Ségolène : je suis une promesse d'audace sécurisée

Publié le par Dominique Millécamps

A quelques jours du premier tour, Ségolène Royal affiche sa confiance et sa combativité dans un entretien exclusif avec la rédaction de Metro.

La polémique sur une éventuelle alliance PS-UDF fait beaucoup parler depuis plusieurs jours. Quelle est votre position sur le sujet ?

Les polémiques ne m’intéressent pas. Les Français n’ont à subir aucune pression. Je me bats pour que la France se relève et que les Français aient un choix clair dont ils ont été privés en 2002. On voit bien maintenant quelle est la confrontation des projets.

Je veux réformer la France sans brutalité, mettre fin à ces cinq années de désordre, de dégradation économique, de fragilisation sociale. Pour cela il faut de nouvelles règles du jeu et faire en sorte que la loi du plus juste remplace la loi du plus fort.

Comment expliquez-vous le fort taux d’indécis à quelques jours du premier tour ?

D’abord il y a une nouvelle génération politique qui arrive. Les gens ne nous connaissent pas forcément très bien et ils observent avec beaucoup d’attention nos tempéraments, nos caractères, nos projets. Ils savent aussi que la France est en mauvais état. Ils ont parfaitement conscience de l’endettement, du déficit des comptes sociaux, du chômage, ils savent qu’il y a des enjeux très importants et que ce qui va s’accomplir dans les quelques années à venir va changer le visage de la France en positif ou en négatif. C’est pourquoi je dis d’abord aux Français « venez voter massivement ».

J’ai mené une campagne participative, j’ai construit ce projet avec les Français, en les écoutant, en comprenant bien leurs préoccupations. C’est à eux maintenant de décider de quoi l’avenir sera fait et qui va les représenter. Je demande aux Français un vote d’audace. Moi, je suis une promesse d’audace sécurisée.

Le clivage entre la gauche et la droite, il porte sur quoi finalement ? Dans votre projet on retrouve la réhabilitation de la valeur travail, comme dans celui de Nicolas Sarkozy !

Mais c’est moi qui, la première, ai avancé cette thématique dans la campagne. Sauf que moi, je considère que c’est en donnant du travail à tout le monde qu’on valorise le travail, pas en le précarisant.  Le CNE, le renforcement des inégalités salariales, le scandale du parachute doré de Noël Forgeard - une décision prise par l’actuel gouvernement qui est actionnaire d’EADS : toutes ces choses dévalorisent le travail, provoquent des colères justifiées lorsque les salariés découvrent qu’on les licencie pendant qu’un mauvais dirigeant part avec des millions d’euros. Sans parler de ses stocks options ! Mon projet, c’est le contraire de telles pratiques, c’est la transparence et la juste rémunération du travail.

Comment expliquez-vous que votre proposition de Contrat Première Chance soit déjà si critiquée à gauche ? A-t-elle été mal comprise ?

Au contraire, je pense qu’elle a été comprise. Je veux à la fois sécuriser le salarié et l’entreprise. Et je veux prendre à bras le corps le problème du chômage des jeunes. D’abord, pour les jeunes et les adultes qualifiés qui n’ont pas de travail, je veux mettre en place les emplois tremplins que j’ai déjà expérimentés dans ma région. On prend en charge six mois de salaires et de charges d’un jeune diplômé  à qui aujourd’hui les entreprises ne font pas confiance.

Ensuite, pour les jeunes qui sont sortis du système scolaire sans qualification, je mettrai en place le Contrat Première Chance : je vais aussi aider les PME qui embauchent ces jeunes en allégeant le coût du travail, mais en contrepartie, je leur demande de faire des contrats à durée indéterminée. On n’est pas du tout dans la logique du CPE qui permettait aux entreprises de licencier les jeunes sans justification. Avec le contrat première chance, les jeunes vont avoir un tutorat, être accompagnés avec des formations adaptées.

Pourquoi les thèmes sociaux ont-ils eu autant de mal à entrer dans la campagne ?

Je ne suis pas du tout de cet avis. Au contraire, j’en ai beaucoup parlé, dès le départ ! Quand j’ai évoqué le problème de la vie chère - et non pas du « pouvoir d’achat », beaucoup de monde s’est moqué. Mais moi, j’ai pris le temps d’écouter les gens. J’ai fait des propositions audacieuses sur la question du surendettement et des tarifications bancaires. Payer 60 euros pour un découvert bancaire de 51 euros comme je l’ai vu encore récemment, c’est du vol ! Je préfère que les banques fassent leur travail en prenant des risques pour prêter aux entreprises qui ont des marchés à conquérir, des innovations à faire.

Quand même, le drapeau ou la Marseillaise ont vite pris le pas sur les questions sociales…

C’est un lieu commun de penser que le débat sur le drapeau, sur l’identité nationale, a effacé tout le reste. Mais non, c’est très lié. Je ne vois pas pourquoi je m’interdirais de parler de la nation française, sous prétexte que ce thème n’est pas traditionnellement abordé par la  gauche ; et en même temps l’économique, le social et l’écologie sont au cœur du pacte présidentiel.

Les Français ont bien compris que tout était lié. L’éducation aussi, c’est du social. Lorsque je dis que je reviendrai, dès l’été, sur les suppressions   de postes décidées par l’actuel gouvernement pour la prochaine rentrée, que j’instaurerai le soutien scolaire gratuit pour les élèves en difficulté, c’est du social ! Remettre la police de quartier dans les cités, où il règne une violence potentielle considérable et où le candidat UMP ne peut plus se rendre, c’est du social. Quand je proteste sur la conception du candidat UMP sur les prétendus gènes de la pédophilie, et que je dis qu’avec moi les pédophiles seront tenus pour responsables de leurs actes, et que les violences faites aux enfants seront réprimées avec la plus grande fermeté, je fais du social.

La tentation Bayrou à gauche, cela vous inquiète ?

Il y a encore 17 millions d’électeurs indécis. Ils sont en train de réfléchir. J’y vois la marque d’une exigence. Moi, ce que je propose, c’est de réformer la France sans brutaliser, de réconcilier solidarités, responsabilité individuelle et efficacité économique.

Il se dit plus proche de vous que de Nicolas Sarkozy…

Alors il faudra qu’il prenne ses responsabilités entre les deux tours.

François Hollande semble moins serein que vous puisqu’il dit n’être pas sûr que vous soyez au deuxième tour ! C’est pour dramatiser et pousser au « vote utile ».

Je suis confiante. J’appelle à un vote utile, positif. Pour que les Français disent : « c’est bien, on est content, on a une super présidente de la République qui va redonner de la fierté à la France, qui va régler les problèmes, qui a des valeurs fondamentales auxquelles elle croit depuis toujours. » Mon projet, c’est de remettre la maison France sur ses bases, c’est l’ordre juste et les sécurités durables.

Certains pensent que le Front national et les partis minoritaires devraient être représentés à l’Assemblée nationale. François Bayrou est ainsi favorable à l’introduction d’une part de proportionnelle, Brice Hortefeux, un proche de Nicolas Sarkozy, aussi. Et vous ?
Mon Pacte présidentiel propose une part de proportionnelle. Cette proposition était d’ailleurs aussi dans le projet socialiste. Je crois en effet nécessaire que tous les mouvements politiques soient représentés au Parlement, notamment les écologistes.   L’UMP, en revanche, a toujours été opposée à la proportionnelle. Alors leur attitude, aujourd’hui, n’est qu’un clin d’œil de dernière minute à Le Pen.

Avez-vous déjà une idée du profil du Premier ministre que vous souhaitez et des premières mesures que vous prendrez ensemble ?

Oui bien sûr.   Je veux que les Français sachent que je suis prête, que j’ai la meilleure équipe, et qu’elle gouvernera tout de suite. Mes premières mesures porteront sur la hausse des bas salaires et des petites retraites, le soutien scolaire gratuit dès la rentrée de septembre, le plan de lutte contre le chômage des jeunes, le plan contre le surendettement et les abus bancaires, la mise en place de la police de quartier. Les choses sont prêtes.

Vous avez dit que les ministres ne seraient pas logés aux frais de la République.   Et la présidente, logera-t-elle à l’Elysée ?

Le seul critère, c’est l’intérêt de l’Etat. Lorsque ça sera nécessaire, j’y serai. Ce sont les contraintes de la fonction.

Propos recueillis par Caroline Brun, Adrien Cadorel, Claire Cousin, Jennifer Gallé, Jerôme Vermelin et Alexandre Zalewski.

http://www.metrofrance.com/fr/article/2007/04/17/18/4435-34/index.xml

Metro Paris – Mercredi 18 avril 2007

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