L'immigration est-elle un problème ? par RESF

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Quelle solution au « problème » de l’immigration ? La France peut-elle accueillir toute la misère du monde ?
Répondre complètement à ces questions de façon vraiment étayée supposerait un travail qu’il n’est pas question de faire ici. Je me contenterai de sept idées simples, exposée de façon aussi succincte que possible.
 
1 - La migration est le mode d’existence de l’humanité. Depuis deux ou trois millions d’années, homo faber, homo erectus, habilis, etc., ont bougé, se sont déplacés pour suivre leur nourriture, fuir un climat malsain, une région dangereuse ou trouver un eldorado. Un peu comme si c’était génétique comme dirait l’autre.
Toute l’histoire de l’humanité pourrait être lue au travers de ses migrations. Et on ne voit pas pourquoi cela s’arrêterait précisément au moment où les moyens techniques rendent les déplacements plus massifs, plus rapides et sans danger.
 
2 - Pendant des millénaires, les migrations se sont faites les armes à la main, sous forme d’invasions : Romains, Barbares, Huns, Normands, Arabes jusqu’à la plus grande migration de l’histoire, celle qui a occasionné le plus de massacres aussi, le déplacement en masse des Européens qui du XVIe au XIXe siècle émigrent par dizaines de millions (40 millions au XIXe siècle) vers les terres nouvelles d’Amérique et d’Australie dont ils massacrent les autochtones.
Pourtant, à la différence de ce qui s’est passé au cours des millénaires précédents, les migrations d’aujourd’hui n’ont pas toutes lieu les armes à la main. Pour la première fois, des centaines de milliers d’humains vont s’installer ailleurs sans que cela donne nécessairement lieu à des guerres. C’est évidemment une chance énorme.
 
3 - Pas plus que l’Empire romain n’a pu contenir la poussée des «Barbares» venus de l’Est, l’Occident riche ne pourra, à terme, contenir la pression du Sud. Quand on a affaire à des gens prêts à se jeter à mains nues sur les barbelés comme à Ceuta et à Melilla ou prêts à payer des fortunes pour monter dans des coquilles de noix à destination des Canaries en sachant que 40 % d’entre eux disparaîtront, aucun fortification, aucun barrage, ne parviendront à les endiguer.
 
4 - Chacun est conscient et répète que les migrations trouvent leur origine dans la différence de niveau de vie, d’éducation et de santé, entre pays pauvres et riches. Les riches ont tout, les pauvres pratiquement rien, et surtout pas l’espoir d’une amélioration de leur sort, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants. C’est d’autant plus insupportable que la télévision donne bien souvent de la vie dans les pays riches une image de facilité et de luxe qui n’est le lot que d’une minorité. Chacun sait que la solution réside dans le développement des pays pauvres ainsi qu’en attestent les exemples de l’Espagne et du Portugal passés en quelques dizaines d’années du rang de pays d’émigration à celui de pays d’immigration.
Pourtant, au-delà des discours convenus, c’est exactement le contraire qui est fait. Dette, échange inégal, politique des brevets, subventions à l’agriculture, pillage des ressources naturelles et minières et même demain immigration « choisie » si elle voit le jour, le fonctionnement même des rapports Nord-Sud maintient le Sud dans la dépendance, l’exploitation et le sous-développement.
 
5 - Quant à ce qu’on nomme l’aide au développement, elle est ridiculement insuffisante, inférieure le plus souvent aux taux pourtant scandaleusement bas fixés lors des conférences internationales. En outre, loin d’apporter une réelle contribution au développement, ces aides sont bien souvent une subvention à des régimes dictatoriaux et corrompus pour les inciter à maintenir dans leur pays un ordre favorable aux entreprises des pays développés. Il suffit de rappeler que les sommes envoyées au pays par les immigrés (avec ou sans papiers) représentent un montant double de celles provenant des aides officielles des pays riches. Autrement dit, chaque expulsion est aussi un appauvrissement supplémentaire du pays d’origine.
 
6 - C’est donc l’organisation économique et sociale du monde qui génère inévitablement des courants migratoires qui ne peuvent pas être stoppés. Il n’y a en outre aucune raison pour que les habitants des pays pauvres soient doublement pénalisés : une première fois en naissant par hasard dans des pays condamnés à la misère, une seconde fois en étant interdits d’en sortir.
Dès lors, l’immigration est un phénomène inévitable, elle se fait et se fera à jet continu. Et il est normal, et inévitable aussi, tant que les pays riches maintiendront les pauvres dans le sous-développement, de remettre de temps à autres les compteurs à zéro en régularisant quelques centaines de milliers de sans papiers, comme l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, l’ont fait, quitte à recommencer cinq ou dix ans plus tard. Les pays riches n’en seront pas ruinés, au contraire, comme le montre ce qui se produit en Espagne ces derniers mois, la régularisation de 500 000 sans papiers a plutôt dopé l’économie. C’est une mesure élémentaire de solidarité à l’égard du tiers-monde. Et c’est enfin une forme efficace d’aide à leur égard. Indispensable tant qu’on ne se décide pas à aider vraiment les populations des pays pauvres à sortir de la misère.
 
Par Richard Moyon, de RESF
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