Ségolène Royal déterminée dans sa course solitaire
Helsinki - Envoyée spéciale
Cette fois, elle a fui la confrontation, abandonné le projet de se rendre à Dakar, où Martine Aubry s'est transportée en force pour participer au Forum social mondial. Ségolène Royal a préféré mettre le cap au nord, Helsinki, où l'avait conviée le Parti social-démocrate (SDP) pour le lancement de la campagne des élections législatives qui auront lieu en avril. Trois jours dans la capitale finlandaise encore prise dans la glace pour explorer le modèle social nordique.
La rigueur finlandaise n'avait pas grand-chose à voir avec l'atmosphère festive de Dakar. Mais c'était sans doute l'effet recherché. Dîner privé avec la présidente de la République, déjeuner avec les syndicats, petit-déjeuner avec la présidente du SDP, visite d'école... la candidate affirme être « entièrement tournée vers le travail, pour, le moment venu, quand la campagne démarrera, dire très clairement aux Français pourquoi, pour qui, au nom de quoi (elle s')engage ».
Malgré le scepticisme, Ségolène Royal tente de réparer l'image laissée par la campagne de 2007 : le manque de préparation et de travail. « Je ne me laisserai plus prendre dans la confrontation avec Martine. Les interprétations sont trop ravageuses », juge-t-elle. Au petit jeu du chat et de la souris, Ségolène Royal semble s'être fait une raison : Martine Aubry dispose de la force de l'appareil socialiste et de la légitimité institutionnelle. Le risque est trop grand, estime-t-elle, d'apparaître comme une « suiveuse » ou une « diviseuse ». « L'obsession des socialistes a toujours été de me marginaliser », assène-t-elle.
La présidente de Poitou-Charentes garde un souvenir cuisant de Jarnac (Charente), le 8 janvier, où la célébration du 15e anniversaire de la mort de François Mitterrand avait tourné à une « guéguerre » d'héritage entre les deux rivales. « Je ne veux pas réduire la campagne à un pugilat. Jarnac, c'était ma région. Qu'auraient pensé les Charentais si je n'étais pas venue ? Il faudrait, pour plaire aux socialistes, que je reste enfermée dans un placard à balais ? », explique-t-elle.
L'image est osée pour celle qui rêvait en 2009, en se lançant dans la bataille du congrès de Reims, de dépoussiérer la Rue de Solférino. A Helsinki, devant les responsables du principal syndicat qui lui raconte comment ils ont empêché le report de l'âge de la retraite de 62 à 65 ans, grâce à une pétition, la candidate, sourire de façade, rumine : elle rappelle qu'elle avait proposé aux socialistes d'organiser un référendum pour contrer le projet du gouvernement. Le PS n'a pas retenu sa suggestion. « Si j'avais été à la tête du PS, j'aurais réussi à donner un débouché politique au mouvement social des retraites ! » Peu après, elle ajoute : « Si j'avais été à la tête du parti, je serai incontournable. »
« Vrais-faux candidats »
Ségolène Royal n'a pas l'appareil, et la voie est étroite. Partie très tôt, dès novembre 2010, confrontée à des concurrents qui refusent de se découvrir, elle s'est obligée à une course de fond solitaire. Un peu comme un compétiteur, tournant seul dans un stade olympique. Les gradins sont souvent remplis, mais la presse donne des signes de lassitude, et les sondages ne la gratifient pas de ses efforts.
« C'est normal, analyse-t-elle. On me teste avec de vrais-faux candidats. Je n'ai pas d'adversaires déclarés. Les choses se décanteront au moment du dépôt des candidatures, lorsque mes concurrents subiront l'effet de leur entrée en campagne. Dans la primaire, je déploierai toute ma puissance. »
Aux sceptiques, qui doutent de sa capacité à retourner une partie de l'opinion réfractaire à sa personne, elle oppose une détermination intacte, l'expérience d'une campagne présidentielle, et un « travail de fond ». « Je mets en place les conditions qui me permettront de parler juste le moment venu. » Elle explore au gré de ses déplacements la fracture sociale et tente dans ses « universités populaires participatives » d'élaborer, auprès d'intellectuels et d'experts, une alternative.
Elle affirme tracer sa route sans se soucier de ses rivaux, qu'elle refuse de citer. On imagine toutefois sans peine qu'elle songe à Martine Aubry, lorsqu'elle évoque la campagne des cantonales. « Je ne serai pas un agent électoral », affirme-t-elle, alors que la première secrétaire entend être aux avant-postes de la bataille et transformer le cas échéant le scrutin en victoire personnelle.
On suppose aussi qu'elle pense à François Hollande, son ancien compagnon, devenu un concurrent, lorsqu'elle récuse l'idée avancée par le député de Corrèze qu'en 2012 les Français voudront élire « un candidat normal ». « C'est quoi la normalité ? Un président de la République, c'est forcément quelqu'un d'atypique, a fortiori quand on est dans une période anormale. »
Sophie Landrin
Source : Le Monde