Lettre de Ségolène Royal à Angela Merkel et Nicolas Sarkozy
La Chancelière fédérale et le président de la République ont une responsabilité majeure, celle de redonner confiance en ouvrant des perspectives solides pour l'Europe.
Je suis une Européenne convaincue et je souhaite que cette réunion soit utile. Je ne peux pas imaginer comme on l'entend ici ou là qu'il ne sortira rien de cette rencontre entre Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.
À un moment où nous souffrons de la crise, les peuples d'Europe attendent de leurs dirigeants politiques qu'ils prennent leurs responsabilités et prennent des décisions efficaces de nature à protéger le bien être, l'emploi, la croissance économique, en imposant des règles strictes aux institutions financières.
Les citoyens européens sont inquiets des dérèglements financiers. La finance ne sert plus qu'elle-même, nourrie par des produits spéculatifs sans règles, au lieu d'être au service du développement économique et de la lutte contre le chômage. Il en résulte une grave menace pour le niveau de vie des Européens.
Je souhaite donc aider à la réussite de cette rencontre, c'est pourquoi j'ai adressé aux deux chefs d'États une contribution, en tant que Vice-présidente de l'Internationale Socialiste et en tant qu'ancienne candidate à la dernière élection présidentielle française.
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se sont déjà réunis le 21 juillet 2011 à Berlin et, conjointement, ont fait une déclaration commune qui allait dans la bonne direction. En effet, ils s'étaient engagés en faveur d'une « meilleure gouvernance économique de la zone euro » et souhaitaient favoriser « une convergence des économies européennes afin d'accélérer l'intégration au sein de la zone euro ».
Aujourd'hui, ils doivent enfin donner un signal politique déterminant. Je crois que l'on peut travailler collectivement à des rapprochements : il y a des divergences ? Travaillons aux convergences.
Le refus de mutualiser la dette par les Eurobonds s'explique, pour le ministre des finances allemand, par la crainte qu'appliquer les mêmes taux à tous les pays sanctionnerait les bons élèves. Néanmoins, nous devons déboucher aux Eurobonds pour emprunter ensemble et ainsi baisser les taux d'intérêts, freiner la spéculation et au final baisser la dette. Pour répondre à l'inquiétude de l'Allemagne, proposons donc, en contreparties de ces Eurobonds, une obligation d'adhérer à de nouvelles règles budgétaires et fiscales européennes.
Je fais 5 propositions pour aboutir concrètement à la mise en place des annonces franco-allemandes du 21 juillet dernier :
1/ La mise en place d'un ministre commun franco-allemand des finances.
2/ La création d'un véritable gouvernement économique de la zone euro, capable d'agir, chargé d'arrêter les stratégies budgétaires et fiscales évoquées plus haut : c'est-à-dire, la justice fiscale et la lutte contre les déficits, qui ne doit pas être synonyme d'austérité.
3/ L'interdiction pour les établissements financiers de spéculer sur les dettes publiques. Rappelons-le, quand ils spéculent sur les dettes publiques, ils spéculent sur le malheur des peuples.
4/ L'adoption d'un plan de relance pour l'activité économique des entreprises et en particulier pour les PME. Il faut insister sur les nouvelles filières de développements industriels comme la croissance verte et les transports propres. Cela pourrait être financé par la taxe sur les transactions financières. Le Parlement européen a adopté une résolution en ce sens le 8 mars 2011, ainsi que l'Assemblée nationale en juin dernier, à l'initiative du PS et du SPD. Il est temps de passer des votes à l'action. J'attends de la réunion de ce jour qu'un calendrier précis et concret soit adopté.
5/ Convoquer les Parlements français et allemands le même jour ou la même semaine pour instaurer l'indispensable débat démocratique, qui d'ailleurs facilitera des convergences. On ne peut pas s'opposer aux peuples à qui on demande de faire des efforts. Ils attendent des garanties sur la juste répartition de ces efforts et sur le fait que les décisions prises vont anticiper la prochaine crise.
Les décisions politiques doivent être plus rapides et plus fortes que les règles qui président aux marchés financiers qui ne cessent de rechercher des profits sur le dos des peuples.
La France et l'Allemagne sont deux grandes puissances qui doivent être capables de converger pour mettre en place des mesures capables de protéger leurs citoyens en relançant l'activité économique et en défendant leur niveau de vie.
Cette crise dramatique, soit nous la subissons, soit nous en saisissons l'opportunité pour changer les règles du jeu et remettre les choses dans le bon ordre : la finance au service de l'économie, elle-même au service du bien-être des peuples.
Ségolène Royal