Quand la finance travaille à son seul intérêt, ce sont les peuples qui trinquent !

Publié le par Désirs d'Avenir Rueil

Alors que les peuples Grec, Portugais et Espagnol sont attaqués, rançonnés, les commentateurs se sont trouvé de nouveaux boucs-émissaires dans les agences de notation. C’est oublier un peu vite que c’est l’ensemble de la planète finance qui tourne sur la tête.

 

Les entrepreneurs et notamment ceux qui ont contribué à nos universités populaires disent depuis des années leurs difficultés à trouver des financements auprès de banques et d’établissements financiers qui trouvent finalement plus d’intérêts à spéculer qu’à financer l’économie. La seule manière de recréer des cercles vertueux et de retrouver collectivement « meilleure fortune » est bien de prendre le chemin des changements radicaux. Des changements qui seuls permettront que banquiers et financiers retrouvent le rôle qui est leur : aider à créer les emplois de demain.

 

Ségolène Royal

 

L’un des éditorialistes de CNN et du magazine américain Fortune, Allan Sloan ne dit pas autre chose dans cet article très didactique paru fin mars et que nous vous avons traduit.

 

Il conclut son éditorial ainsi :

« Mais la chose que je sais, c’est que tant que quelqu’un n’aura pas frappé Wall Street, durement, l’affaire grecque ne sera pas la fin de l’histoire. Ni même la dernière surprise. »

 

Choqué par le rôle de Wall Street dans la débâcle de la dette grecque ? Vous ne devriez pas l’être.

 

C’est ainsi que les grandes banques génèrent leurs profits.

 

par Allan Sloan, Fortune Magazine, 22 Mars 2010.

 

Alors que j’observe le tapage provoqué par le rôle de Wall Street dans la crise grecque, l’une des choses que je trouve le plus surprenant c’est bien que chacun soit surpris par le comportement de Wall Street. Vous êtes troublés par le fait que Wall Street ait aidé la Grèce à cacher une partie de sa dette et qu’ensuite elle commence à parier sur le non-remboursement de cette dette ?

 

Bienvenue dans le monde réel de la finance en 2010.

 

Voici toute l’affaire. Wall Street, ces temps-ci, gagne de l’argent essentiellement en spéculant. Elle se fiche des dommages collatéraux que ses activités peuvent infliger aux gens, aux entreprises et à des pays entiers, à moins que la réaction ne provoque embarras, punition, régulation ou une quelconque combinaison de ces points.

 

Il était une fois, une époque révolue où la majeure partie des profits des grandes banques d’affaires provenait des contrats de souscription pour les entreprises qui voulaient lever des fonds et de l’aide aux clients qui achetant ou vendant des titres de bourse. Mais cela c’est si seventies. De plus en plus Wall Street fait réellement de l’argent en créant, distribuant et en échangeant et parfois en possédant des instruments financiers à très forte marge de profit, comme ce support cheval de Troie qui a permis à la Grèce de cacher sa situation financière réelle pendant un moment mais qui aujourd’hui coûte très cher au pays, à la fois en terme d’image et en termes financiers.

 

Wall Street n’essaye pas de faire du mal à la Grèce – elle veut juste faire de l’argent. S’il y avait plus de dollars ou d’euros à faire argent en créant des titres boursiers qui rendraient la Grèce plus prospère et moins endettée, Wall Street serait très heureux de les créer. Pour Wall Street peu importe.

 

Goldman Sachs a crée les supports cheval de Troie, ce « special-purpose vehicule » (en français une structure ad hoc chargé d’émettre des titres adossés à des créances NdT) appelé Titlos PLC, parce que la Grèce était prête à payer pour maquiller ses comptes et faire le bonheur des compteurs de haricots de l’Union Européenne en sous-estimant sa dette (le gouvernement de la droite grecque NdT).

 

Avec une certaine ironie, j’en suis sûr fortuite, titlos, qui signifie normalement « titre » en Grèce, a aussi une seconde signification : une liste d’accusation ou casier judiciaire. Cela se passe de commentaires, n’est-ce pas ?

 

Tandis qu’ils aidaient la Grèce à lever des fonds (ou à cacher sa dette, si telle était la mission), Goldman et d’autres acteurs de Wall Street se sont lancés avec bonheur dans la création de ces outils de couverture de défaillance (« credit default swap » ou CDS en anglais) qui rapportent si la Grèce fait faillite. Combien de ces titres les banques de Wall Street possèdent-elles ? Où sont placés ses titres ? Ont-ils été inclus dans des produits d’épargne. Personne ne le sait. Mais cependant la seule chose sur laquelle on peut parier, c’est que démêler tout cela va être extrêmement compliqué. Pourquoi ? Parce que pour Wall Street complexité égal profitabilité.

 

Considérons ces couvertures de défaillance (CDS) qui ont commencé comme des assurances crédit. Disons que je voulais acheter pour 1 millions de dollars d’emprunts General Motors mais que je suis inquiet quant à la capacité de GM à rembourser. Je pourrais acheter une couverture, un « swap », à un investisseur prêt à me payer 1 millions de dollars si General Motors venait à faire faillite. Cela m’aiderait mieux dormir la nuit. Et aussi GM pourrait obtenir un meilleur taux pour ses emprunts, meilleur que si j’avais eu à m’inquiéter de son risque de faillite.

 

Maintenant regardons comment cette bonne idée se transforme en tout autre chose.

 

Il se trouve qu’il n’est pas nécessaire que vous possédiez la dette sous-jacente pour acheter une couverture de défaillance. Vous pouvez spéculer avec au lieu d’en faire une protection et soudain la couverture de défaillance se mord la queue, en atteignant le crédit de l’emprunteur.

 

Dans le cas de la Grèce, plus le prix des couvertures de défaillance augmente, plus la pression augmente sur les bonds du trésor grec et plus il devient difficile pour la Grèce de lever des fonds et plus augmente la probabilité qu’elle fasse défaut. Quand les gens accumulent et prennent des positions spéculatives [plutôt que de juste protéger les investissements], vous avez le potentiel pour déstabiliser un pays ou une entreprise qui est déjà en difficulté.

 

Le scandale transatlantique à propos de la situation de la Grèce pourrait mettre suffisamment de pression sur Wall Street pour l’amener à nettoyer les écuries d’Augias, celles concernant les dettes souveraines (celles des États).

 

Je ne sais pas ce qu’il adviendra. Mais la chose que je sais, c’est que tant que quelqu’un n’aura pas frappé Wall Street, durement, l’affaire grecque ne sera pas la fin de l’histoire. Ni même la dernière surprise. 

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