Ségolène Royal interviewée dans l’Express

Publié le par Dominique Millécamps

Interrogée sur la façon féminine de diriger la nation dans un pays habitué au paternalisme, Ségolène Royal répond : « l'élection de Michelle Bachelet au Chili et celle d'Angela Merkel en Allemagne ont donné, déjà, un peu de visibilité à l'exercice du pouvoir au féminin, même si, me concernant, ce serait la première fois qu'une femme serait élue au suffrage universel direct dans un grand pays d'Europe. C'est vrai, cela soulève dans l'inconscient collectif un certain nombre de questions - je ne sais pas encore dans quel sens elles seront tranchées - mais je pense profondément que l'opinion publique est souvent en avance sur les responsables politiques et les partis. Même si c'est en France que demeurent les inégalités les plus rudes entre les hommes et les femmes au niveau des salaires, de la précarité ou dans les conseils d'administration des grandes entreprises. La politique reste un monde construit par des hommes et pour des hommes… »

La candidate socialiste estime qu’il faut changer la pratique de la fonction présidentielle : « Je pense, par exemple, que la commission de la Défense de l'Assemblée nationale doit être informée des décisions concernant l'engagement des forces militaires sur des théâtres extérieurs. Je pense que le Parlement devrait être beaucoup plus associé qu'il ne l'est à la définition de la politique étrangère du pays. Le président ne devrait plus être non plus, depuis longtemps, à la tête du Conseil supérieur de la magistrature. Son pouvoir de nomination devrait, dans certains cas, être plus limité qu'il ne l'est. Est-ce à lui, et est-ce aux présidents des Assemblées, de choisir les membres des structures indépendantes? Voyez tous les abus actuels… Et c'est cela, que j'entends lorsque je parle de VIe République. »

« Je souhaite une diminution du train de vie de l'Etat en général. La sobriété n'empêche pas la grandeur dans l'exercice du pouvoir et de l'autorité. Alors, en ce qui concerne l'Elysée en particulier, je demanderai à une commission parlementaire de faire des propositions sur la baisse de ses dépenses de fonctionnement. Et ce sera la même chose dans les ministères. Il faut tout faire pour réduire le côté monarchique de l'exercice du pouvoir en France. Et je le ferai, toute Royal que je suis ! »

Elle évoque ses relations avec le Parti Socialiste si elle est élue : « Il faut trouver un juste équilibre. Le chef de l'Etat est élu au suffrage universel direct. Il ou elle représente tous les Français. Et il est, en même temps, issu d'une formation politique qui, en l'espèce, est le Parti socialiste et qui constitue la majorité parlementaire sur laquelle il doit s'appuyer. Je veux faire le socialisme du réel, celui qui regarde les choses en face sans se sentir prisonnier d'un certain nombre de dogmes ou d'actions du passé. Par exemple, j'estime que nous n'avons pas suffisamment pris en compte les acquis de la pensée antitotalitaire des années 1970 et 1980. Ou bien, pendant très longtemps, nous n'avons pas osé dire que les 35 heures n'étaient pas forcément bien appliquées partout. »

« Les 35 heures n'ont pas été une erreur, ne tombons pas non plus dans l'exagération symétrique ! Reconnaître qu'il faut les évaluer davantage et qu'elles ont créé dans certains secteurs plus de problèmes que de solutions, c'est se donner la capacité d'agir. Il faut savoir être cohérent et pragmatique. Fidèle à des principes et ouvert à la discussion, voire au compromis, quand il s'agit de leur application. Mais nous sommes dans un système, politique et médiatique, où il suffit de reconnaître une erreur pour que l'on cherche à tout détruire. »

Pour Ségolène Royal, cette politique d’évaluation doit être impulsée par le chef d’Etat : « Le chef de l'Etat donnera des instructions. Il dira à son gouvernement: il y a le pacte présidentiel, veillez à sa mise en application. Ensuite, il faudra qu'on lui rende compte. C'est à cela, d'abord, que doit servir le Conseil des ministres: que s'est-il passé au cours de la semaine écoulée? Actuellement, tous les mercredis, on engrange des réformes nouvelles sans jamais évaluer quoi que ce soit. Soyons concrets: les ministres me rendront compte de ce qu'ils ont fait pendant les sept jours précédents et de la manière dont ils évaluent l'application des réformes déjà adoptées; puis nous préparerons les réformes à suivre. C'est une question de crédibilité de la politique. Il y a un tel décalage, aujourd'hui, entre l'annonce d'une loi en Conseil des ministres, son vote et sa mise en application… Les décrets d'application seront prêts à être signés au moment où la loi sera déposée sur le bureau de l'Assemblée. Et il faudra tenir compte, bien entendu, des modifications inhérentes au débat parlementaire. »

Concernant le calendrier de réforme des institutions, « Il faut aller au plus simple et au plus rapide. Je mettrai en place, sous l'autorité du Premier ministre, un conseil consultatif constituant, avec des parlementaires, des représentants du Conseil économique et social, des élus locaux, des constitutionnalistes, ainsi qu'un jury de citoyens tirés au sort. La charte de laïcité que j'appelle de mes vœux sera, pour sa part, adossée à la Constitution. »

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