De la valeur d'un débat sur les valeurs, par Najat Vallaud Belkacem
Bonjour à toutes et à tous,
Débutons ce billet, une fois n'est pas coutume, par l'actualité nationale. Je reviendrai plus tard sur mes activités à Lyon, et dans la région au cours de ces derniers jours. Je veux d'abord revenir sur le discours de Nicolas Sarkozy à la Chapelle-en-Vercors dans la Drôme, au lendemain des célébrations du 11 novembre. J'ai été littéralement estomaquée par les mots du Président de la République qui s'est une nouvelle fois livré à un exercice scandaleux de captation de l'histoire à son profit personnel tout en nous servant une vision manipulatrice du débat sur l'identité nationale. J'ai d'ailleurs fait part de ma réaction à la presse, dont vous retrouverez ici l'essentiel de la teneur.
Plutôt que de livrer le fond de sa pensée, Nicolas Sarkozy en a touché le fond : pour résumer, la France, c’est lui. Aux écrivains, le droit de se taire ; à l’opposition, le droit de se coucher ; à Nicolas Sarkozy, le pouvoir absolu de dire ce qu’est la France, et ce qu’elle n’est pas, y compris en réécrivant son histoire. A tous les autres, le devoir de l’écouter, d’acquiescer, de l’applaudir, et de se rendre en Préfecture pour se faire délivrer un certificat de conformité de bon citoyen. Les chômeurs, les malades, les bénéficiaires de l’instruction publique ou les intellectuels suspects de détestation de leur propre pays ont du souci à se faire. Je fais le triste constat que Marie N’Diaye, loin d’être excessive dans ses propos, était encore en-dessous de la réalité en dénonçant la détestable atmosphère de vulgarité qui règne en France, ainsi que le caractère monstrueux de la France de Nicolas Sarkozy.
L’entreprise d’intimidation idéologique menée par le gouvernement a franchi selon moi une nouvelle étape en déniant à ceux qui n’aiment pas Nicolas Sarkozy le droit d’aimer la France. Nicolas Sarkozy s’arroge un droit qu’il n’a pas : il a été élu pour garantir l’unité de la nation et faire vivre ses valeurs, pas pour trier le bon grain de l’ivraie, et moins encore pour redéfinir à lui tout seul l’identité de la France. Je terminai d'ailleurs mon communiqué en rappelant que la France, ce n’est pas lui, c’est nous.
Je dois avouer qu'après de nombreuses interventions dans les médias sur ce thème, notamment contre Yves Jego sur France Info ou Eric Raoult sur France Inter, j'avais fini par me dire qu'il était sans doute temps d'arrêter d'alimenter le débat sur le débat. Je crois en effet qu'un vrai débat sur les valeurs de la République, y compris sur les symboles nationaux, est très important, tout en n'accordant aucune valeur au débat piégé tel qu'il est organisé par Eric Besson. Le message est donc un peu complexe à faire passer. Mais d'une part, j'attends toujours une invitation de la Préfecture à débattre avec les fameuses « forces vives », et d'autre part l'intervention de Nicolas Sarkozy cette semaine a achevé de me convaincre de la dangerosité de la manipulation : il faut la dénoncer sans relâche.
Comme j'ai pris la peine de lire le discours de Nicolas Sarkozy dans son intégralité et que j'ai la mémoire tenace pour certaines choses, je ne résiste à la tentation d'en citer un extrait consacré à la littérature, croisé avec ce qu'il avait dit sur le même sujet à Lyon lors de la campagne présidentielle. C'est édifiant lorsqu'on veut mesurer la profondeur du cynisme exprimé par son double langage, en fonction des circonstances. Pour moi, c'est tout sauf anecdotique, c'est une profonde dévalorisation de la parole politique, un abaissement de la fonction présidentielle, une institutionnalisation de l'hypocrisie, une dégradation des valeurs que l'on est censé défendre.
« La France est une nation littéraire. Elle se parle à elle-même à travers la littérature. N’est-ce pas au fond en entendant un vers de Racine ou de Baudelaire ou en lisant une page des Misérables que nous nous sentons le plus Français ? Dans quel autre pays au monde un tel miracle serait-il possible ? Nous conforterons l’identité française en apprenant à nos enfants à aimer la littérature, à aimer la poésie, à aimer et à respecter la langue française, en ce qu’elle est capable d’exprimer de beauté, d’intelligence, de profondeur de sentiment. »
Jusqu'ici, rien à dire, mais voici ce qu'il disait de l'intérêt d'avoir lu l'un des plus grands chefs d'oeuvre de la littérature classique dans un parcours de citoyen français :
« L’autre jour, je m’amusais, on s’amuse comme on peut, à regarder le programme du concours d’attaché d’administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d’interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu’elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle ! »
C'est un exemple parmi tant d'autres, sans doute plus graves de conséquences, qui m'amène à douter comme tant de Français qu'il ressente la moindre conviction sincère sur aucun sujet.
La controverse de Dijon : beaucoup de bruit pour rien.
En dépit de tous les commentaires, analyses et petites phrases qui font l'actualité politique de ce dimanche sur la présence de Ségolène Royal à la rencontre organisée à Dijon par « L'Espoir à Gauche », j'ai dû mal à comprendre pourquoi un tel déferlement de réactions effarouchées. Ce serait sans importance, d'ailleurs, si le spectacle offert pour tant de cris d'orfraies et d'hypocrites indignations ne venait alimenter une nouvelle fois l'idée que les socialistes ne se préoccupent d'eux-mêmes, dans une interminable bataille de chefs.
Ségolène n'était pas à Marseille ? Elle ne pense qu'à elle, et méprise les travaux de fond menés au sein du Parti. Ségolène va à Dijon ? C'est pire, elle y va pour faire sa promotion personnelle. C'est à plonger le plus fin des stratèges politiques dans un abîme de perplexité, non ? Pour ma part, j'étais à Dijon comme j'étais à Marseille lors de la première rencontre du genre. Pourquoi ? Revenons à des choses simples. « L'Espoir à Gauche », c'est le courant du Parti Socialiste qui réunit toutes celles et tous ceux qui avaient soutenu la motion E lors du Congrès de Reims, c'est à dire la motion portée par Ségolène Royal, mais aussi de Vincent Peillon et de tant d'autres. Un courant a pour vocation d'être un espace informel de réflexion, de proposition et de travail au sein même du parti pour contribuer à la construction, le moment venu, d'un projet commun à tous les socialistes. Chaque courant se réunit régulièrement, avance des idées et les propose à la direction du parti qui les reprend à son compte, ou non. C'est ce que nous avons fait à Dijon autour de l'éducation. Les organisateurs d'une telle rencontre peuvent décider d'inviter des personnalités extérieures : des experts, bien sûr, mais aussi des responsables politiques d'autres partis, comme c'était le cas avec les Verts, le Modem ou Robert Hue. Les membres du courant, eux, n'ont pas l'habitude de s'inviter eux-mêmes, c'est une sorte... d'évidence. Fin de l'histoire, si j'ose dire.
« L'Espoir à Gauche » doit selon moi rester un courant, c'est à dire un laboratoire d'idées, sans devenir un instrument de pouvoir au service d'ambitions personnelles. Ce ne serait pas loyal à l'égard des militants qui y sont engagés sincèrement dans un esprit de travail collectif qui dépasse les problèmes de personnes. C'est pour cela que Ségolène Royal, par exemple, a choisi la clarté en réunissant ses soutiens au sein de l'association Désirs d'Avenir, respectant ainsi une forme d'honnêteté envers celles et ceux qui ont rejoint « L'Espoir à gauche » pour autre chose. C'est donc particulièrement injuste de lui attribuer le rôle de celle qui sème la discorde ou la zizanie. Concluons donc provisoirement avec cette maxime de La Rochefoucauld, décidément inépuisable lorsqu'il s'agit de déjouer les pièges trompeurs de l'apparence : « L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé. »
Demain est un autre jour.
Pour ce qui concerne mon actualité, je vous renvoie pour l'essentiel à mon agenda des derniers jours, notamment marqués les célébrations du 11 novembre à Montchat ou par le dévoilement à la presse de l'édition 2009 de la Fête des Lumières. Le programme des festivités est désormais accessible à tous sur le site internet : www.lumieres.lyon.fr.
Pour faire suite à mon billet précédent, j'en profite pour rappeler que j'anime presque tous les soirs, aux côtés d'Hervé Saulignac et Jean-Jack Queyranne, des réunions publiques de débat et d'information un peu partout dans la région Rhône-Alpes. Ce sont des moments formidables d'échange et de dialogue qui se révèlent d'une grande intensité, avec beaucoup d'idées nouvelles chaque soir. Je vous avoue d'ailleurs que je ne m'attendais pas forcément à voir un tel succès d'affluence dès le lancement de cette précampagne, et que ça fait du bien de vivre la politique de cette façon-là, au plus proche des citoyens et de leurs réalités, au plus près de ce que les élus socialistes de la région sont vraiment, c'est à dire des responsables publics respectés pour leur compétences et leur travail. Parmi les prochains rendez-vous: économie et emploi, ce lundi à Saint-Etienne, puis culture, sport et vie associative, ce vendredi à Lyon. Tous les détails sur le site : www.uneregion-davance.fr
Mais je voudrais aussi, pour terminer ce billet dominical, informer mes jeunes lecteurs de Lyon, ainsi que leurs familles et amis, de l'événement que nous organisons pour eux samedi prochain à l'Hôtel de Ville de Lyon, le 21 novembre de 14h00 à 18h00. Pour la première fois, le Maire de Lyon et moi-même, en tant qu'Adjointe à la Jeunesse, nous invitons tous les jeunes Lyonnais qui ont eu 18 ans dans l'année à venir nous rencontrer, en toute liberté et en toute décontraction, pour dialoguer ensemble sur leur citoyenneté, leur vision de la ville, leurs aspirations et, tout simplement, célébrer ensemble leur majorité. Jeunes citoyens, c'est le moment de vous faire entendre ! Nous vous attendons avec beaucoup de belles surprises et de nombreuses activités pour vivre ensemble un moment inoubliable.
Découvrez tout le programme sur le site de la Ville de Lyon : www.lyon.fr.
A samedi !