La gouvernance Sarkozy : du jeu et des jeux

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L’empire romain, pendant des siècles, a maintenu l’ordre social en garantissant au peuple de Rome « du pain et des jeux », le fameux Panem cirquensesque... Méthode habile : un peuple qui mange à sa faim et ne s’ennuie pas laisse volontiers les César s’entre-étriper tranquillement.
 
Avec Nicolas Sarkozy, on a un peu tardé à s’en apercevoir, la stratégie est encore plus subtile. C’est « des jeux et des jeux »... Du pain, on en donne peu, on en prend même à certains. Des brioches, on en donne, à ceux qui ont déjà du caviar. Mais des jeux, alors, là ! C’est la grande classe.
 
Ca n’arrête pas. le Fouquet’s, Rachida, Bolloré et son Yacht, Sarkozy fait du jogging, Sarkozy jette Villepin en prison (bientôt), Sarkozy fait du vélo, Cécilia libère des infirmières bulgares, Sarkozy vend du nucléaire à Kadhafi, Sarkozy sauve l’Europe, rétrécit l’Europe, sauve EADS, sacrifie Lagardère, monnaye le sacrifice de Lagardère. Sarkozy fait l’ouverture, Sarkozy défend Rachida, Sarkozy écoute Rama. Il n’écoute plus Rama... Quelle importance finalement ?
 
La gauche proteste timidement, ou fermement, s’exaspère, tombe dans les panneaux, ou au contraire tient bon sur des valeurs fondamentales. La gauche constate que personne ne l’écoute, elle part en vacances... Quelle importance ?
 
Eh bien elle a bien raison de ne pas s’obstiner sur ce terrain, et bien tort de partir en vacances. Parce que tout cela, ce n’est que du spectacle. Un grand spectacle produit pour nos beaux yeux par le premier Président People de l’histoire de France. Certes, Louis XIV avant Sarkozy avait compris le lien intime qui existe entre spectacle et pouvoir, et avait su épuiser les forces de la noblesse dans un jeu de spectacle permanent et dans un infini esprit de cour. Mais Louis XIV, le pauvre, ne voulait dominer que les quelques milliers de personnes d’une noblesse agitée. Sarkozy, lui, espère entraîner, et épuiser, 60 millions de Français, c’est une autre affaire !
 
Et pour cela, il a pour lui une maîtrise parfaite des ressorts de la société du spectacle. Les règles en sont simples :
- « qu’on nous loue ou qu’on nous blâme, c’est toujours de la réclame ». Ca c’était De Gaulle. Mais ça reste vrai. Dans l’affaire du Yacht Bolloré, par exemple, affaire à propos de laquelle Daniel Schneiderman avait commencé à sentir le piège, il ne joue peut-être pas le beau rôle, le Sarkozy. Qu’à cela ne tienne, l’important est de tenir le premier rôle, ce qu’il fait indéniablement.
- l’espace médiatique ne sait traiter qu’une affaire à la fois. L’écran de fumée, en l’occurrence, n’est pas seulement un voile de dissimulation. C’est surtout une mauvaise herbe qui, insensiblement, prend la place de la bonne et ne lui laisse ni l’espace ni la lumière nécessaires à sa prospérité. Une info people empêchera une info importante de passer à l’antenne ;
- l’info la plus croustillante prendra toujours la première place. Plus c’est futile, étonnant, incongru, plus ça passera. Entre une frasque de Cécilia et une disposition technique de la loi fiscale, qui hésite une seconde. Les conversations de café du Commerce et les titres du journal télévisé choisiront toujours la première.
 
Et pendant ce temps là, le gouvernement travaille. Des peines plancher qui vont augmenter de 50 000 personnes une population carcérale qui suffit aujourd’hui à remplir les prisons à 180 %, la baisse des droits de successions pour 5 % des Français, 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches, franchise médicale pour tout le monde, et on en oublie déjà.
 
Des jeux et des jeux. On comprend pourquoi.
 
Il ne faut pas parler de ces provocations. Il ne faut pas commenter la dernière toilette de Cécilia. Il ne faut pas chercher où M. Sarkozy passe ses vacances. La victoire de Sarkozy, c’est la peopolisation absolue de la politique. Sur ce terrain là, il sera toujours vainqueur. Sa défaite, c’est la politique. Ce sont ses nominations, ses projets de lois, ses arbitrages qu’il faut découvrir, derrière le voile de fumée, et combattre.
 
Source : Betapolitique
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