Les franchises médicales accentuent les inégalités sociales
Au départ, le montant des franchises médicales devait être calculé en fonction du déficit de la Sécurité sociale. On a ensuite parlé d'un plafond de 40 euros. Finalement celui-ci sera de 50 euros par an et par assuré social. Nous paierons en plus 0,5 euro sur chaque boîte de médicament et sur tous les actes paramédicaux et 2 euros sur les transports médicaux.
L'opération était destinée à responsabiliser les assurés, comme si les autres acteurs, de l'industrie pharmaceutique aux professions médicales, n'avaient aucune responsabilité dans l'affaire. Devant les protestations, les plus démunis, mais aussi les enfants et les femmes enceintes en seront exemptés. Les « irresponsables », ce sont donc les autres assurés ! Absurde... ! Les complémentaires pouvant couvrir ces franchises, cela revient en fait à détricoter encore plus le système de solidarité. Aujourd'hui, ce raisonnement est oublié : le but est de financer les soins pour les fins de vie des malades d'Alzheimer et même pour faire bonne mesure, des malades du cancer.
Évidemment, on aurait pu s'abstenir de dilapider 13 milliards d'euros dans le bouclier fiscal, mais plus largement, on pourrait aussi s'interroger sérieusement sur les causes de cette croissance des dépenses de santé au lieu de toujours considérer cela comme le fait de la supposée irresponsabilité des assurés ou de la fatalité du vieillissement et du progrès médical. La véritable cause, dont curieusement on ne parle jamais, c'est la croissance des maladies chroniques, les affections de longue durée (ALD) ont progressé de 73 % en dix ans. 12 % des personnes en ALD représentent 60 % des dépenses de santé. C'est maintenant la cause principale de l'augmentation des dépenses de santé : 77 % en 2004. Autant dire que si on veut vraiment s'attaquer au déficit de l'assurance maladie, il existe un moyen simple : diminuer le nombre de maladies chroniques. Le coût du diabète a doublé en cinq ans or, cette augmentation est la conséquence du diabète de type 2, celui dont on sait qu'il résulte de notre mode de vie, principalement mal-bouffe et sédentarité. Le nombre de cancers a progressé de 65 %, en vingt ans et le vieillissement de la population n'explique que 28 % de cette progression. Là aussi, notre environnement est en cause, surtout la pollution chimique généralisée dont on commence à prendre de plus en plus conscience. Or, les maladies chroniques représentent un marché gigantesque pour les industries biomédicales. Y mettre fin n'est évidemment pas dans leur intérêt. Il serait peut-être temps de changer de logique : la fonction d'un système de protection sociale est de garantir, à la population, un meilleur état de santé, et non pas d'assurer un marché aux industries pharmaceutiques. À l'évidence, c'est une révolution, mais nous n'avons pas le choix si nous voulons arrêter ces épidémies modernes.
André Cicolella, chercheur à l'institut national de l'environnement industriel et des risques, spécialiste en santé environnementale, président de la commission Santé des Verts. I1 est également l'auteur avec Dorothée Benoït-Bromaevs d'Alertes Santé, éd. Favard et il a publié au printemps 2007 Le défi des épidémies modernes, éd. La Découverte.
Source : Alternative Santé n° 347 de septembre 2007, page 45 et Indymédia.
Commentaire personnel : on évoque la mise en place des franchises notamment pour la prise en charge de la maladie d’Alzheimer mais on omet de dire, dans la logique de cette loi qui doit toucher tous les malades, que ceux souffrant de cette pathologie seront soumis aussi aux franchises médicales.