène Royal appelle chacun, et tous ceux qui ont des responsabilités politiques et publiques à la tête des États et des gouvernements, à faire en sorte que la nouvelle crise actuelle nous permette de déboucher sur la mise en place d’un ordre international juste où l’on remet en ordre ce qui aujourd’hui est en désordre.

 

Un ordre international juste c’est la finance au service de l’économie, l’entreprise au service de l’emploi, et l’emploi au service du bien-être des hommes et des femmes.

 

Il y a une extrême urgence pour agir. L’inertie devient particulièrement dangereuse.

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