L’ordre social juste de Ségolène Royal
« Le fait de prendre ma retraite a été plus ou moins comme un couteau sur la gorge : la loi pour la retraite des mères de 3 enfants n’existera plus en juillet, et je suis dans ce cas-là. Je peux certes choisir de travailler jusqu’à 67 ans pour toucher une retraite plus conséquente, mais qui peut se projeter dans 12 ans ? Pas moi en tout cas ! J’ai donc pris la décision de partir plus tôt que prévu.
Aujourd’hui, je me sens très en colère contre cet État qui change les lois et m’oblige de ce fait à chambouler ma vie ! Mais je me sens aussi au bout du rouleau niveau fatigue. Et puis j’en ai un peu assez de ne pas avoir de temps pour faire certains loisirs. Sans compter qu’au mois de mai, je vais avoir un petit fils, et j’aimerais pouvoir être libre au cas-où ! »
Ce témoignage d’une salariée mère de famille illustre tristement ce que représente, pour des centaines de milliers de travailleurs de notre pays, la réforme des retraites imposée à l’automne dernier par le gouvernement, et dont l’une des mesures les plus emblématiques prend effet aujourd’hui : le début du report, à raison de quatre mois par an, de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et le report de 65 à 67 ans pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.
Je me suis battue contre cette réforme, notamment en proposant un referendum, parce qu’elle est d’une injustice choquante pour la très grande majorité des Français.
Elle pèse en effet quasi-exclusivement sur les salariés. Reporter l'âge légal d’ouverture des droits à la retraite de 60 à 62 ans pour ceux qui ont les trimestres suffisants et reporter à 67 ans l'âge auquel on peut prétendre à une retraite à taux plein (c'est-à-dire sans pénalités si on n'a pas tous ses trimestres de cotisations), c'est taxer les salariés et préserver les revenus du capital qui doivent pourtant leur existence et leur accroissement au travail des salariés. Le gouvernement a en fait créé un impôt sur le travail et ne demande pas l'effort correspondant aux actionnaires des banques et des grandes entreprises.
La deuxième injustice choquante de cette réforme c'est le sort qui est fait aux femmes. Elles subissent déjà, durant leur carrière professionnelle, une inégalité salariale totalement inacceptable et qui se perpétue dans les niveaux de pension de retraites (38% d'écart entre les retraites des femmes et celles des hommes). Le report à 67 ans de l'âge pour obtenir la retraite à taux plein va aggraver leur situation puisqu'elles ont des carrières incomplètes qui rend difficile l'obtention du nombre suffisant de trimestres de cotisations et obligera nombre d’entre elles à travailler jusqu’à 67 ans.
La troisième injustice, c’est celle subie par les salariés exposés à des métiers pénibles puisque le gouvernement et la majorité UMP ont refusé d’engager même la discussion sur la reconnaissance de professions comportant des conditions de travail pénibles (exposition à des produits dangereux, horaires décalés, fatigue physique intense, etc.).
La quatrième injustice, c’est celle qui frappe les ouvriers et des employés ayant commencé à travailler jeunes. Ils vont être obligés de travailler plus longtemps alors même qu’ils auront une durée de cotisation dépassant les 40 annuités et que ce sont eux qui ont les métiers les plus pénibles.
La cinquième injustice, c’est celle que vont subir les salariés en fin de carrière : le taux d’emploi des seniors en France est parmi les plus faibles d’Europe. Le report de l’âge légal de départ à la retraite ne fera qu’aggraver cette situation.
Pourtant, d’autres solutions existent pour assurer la pérennité de notre système de retraites. L’ordre social juste que je veux instaurer en France consisterait à répartir les nécessaires efforts en mettant également à contribution les revenus du capital. La mise à contribution des revenus tirés du capital avec la suppression de niches fiscales (75 milliards de manque à gagner chaque année) et sociales (70 milliards par an de manque à gagner) représentent une source de financement considérable et très peu exploitée.
Je serai une Présidente équitable pour remettre à plat la reforme des retraites, rétablir le droit à partir à la retraite à 60 ans, reconnaître la pénibilité des métiers, revaloriser les pensions inférieures au seuil de pauvreté et sécuriser les ressources des caisses de retraites en impliquant des revenus qui échappent aujourd'hui au devoir de financement de la protection sociale.
En 2012 nous devrons sauver et refonder le système de sécurité sociale et de retraites par répartition que nous ont légué les résistants qui avait écrit le programme du Conseil National de la Résistance.
Voila le sens de l'ordre social juste et de la Présidence équitable que je propose.
Bien amicalement
Ségolène Royal