Lettre ouverte à Monsieur Jospin

Publié le

Monsieur Jospin,

En d’autres temps, j’aurais sans doute commencé cette lettre par « Cher Camarade », puisque telle est la tradition dans ce parti qui nous était commun. Mais désormais, je ne le peux plus car, pour moi, vous n’êtes plus socialiste. J’ai une autre vision de cette belle théorie. Pour moi, socialisme signifie humanisme, solidarité, partage…

Je me souviens de ce 21 avril 2002 au soir duquel nous avons appris la honteuse défaite. J’étais dans la rue, en train de rentrer chez moi après une journée entière dans un bureau de vote, à tout faire pour que vous fassiez le plein des voix qui vous étaient destinées. Un ami m’a appelée et m’a donné l’information. Cet instant est gravé à jamais dans ma mémoire.

Et quelques temps plus tard, la nouvelle : Lionel Jospin se retire de la vie politique. Vous êtes allé vous cacher dans votre retraite dorée, pendant que nous affrontions jour après jour la rancœur de tous ceux qui se sont sentis obligés de voter Jacques Chirac au 2nd tour, pour éloigner le spectre du Front National.

Nous avions tout fait pour vous faire gagner, nous les petits. Et puis nous vous avons défendu après la défaite, expliquant que vous n’aviez pas démérité, après tout. Par discipline de parti, plus que par conviction… mais nous l’avons fait.

Pas par conviction, parce que nous connaissions les erreurs commises. Aux salariés de Danone : « L’état ne peut rien pour vous » ou le fameux « mon programme n'est pas socialiste
»…

Puis dégoûtée que rien ne se passe, qu’on ne tire aucune leçon de cette défaite, je me suis éloignée du parti avant de m’en rapprocher à nouveau en 2006, parce qu’il fallait tout faire pour éliminer Nicolas Sarkozy, parce qu’il fallait dépasser les querelles de personnes, parce qu’une femme était apparue et que son message résumait l’idée que je me fais du socialisme.

Je suis des petits qui, pendant 1 an 1/2, ont fait inlassablement campagne pour le Parti Socialiste et pour Ségolène Royal. Nous l’avons fait joyeusement, ce qui n’était pas arrivé précédemment. Mais pendant que nous essayions de construire, d’autres dans le parti détruisaient ou, à défaut, opposaient à notre combat une force d’inertie. La suite était prévisible.

Et vous prétendez que ce sont les médias qui ont fait Ségolène Royal ? Qu’elle n’était « pas taillée pour le rôle » (autre manière, plus élégante mais non moins grossière, de dire que c’était une cruche !) ? Qu’elle était « une figure seconde de la vie publique » ? Vous souvenez-vous que très tôt François Mitterrand lui avait fait confiance et qu’elle a occupée des fonctions importantes à ses côtés ?

Qui donc vous a traité avec un tel mépris en 2002 ?

Que sont pour vous les 60 % de militants qui ont voté pour Ségolène en novembre 2006 et que représentent les 17 millions de citoyens qui ont voté pour elle le 6 mai 2007, chiffre jamais atteint par aucun candidat socialiste ?

Les ouvriers, que vous avez fait fuir entre 1997 et 2002, par votre discours d’impuissance et de morgue, auraient suffi à faire gagner notre candidate.

Monsieur Jospin, nous sommes déterminés maintenant à reconstruire un véritable parti ouvert, capable d’expliquer ses méthodes aux citoyens, capable aussi de courage politique mais qui ne leur dira plus jamais : « on ne peut rien pour vous ! ».

Mais cette reconstruction, nous la ferons sans vous. Vous avez démontré avoir atteint vos limites.

Monsieur Jospin, je vous souhaite une bonne retraite, cette fois-ci sans faux départ, comme une diva vieillissante qui ne se résout pas à quitter la scène.

Publié dans Mes chroniques

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article