Le parti socialiste : raisons de son déclin, comment y remédier

Publié le par Désirs d'Avenir Rueil

Lorsqu’on évoque les successives défaites de la gauche et du parti socialiste, on a coutume d’en voir les causes dans une droitisation de la société. Je serais tentée d’y voir une raison différente: la gauchisation de la droite.


On évoque souvent le fait que Nicolas Sarkozy débauche des personnalités de gauche mais on oublie volontiers que d’autres avant lui avaient récupéré des idées traditionnellement de gauche.


La droite et la gauche de la fin du XIXe au début du XXIe siècle

Si l’on remonte à la droite de la fin du XIXe et du début du XXe siècle et qu’on la compare avec ce qu’elle est depuis la Ve République et la présidence de Charles de Gaulle, on voit une indéniable différence.


La droite de l’époque se situe dans la bourgeoisie bien pensante, catholique, réactionnaire, la noblesse, les propriétaires terriens, les patrons de l’industrie... Les salariés des petites entreprises votent largement comme les patrons leur suggèrent.


La gauche était quant à elle située, vers les années 1900, dans l’enseignement, la fonction publique, l’industrie… Mais l’état de cette industrie française était tel que cette force était importante. Nous avons conservé de nos jours, une bonne part de la fonction publique (encore que...).


Au début du XXIe siècle, la classe moyenne, salariés et cadres moyens, qui n’existait pas ou peu 100 ans plus tôt, vote plutôt à gauche, même si elle a tendance à être séduite par des idées centristes et/ou écologistes.


Pillage des thèmes de gauche

En dehors du bref épisode du front populaire qui, avant que la guerre débute, permettra à la gauche d'offrir les congés payés, ainsi que de la réduction du temps de travail qui se fera progressivement au fil du XXe siècle, on verra ensuite que nombre de nos thèmes ont été appliqués par la droite après cette guerre.

De Gaulle arrivé au pouvoir reprend des thèmes de gauche issues du programme de la Résistance : nationalisation, Sécurité Sociale, vote des femmes… Il met fin à notre présence en Algérie.

C’est aussi sous sa présidence que la pilule contraceptive sera autorisée, mesure inimaginable pour la droite bien pensante du début du siècle. C’est sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing qu’elle sera remboursée par la Sécurité Sociale.


L’adhésion à l’Europe atténue le nationalisme refermé sur lui-même d’une frange de la population traditionnellement située à droite.
C'est l'idée même d'Europe qui est portée par de Gaulle et c'est lui qui met fin à la mainmise américaine de l'après-guerre.


La reprise d'idées de gauche est poursuivie par Valéry Giscard d’Estaing et Simone Veil qui mettent en place une mesure phare : la loi sur l’interruption volontaire de grossesse.


François Mitterrand est parvenu au pouvoir par son intelligence de la conduite d’un parti mais en définitive, la parenthèse de la gauche possédant à la fois les pouvoirs exécutif et législatif n’aura duré que 10 ans. En dehors de l’abolition de la peine de mort, de quelques nationalisations aux tout débuts, la crise aidant, il ne pourra poursuivre une politique ancrée à gauche. C’est même sous sa présidence qu’on amorcera la privatisation de fleurons de la fonction publique comme France Télécom.


Jacques Chirac ne marque pas par des réformes révolutionnaires, se contentant de prospérer sur l’héritage de ses prédécesseurs. Quant à Nicolas Sarkozy, l’histoire dira s’il aura accompli la vraie rupture qu’il prônait pendant la campagne présidentielle mais je parierais qu’il ne sera qu’une parenthèse, tellement sa personnalité, sa manière de comprendre la France et les français ne cadrent pas avec leur manière d’être. Le débauchage d’ex socialistes et personnalités de gauche ne constitue pas une politique de gauche.

Évolution de la société française

Dans le même temps, le nombre de personnes poursuivant des études supérieures subit une progression exponentielle (de 2 000 bacheliers au début de XXe siècle, on en est maintenant à plus de 500 000 au début de notre XXIe siècle), signe que le niveau de connaissance s’améliore. De ce fait, les emplois évoluent vers des niveaux plus élevés. Compte tenu de cela et de la disparition de notre industrie, une frange non négligeable d’électorat de gauche disparaît : les ouvriers de l’industrie. Les coupes drastiques dans la fonction publique et donc la diminution des fonctionnaires, l’attirance de ceux qui restent des ouvriers pour les extrêmes (droite ou gauche) accroit cette hémorragie d’électeurs socialistes potentiels.


Dans les interstices de tout cela, il reste peu de places pour des initiatives socialistes, à l’exception de tout ce que détruit Nicolas Sarkozy et qu’il nous faudra rebâtir.

Sa politique de gribouille qui bondit sur tout événement pour se mettre en lumière et pondre une loi n'est pas dans la veine de ses prédécesseurs et démontre une impatience éloignée de ce que devrait être une bonne gestion des affaires d'un pays. C'est peut-être là que nous pouvons démontrer notre différence.

Ségolène Royal, en voulant apporter de nouvelles méthodes, a déchaîné les passions en interne lors de la campagne présidentielle et en particulier en mettant en place la démocratie participative - qualifiée par ses détracteurs de méthode populiste - qui a séduit notamment l'électorat des cités où elle a fait d'excellents scores.


Le temps est venu maintenant de revoir complètement nos méthodes et notre corpus idéologique pour relever le pays et améliorer le sort de nos concitoyens. Les anciennes recettes ne pourront plus fonctionner.

On ne pourra pas indéfiniment réduire le temps de travail, les citoyens le savent bien. Ce que les bienfaits de la modernisation de l'industrie ont apporté, en particulier la diminution des taches pénibles, est achevé aujourd'hui. Les assurances sociales existent, elles ont juste besoin qu'on les gère sérieusement. Les droits naturels de l'humanité sont proclamés et, au moins dans nos contrées, sont, à quelques exceptions près, respectées et surveillées. Nous avons juste à les exporter autour du monde.

On ne fait plus descendre dans la rue par le miracle de 2 ou 3 slogans accompagnés d’un roulement de tambour.


On l’a vu dans les cortèges de protestation de fin 2008 – début 2009, le parti socialiste n’est pas le bienvenu aux côtés des organisations syndicales. Il faut se poser la question de la cause de cette rupture qui n’existait pas un siècle plus tôt. Il nous faut à nouveau associer à nos travaux les milieux syndicats, associatifs... qui connaissent la vie des citoyens.

Il nous faut à nouveau trouver un discours à tenir à l’électorat qui nous fait défaut et ce ne sont pas des imprécations du type « jamais d’alliances avec un tel » qui nous y aideront.

Dominique Millécamps

Publié dans Mes chroniques

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