Analyse critique du programme de Sarkozy

Publié le par Dominique Millécamps

I) Sur le plan économique et social, Nicolas Sarkozy conserve l’essentiel de son discours.

Au fil du texte, il attaque les 35 heures, tout en se gardant d’annoncer leur abrogation, sans évoquer surtout les conséquences d’une nouvelle édulcoration sur l’emploi. Il développe son slogan traditionnel « travailler plus pour gagner plus », oubliant que les 35 heures ont résulté d’une négociation sociale branche par branche et méprisant les faits. La RTT a généré environ 400 000 emplois ; son essor correspond à une législature qui a vu la création de deux millions d’emplois.

Il invoque la baisse des prélèvements obligatoires, mais ne fixe ni l’ampleur ni le calendrier de celle-ci. D’une manière générale, il évite tout chiffrage, au profit d’un propos déclamatoire. Rappelons qu’il est issu d’un gouvernement et d’une majorité qui a fait progresser le pourcentage des prélèvements obligatoires au cours des 5 dernières années (+ 0,6 en 2006).

Il développe ses propositions habituelles sur le contrat unique du travail, sans référence au CNE, sur le service minimum, sur la mise en cause des conditions de représentation syndicale au premier tour. Nicolas Sarkozy est bien l‘homme de la précarisation généralisée et du conflit social. Il apprécie les hommes et les femmes au travail, quand ils se taisent et évitent de s’exprimer sur un mode collectif et organisé. Il s’inscrit là dans la philosophie permanente de la droite française.

En termes de retraite, il prévoit explicitement une augmentation de 25 % du minimum vieillesse, sans mentionner le calendrier. Cette mesure serait financée par des économies réalisées à la faveur de la réforme des régimes spéciaux. Au regard des masses financières comparées, cette annonce relève de la pure démagogie.

Nicolas Sarkozy confirme sa volonté de supprimer l’essentiel des droits de succession au nom……de l’égalité des chances et du primat du travail sur la rente et le patrimoine. Il entend poursuivre les politiques d’exonération de cotisations sociales et fiscales, pour mieux imposer une « TVA sociale », injuste socialement, dangereuse économiquement. En fait, il demande aux consommateurs de payer l’impôt de leurs employeurs au prétexte de la préservation de leur propre emploi : curieuse conception de la réhabilitation du travail ; étrange approche de la baisse des prélèvements obligatoires !

Il plaide à nouveau pour une « éthique » du capitalisme, formule savoureuse lorsque l’on se rappelle certains soutiens dans le monde économique et celui des affaires. Il invoque également les nécessités d’une politique industrielle, en référence à son action concernant Alstom, pour mieux masquer son inertie depuis 5 ans face à tous les licenciements boursiers et à la perte de 350 000 emplois industriels.

Dans le domaine de l’éducation, de la formation de la recherche, il affirme haut et fort ses priorités. Dans le même temps, il souhaite la remise en forme de la carte scolaire… au nom de la mixité sociale, tout en abandonnant la référence « à la discrimination positive ». Son discours sur la situation de l’école emprunte beaucoup au répertoire déclinologue.

Au plan sociétal, il expose quelques idées générales sur la dépendance, la question de fin de vie, le droit à la santé. À noter cependant, sur ce chapitre, que le principe de l’instauration d’une franchise annuelle, dont le montant a varié en un mois du simple au décuple, a été… oublié dans un premier temps pour être rétabli sous forme d’une usine à gaz encore plus complexe et plus négative pour l’égalité d’accès aux soins.

II) Sur le terrain institutionnel, Nicolas Sarkozy est désormais, de tous les candidats importants, le seul à défendre la Vème République.

Il confirme ainsi qu’il est bien l’héritier en ligne directe de la dynastie UNR –UDR–RPR-UMP. Il rejette toute évolution vers la VIème République au nom de la stabilité, argument brandi par tous les caciques de la Vème République depuis l’origine. C’est une posture délicate pour l’homme de la rupture. Il préfère, en effet, rompre avec le système, mais accepte le soutien de celui qui l’incarne jusqu’à la caricature depuis 40 ans. Il feint de vouloir bouleverser les lignes, mais défend becs et ongles un régime aujourd’hui, cruellement daté. Son plaidoyer pour les bienfaits d’une constitution écrite pour un homme et pour un moment, en 1958, en dit long sur la vraie nature du président de l’UMP.

Il se contente de trois évolutions :

> La limitation du nombre de quinquennats à deux ;

> L’introduction d’une forme d’habeas corpus. Belle astuce pour une ministre de l’Intérieur, qui n’a cessé pendant 5 ans, de s’improviser, voire de s’imposer en même temps, comme garde des sceaux, pour, le plus souvent, stigmatiser les juges ;

> Des nominations dans la haute fonction publique, présentées devant le Parlement et soumises au véto éventuel de celui-ci. Nous sommes en présence d’une logique s’apparentant à l’ébauche d’une « spoil sytem ».

Nicolas Sarkozy veut une « démocratie irréprochable ». Il est vrai que du soldat de l’État RPR, au cumul de poste de numéro deux du gouvernement, chef de l’UMP et président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, il a beaucoup à se faire pardonner.

III) Il développe en matière européenne, son opposition absolue et déterminée à l’entrée de la Turquie dans l’Union Européenne.

Il prend ainsi sur ce plan, ses distances avec la diplomatie française sortante. Les attaques successives sur le rôle néfaste de l’euro représentent le fil rouge du texte. L’euro est présenté comme un obstacle à la croissance, à l’emploi, au pouvoir d’achat. Il s’abstient, pour autant, d’en tirer toutes conséquences majeures concernant les missions de la Banque Centrale Européenne. En fait, nous sommes sur ce terrain, en présence d’une démarche typiquement chiraquienne.

Au nom de la fierté d’être Français, il confirme son intérêt pour la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Il pratique également une mise en cause radicale du bilan de la politique des banlieues et envisage désormais de ne pas « lésiner » sur les moyens financiers et humains. Il a dû beaucoup souffrir sous les gouvernements Raffarin et De Villepin dont il était l’immuable numéro deux, sans parler de la schizophrénie qui a dû s’emparer de lui, comme ministre des finances pendant six mois.

En conclusion, il s’agit d’un texte qui reprend de nombreux points marquants du programme de l’UMP, les chiffrages en moins. Il existe quelques surprises dans le domaine institutionnel ou celui des banlieues, quelques cafouillages (la franchise en matière de santé et la quantification de la baisse des prélèvements obligatoires). Mais il faut souligner les reprises rhétoriques connues, sur le ministère de l’immigration et l’identité nationale, la mise en cause de l’euro et des 35 heures, l’opposition à l’entrée de la Turquie dans l’Europe.

C’est le discours d’un conservateur qui se veut « moderne » sur le plan sociétal et politique, franchement rétrograde sur le plan social, prudent sur le plan économique puisqu’il renonce à tout objectif chiffré et budgété. Ce candidat ne se reconnaît pas de bilan ! Au nom d’une rupture de plus en plus évanescente, il se contente le plus souvent d’égrainer des dénégations empruntant parfois au vocabulaire de la vieille droite déclinologue.

Publié dans Les autres candidats

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