Nation : ce qu’en dit Ségolène Royal

Publié le par Désirs d'Avenir Rueil

Une identité nationale qui rime avec solidarité, hospitalité et ouverture au monde

 

Extraits de quelques discours et déclarations de Ségolène Royal en 2006 et 2007

 

Le 30 avril 2006, Ségolène Royal est à Cambrin, dans ce bassin minier du Pas de Calais qui n'a pas oublié la catastrophe de Courrières et prend la valeur travail au sérieux. Près de ce cimetière militaire de plus de 800 tombes, dont celles de nombreux soldats britanniques, on sait ce qu'il en coûta de défendre la République et la patrie : « Je voudrais, dit-elle, vous parler d'une valeur qui me tient particulièrement à coeur et dont je sais qu'elle a un sens, ici, à Courrières, avec ses dizaines de citoyens massacrés par l'occupation nazie. Ici, en cette journée de la déportation, comment ne pas évoquer l'idée de nation ? Je pense que l'idée de nation est une idée neuve qu'il va falloir redéfinir en la tournant vers le monde et en la tournant vers l'avenir. Le patriotisme est un mot qui a ici un sens vrai, parce qu'on se rappelle les hommes et les femmes qui ont perdu leur vie pour assurer notre liberté. Quand j'entends la droite parler de patriotisme économique pour justifier, au mépris de ses engagements, la privatisation d'un service public, Gaz de France, je vous dis que c'est un détournement de sens car aimer son pays c'est d'abord avoir le souci de le servir et non pas de se servir, c'est lui donner les moyens, à la France que nous aimons, d'être forte et de saisir ses chances, c'est faire confiance à sa jeunesse, c'est respecter ses anciens, c'est faire en sorte de déployer ses énergies vitales et collectives. C'est cela le patriotisme et c'est cela aimer la France ».

 

Le 9 mai 2006, à Villeurbanne, Ségolène Royal donne sa vision de l'action politique et des raisons que nous avons, partageant un même désir d'avenir, de « tenir debout ensemble », de nous interroger « sur ce qui fait France » de nos jours, sur ce que signifie notre « commune appartenance à la même nation », sur nos raisons partageables « d'avancer ensemble avec nos différences et la multiplicité de nos talents ». Elle appelle à « inventer ensemble pour remettre la France à l'endroit ».

 

Le 27 juin 2006, Ségolène Royal est à Soissons. Elle y évoque notamment la mémoire du jeune Louis Jaurès, fils de Jean, mort au front durant la guerre de 1914-1918, dans ce territoire où les combats pour la défense de la patrie furent infiniment meurtriers. Elle y célèbre « le fil jamais interrompu d'une histoire qui – de Jaurès à Blum et aux combats d'aujourd'hui – nous oblige et nous porte. Cette histoire est indissociable des plus grandes pages de l'histoire de France et de conquêtes sociales pour lesquelles il fallut durement batailler. C'est un héritage dont je suis fière ».

Après avoir expliqué en quoi sa conception d'un ordre juste s'oppose aux désordres civiques et sociaux que sèment les politiques d'une droite dont le masque compassionnel ne cache pas la vraie brutalité, elle en vient aux Jaurès père et fils : « J'ai été émue de découvrir grâce à vous ce que fut la courte vie de Louis Jaurès qui n'avait pas 16 ans quand son père fut assassiné, à peine 17 quand il fit le choix de devancer l'appel et de s'engager chez les dragons pour défendre la patrie en danger, et pas encore 20 ans quand l'offensive allemande le faucha à Pernant, jeune aspirant d'un régiment de chasseurs à pied (...). Envahie, la France puisa en elle la force de résister, puis de desserrer l'emprise, puis de se libérer et de réintégrer dans la nation l'Alsace et la Lorraine. Elle le fit avec l'aide de ses alliés. Malgré les erreurs d'appréciation répétées de certains de ses plus hauts galonnés. Grâce à la volonté et à la clairvoyance de quelques responsables, civils et militaires, appelés à la rescousse. Grâce aussi et peut-être surtout au courage d'un peuple mobilisé. Grâce à l'héroïsme ordinaire de ces Français de toutes catégories sociales qui n'aimaient pas forcément la guerre et encore moins après l'avoir vécue mais savaient qu'il est, dans la vie d'une nation, des moments où il faut faire son devoir et défendre le pays menacé ».

« Egaux devant la mitraille, ajoute-t-elle, beaucoup de soldats n'avaient, dans le civil, pas les mêmes droits politiques : je veux parler des troupes qu'on appelait « coloniales » et qui versèrent « l'impôt du sang » sans jouir de sa contrepartie citoyenne. Et sans que, quelques générations plus tard, un peu de la reconnaissance qui leur était due adoucisse le sort des immigrés et de leurs enfants français. Leurs noms ne furent pas jugés dignes de figurer sur nos monuments aux morts et dans nos cimetières militaires. Évoquant la mémoire de Louis Jaurès tombé au combat, comment ne pas y associer celle de tous les garçons nés ici ou venus d'ailleurs ? La France sera d'autant plus à l'aise avec elle-même, consciente de sa diversité et de son unité, qu'elle mesurera à quel point, dès le début du siècle dernier, ils étaient de toutes les origines et de toutes les couleurs ceux qui l'ont défendue en temps de guerre et reconstruite en temps de paix ».

« Juste avant sa mort, dit-elle aussi, Jaurès notait avec tristesse : « on nous a dénoncés comme de mauvais Français et c'est nous qui avions le souci de la France ! ». De Jean s'attachant de toutes ses forces à empêcher la guerre qui vient à Louis s'y engageant de son propre chef, je tiens à souligner ici plus que la filiation : la cohérence. Car la haine de la guerre et l'amour de la patrie étaient, pour le père, indissociables. De même que l'esprit de défense et l'esprit de fraternité. Éviter les massacres de masse et le choc meurtrier des nationalismes égoïstes, oui. Se dérober à son devoir et capituler devant la loi du plus fort, jamais ».

 

Le 20 août 2006, lors de la Fête de la Rose à Frangy en Bresse, Ségolène Royal développe ces « deux visions de la France et deux conceptions opposées de l'exercice du pouvoir qui seront, dans huit mois, l'enjeu de l'élection présidentielle ».

Elle y affirme qu'une « autre France est possible » et s'en prend en particulier aux destructeurs de la valeur travail et des solidarités nationales. « Les Français, dit-elle, ne veulent pas de cette société du précariat et de l'insécurité sociale. Ils en ont assez de devoir s'endetter pour boucler leurs fins de mois. Ils refusent que l'Etat, garant du pacte social, manque à ses devoirs de protection. Ils s'inquiètent des incertitudes qui pèsent sur l'avenir de leurs enfants. Quand le lien social se délite, c'est la Nation qui se fragilise ».

Elle appelle à « restaurer la crédibilité de la France » dans un monde que la fin de la guerre froide n'a pas pacifié : « Dans ce monde-là, la France n'a pas le droit de jouer un rôle effacé. Elle est membre permanent du Conseil de Sécurité. Sa géographie et son histoire la mettent au contact de l'Afrique, de l'Asie et du Moyen-Orient d'où viennent certes des menaces mais aussi de solides amitiés, des attentes fortes et un formidable potentiel de développement ». Dans ce monde-là, dit-elle, « la France doit le dire haut et fort : le premier facteur de déstabilisation, c'est la misère, ce sont les inégalités qui se creusent, c'est l'humiliation de ceux qui sont bafoués ».
Mais « pour être entendue, la France doit commencer par respecter ses obligations et mettre ses actes en conformité avec ses paroles » et, pour cela, revoir de fond en comble sa solidarité avec les pays les plus pauvres. « Si je suis en situation, ajoute-t-elle, la France aura une parole qui porte dans le monde parce que notre pays assumera de manière exemplaire ses devoirs envers les pays pauvres. La crédibilité de notre parole sera restaurée car nos actes correspondront enfin à nos discours ».

 

Le 29 septembre 2006, à Vitrolles, Ségolène Royal annonce officiellement sa candidature à la candidature et « accepte d'assumer cette mission de conquête pour la France ».
Dans cette ville symbole de la reconquête républicaine, que la gauche a reprise au Front national, je veux, dit-elle, « vous parler de la nation qui tient fermement debout, de la République pour tous et de l'autorité d'un Etat efficace », toutes choses qui vont, à ses yeux, indissociablement ensemble.

« Il faut, dit-elle, que les Français le sachent : ce n'est pas en les dressant les uns contre les autres que l'on redresse le pays. Ce n'est pas en trahissant la République qu'on relève la Nation (...). Oui, la France peut reprendre la main ! Oui, elle peut se protéger efficacement contre les désordres qui l'assaillent, croire suffisamment en elle, renouer avec le meilleur de son histoire, se projeter à nouveau dans l'avenir et construire un avenir commun ».

« La mondialisation sonne-t-elle le glas de l'État et condamne-t-elle la Nation » ? Non, répond-elle avec fermeté : « Ce désir de France que nous gardons au coeur n'est pas condamné à dépérir : il constitue un atout pour les combats d'aujourd'hui. Et cette « passion de l'égalité », constitutive de notre identité, reste de nos jours le meilleur guide pour l'action. Quand on demande aux Français ce qui, pour eux, symbolise le mieux la France, ce qui vient en premier, ce ne sont ni les frontières ni la langue, c'est le drapeau tricolore et la Sécurité sociale. L'emblème de la République et les outils de la solidarité : voilà ce qui cimente en premier l'appartenance commune. Mais plus les insécurités sociales quotidiennes et la précarité gagnent du terrain, plus les Français ont mal à la France. Et plus ils s'inquiètent de la pérennité de la nation, moins ils sont portés à la vouloir généreuse avec les siens et hospitalière aux autres. Car chez nous, on le sait, le social et le national marchent ensemble et c'est l'État qui est le garant de leur alliance ».

« Alors, poursuit-elle, quelle est notre responsabilité ? C'est redresser le pays et lui redonner toutes ses chances. Lui donner cette fierté sans arrogance qui l'aidera à rassembler ses forces et à écrire, avec tous les siens, une nouvelle page de l'histoire. Car nous croyons à la France, à ses talents, à son potentiel, à sa jeunesse, à son goût d'entreprendre et à la solidité toujours actuelle de la Nation, de l'Etat et de la République. La France, je la vois créative, innovante mais bridée de trop de lourdeurs bureaucratiques et fragilisée par un État qui se désengage. Je la sens en avance sur ceux qui la gouvernent (...). La droite a le toupet d'appeler « réformes » - les mots n'ont plus de sens ! - le démantèlement des protections sociales et l'avènement d'une société du précariat (...). Ce n'est pas moderniser le pays : c'est défaire la France ».

« Je crois, dit aussi Ségolène Royal ce jour-là, que la nation dans le monde d'aujourd'hui est protectrice des individus et doit apporter à chacun le renfort dont il a besoin pour maîtriser sa vie. Cette nation remplissant son devoir à l’égard de tous ses membres, je ne la veux pas frileuse, apeurée, défensive, doutant d’elle-même, mais au contraire porteuse d’un projet collectif et solidaire, d’un devoir d’invention qui lui donne tout son sens et tout son allant ! ».

« Imaginer la France, poursuit-elle, c’est vrai, ne va plus de soi et nous devrons le faire ensemble. Mais ne lui renvoyer que l’image de son déclin et la sommer sans cesse de renoncer à son « exception » pour se banaliser et s’aligner sur les pays où, paraît-il, le marché sans entrave pourvoirait au bonheur de tous, c’est rendre à la France un bien mauvais service et attiser l’exaspération des Français (...).

Imaginer la France ne va plus de soi parce qu’elle s’est beaucoup transformée, pluralisée, diversifiée et colorée sans encore admettre totalement ce qu’elle est devenue. Pour en tirer parti et fierté, la France, je vous le dis, doit achever de reconnaître comme ses enfants légitimes ceux dont les familles sont venues d’ailleurs et qui sont aujourd’hui des Français à part entière quoique toujours exposés aux discriminations.

Oui, la France doit non seulement les reconnaître comme ses enfants légitimes, mais s’appuyer sur eux comme sur tous ses enfants. La France doit écouter ce qu’ils lui disent, notamment les moins nantis. Elle doit même comprendre ce qu’ils ne lui disent pas.

Jusqu'à quand parlera-t-on de 2ème, de 3ème ou de 4ème génération pour certains descendants d’immigrés alors qu’on ne le fait jamais pour ceux dont les parents sont originaires d’Europe ? Jusqu’à quand parlera-t-on de Français « de souche » comme si les autres étaient… de feuillage ou de branchage ?

C’est cela aussi la tâche de la gauche : aider la France à se reconnaître comme elle est et à reconnaître, dans cette diversité humaine, une formidable chance pour nous tous.

L’honneur de la République, la fidélité de la France à ses idéaux, c’est aussi la lucidité d’une histoire partagée, dans une France respectueuse de toutes les mémoires, et accueillante à tous les siens, nés ici ou ailleurs.

C’est une France qui reconnaît, en 2001, l’esclavage comme crime contre l’humanité.
C’est une France qui demande, à juste titre, pardon pour la Rafle du Vel d’Hiv’ et le régime de Vichy.

C’est une France qui refuse de reconnaître des « aspects positifs » dans la colonisation, système de domination et d’asservissement.

Ce n’est jamais quand elle oublie ses valeurs mais, au contraire, quand elle les prend au mot et reste fidèle à elle-même que la France peut aussi, au-delà de ses frontières, parler du monde et au monde.

Car la Nation, pour la gauche, est indissociable d’une perspective plus large.

Car nous sommes de ce pays, la France, où l’on « vota la liberté du monde » et où l’on fit une Constitution en pensant à l’univers entier.

Car « c’est en donnant aux peuples l’exemple et le signal de la justice » que la France se ressemble et se rassemble ».

 

Le 17 novembre 2006, les militants socialistes choisissent dès le premier tour Ségolène Royal pour être candidate à l'élection présidentielle. Elle prend la parole à Melle, dans les Deux Sèvres, et évoque à nouveau, comme à Vitrolles, ces valeurs qui font, quand elle leur est fidèle, la grandeur de la France et de son message. « Regardez, dit-elle, l'histoire de France : c'est toujours quand le peuple s'y met que la France avance et bâtit un nouvel avenir ».

 

Le 17 janvier 2007, à Toulon, Ségolène Royal évoque la liberté, l'égalité et la fraternité malmenées par ces inégalités qui défont la France en planètes de plus en plus étrangères les unes aux autres. Elle rappelle aussi la mémoire du bataillon de Provence qui, en 1792, se porta au secours de la patrie en danger : « son chant devint notre hymne et bien des peuples de par le monde s'emparèrent à leur tour de notre Marseillaise pour clamer, chacun dans sa langue, leur volonté d'émancipation ».

« Je suis venue, dit-elle aussi, vous dire ici, à Toulon, les raisons auxquelles je tiens et celles pour lesquelles nous avons envie de croire en la France. Je la sais capable, notre France, de puiser dans ses valeurs, dans son histoire, dans sa passion de l'égalité, dans ses talents, l'énergie du redressement que tous les Français appellent de leurs voeux et qu'ils attendent parfois désespérément ».

« Je veux, poursuit-elle, une France qui accepte ce qu'elle est devenue – plurielle, diverse, colorée – et qui sache s'en réjouir et en tirer parti. Je veux une France qui reconnaisse comme ses enfants légitimes tous ceux dont les familles sont venues d'ailleurs et qui sont aujourd'hui des Français à part entière quoique toujours en bute aux discriminations. Je le leur dis du fond du coeur : la France a besoin de vous parce que vous êtes une grande partie de la solution ! (...) Je veux une France qui assume avec lucidité une histoire partagée, respectueuse de toutes les mémoires et accueillante à tous les siens. Une France fière de sa République et de sa laïcité, qui ne dresse pas les Français les uns contre les autres, parce que ses valeurs correspondent aux valeurs universelles qui nous permettent de dialoguer avec le monde sans que de vieux relents de « mission civilisatrice » fassent retour dans nos mots et dans nos attitudes. Ni amnésie, ni repentance : je veux une France capable de porter un regard apaisé et de poser des mots justes sur son histoire. Capable de reconnaître l'esclavage pour ce qu'il fut : un crime contre l'humanité. Capable de reconnaître la colonisation pour ce qu'elle fit : dominer et spolier. Capable de reconnaître la part prise par la police de Vichy dans la rafle du Vel d'Hiv' et la déportation des Juifs français ».

 

Le 6 février 2007, au meeting parisien de la Halle Carpentier, Ségolène Royal revient, une fois encore, sur l'histoire de France et l'actualité de ses valeurs.

« La France, dit-elle, n'est pas la synthèse impossible de l'Ancien Régime et de la Révolution. Laissons cela au candidat de l'UMP. Pour nous, le droit divin et la souveraineté du peuple, ce n'est pas la même chose. Le règne de l'arbitraire et celui de la loi, non plus. Le privilège s'oppose à l'égalité et le sujet au citoyen. Entre l'Ancien Régime et la Révolution, il y a l'esclavage. Entre le Code Noir de Louis XIV et la Déclaration des droits de l'homme, les valeurs ne sont pas les mêmes. Comme si cela pouvait s'oublier... A moins que cette volontaire confusion des repères ne soit là que pour préparer des ralliements au second tour ».

« Bien sûr, ajoute-t-elle, il y a de la continuité dans notre histoire mais c'est la rupture opérée par la Révolution qui explique encore la France d'aujourd'hui. Car la Révolution a voulu fonder une communauté de citoyens. Aujourd'hui, le règne débridé du capitalisme fou et du libéralisme sauvage en sape les fondements et porte atteinte à la valeur du travail. La nation, ce n'est pas seulement une histoire partagée et assumée : c'est le désir de faire encore de grandes choses ensemble. La France ne demande pas aux citoyens d'où ils viennent mais où ils veulent aller ensemble. La République ne demande à personne de renier ses origines, ses racines, ses attachements, sa culture, ses croyances : elle invite chacun à s'asseoir à sa table, à égalité de droits et de devoirs.

La France de demain comme celle d'hier se nommera diversité.

Et son unité se forgera dans un projet partagé.

La France est diverse, multiple, colorée, métissée et pourtant très française si elle sait être fidèle à ses valeurs, protectrice de tous les siens et ouverte sur le monde.

Je ne la laisserai pas se défaire.

Je veux une France accueillante à toutes les mémoires mais je ne veux pas que notre espace public soit le champ de rivalités mémorielles, de confrontations sous le prétexte de l'origine, de la couleur ou de la croyance. Pour vivre ensemble à égalité de droits et de devoirs, nous avons besoin de règles. La première d'entre elles, c'est la laïcité, respectueuse de la liberté de pensée, de conscience et de culte ».

« Il est facile, dit aussi Ségolène Royal, d'associer le temps d'un discours Guy Môquet et Achille de Peretti, Jeanne d'Arc et Édouard Balladur, mais quels que soient les mérites des seconds (dont le principal est d'avoir fait la carrière du candidat de l'UMP), sachons quand même mettre à leur juste place, autrement éminente, la fille rebelle de Lorraine et le jeune résistant communiste qui n'eurent jamais 20 ans parce qu'ils aimèrent la France à en mourir ».

Elle dit aussi ceci : « A ceux qui veulent une France meilleure, le candidat de l'UMP a répondu par ces mots terribles : « s'il y en a que ça gêne d'être en France, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu'ils n'aiment pas ! ». Savez-vous que ce slogan  a été emprunté à la droite américaine du temps de la guerre au Vietnam ? Savez-vous que ce slogan a été celui de la dictature brésilienne qui disait « le Brésil, aimez-le ou quittez-le ! » ? Voilà quelles sont aujourd'hui leurs références.

Alors non, ce langage de division, ces mots violents font insulte à tous ceux qui, de Victor Hugo à Charles de Gaulle, d'Emile Zola à Pierre Mendès-France, ont dû quitter la France pour la sauver et la relever. Cette division agressive entre les Français légitimes et les autres, contraints au silence ou au départ, non, ce n'est pas la France que nous voulons !

Aimer son pays, c'est le vouloir meilleur.

Aimer son pays, c'est l'écouter, le rassembler, l'améliorer, le transformer.

C'est assumer son histoire et l'aimer les yeux grands ouverts.

Alors il ne l'aimait pas, la France, Péguy qui disait : « c'est parce que nous sommes bien français que les massacres coloniaux nous donnent comme un remord personnel » ?

Alors elle ne l'aimait pas, la France, Simone Weil, philosophe et Résistante, qui disait : « l'amour de la patrie doit avoir les yeux ouverts sur les injustices, les cruautés, les mensonges, les crimes de notre passé, sans dissimulation ni réticence et sans en être diminué » ?

Alors il ne l'aimait pas, la France, Camus qui disait : « il est bon qu'une nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs » ? Mais, ajoutait-il à juste titre, « elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle peut avoir de s'estimer elle-même ».

« Aimez la France ou quittez-la » : rien de bon pour la France ne sortira de ces mots ! ».

Ségolène Royal évoque Léon Blum déclarant à ses juges, lors du procès de Riom : « vous ne pourrez pas nous chasser de l'histoire de ce pays. Nous avons, dans un temps bien périlleux, personnifié et vivifié la tradition authentique de notre pays, qui est la tradition démocratique et républicaine. Nous sommes dans la tradition de ce pays depuis la Révolution française, nous ne sommes pas je ne sais quelle excroissance monstrueuse dans l'histoire de ce pays parce que, tout simplement, nous avons été un gouvernement populaire ».

« C'est, dit-elle, le même esprit qui a inspiré aux Antilles ces grandes figures de notre lutte commune contre l'esclavage et la colonisation que furent Louis Delgrès, la Mulâtresse Solitude, Frantz Fanon et Aimé Césaire qui me fait aujourd'hui l'honneur de son soutien.

C'est à cause de toute cette histoire que je ne veux pas que la France s'effraye de cette vitalité juvénile et populaire qui s'exprime dans nos banlieues. Je ne veux pas d'une France qui s'effraye des mots des rappeurs, de leur chronique acérée du quotidien des quartiers, de leur cri de révolte, de leur soif de respect et d'égalité. Car ils reprennent à leur façon la tradition provocatrice et libertaire de la chanson populaire française ».

« L'histoire – Ségolène Royal y insiste – n'est jamais un passé mort. Elle éclaire et elle travaille le présent. Notre histoire est faite de cultures et d'identités qui se mêlent, qui s'influencent, qui s'interpénètrent de longue date et qui forment, au bout du compte, la France que nous aimons »

 

Le 11 février 2007, lors de l'immense rassemblement de Villepinte, Ségolène Royal expose son projet pour la France, les diagnostics et les propositions de son pacte présidentiel.

Disant ce qu'elle veut pour les jeunes, elle cite ce que l'un d'eux lui a dit : « une bonne partie des violences est engendrée par le manque de considération envers certains jeunes. Ils ne se sentent pas utiles à la Nation et ont, de ce fait, l'impression que la Nation ne fait rien pour eux, donc qu'ils ne lui doivent rien ».

Voilà pourquoi, dit Ségolène Royal, « je ne veux pas de cette société toujours plus violente (...), de cette société du tous contre tous, de cette société du chacun pour soi. Je veux que la France aime sa jeunesse et exerce sur elle une juste autorité qui lui permette de grandir ».

« Du fond du coeur, je vous le redis : la France a besoin de vous, vous êtes la chance de la France. Je veux une France qui vous écoute, une France qui vous comprenne et une France qui, en même temps, soit exigeante envers vous. Je veux une France qui entende ce que lui dit Diam's dans « Ma France à moi » : « il ne faut pas croire qu'on la déteste mais elle nous ment (…) ; ma France à moi leur tiendra tête jusqu'à ce qu'ils nous respectent ».

« Car la France, dit aussi Ségolène Royal, c'est plus que la France.

La France, c'est ce drôle de pays qui, comme disait André Malraux, n'est jamais aussi grand que lorsqu'il l'est pour tous les hommes.

La France, ce sont des valeurs exigeantes et belles proclamées par la Révolution française.
La France, ce sont des valeurs universelles qui nous obligent et que nous devons porter haut pour ne pas décevoir ceux qui ont foi en nous.

L'histoire de France est une histoire vivante.

C'est une histoire qui, parce qu'elle est vivante, doit continuer de parler au monde ».

 

Mars 2007 : dans « Maintenant », livre d'entretiens en forme d'abécédaire avec Marie-Françoise Colombani (Hachette Littératures), Ségolène Royal explique les raisons de l'importance qu'elle attache à La Marseillaise.

Marie-Françoise Colombani : « Qu'un sang impur abreuve nos sillons... », faut-il encore apprendre ce chant aux petits Français ?

Ségolène Royal : Bien sûr ! En leur expliquant le sens des mots et le contexte dans lequel ils furent écrits. Ce n'est pas un chant sanguinaire et xénophobe mais un hymne révolutionnaire et patriotique. C'est celui de la levée en masse, d'un peuple en armes accourant aux frontières pour protéger la France de l'invasion étrangère et défendre la République contre les troupes coalisées de l'Ancien Régime. C'est un message universel contre la tyrannie. D'autres révolutions, après la nôtre, ne s'y sont pas trompées et ont chanté La Marseillaise dans leur langue. Quand elle la chantait chaque jour avec ses élèves, avant le cours du matin et après l'étude du soir, Louise Michel en avait les larmes aux yeux. Pour elle aussi, tant de fois emprisonnée, c'était un chant de liberté et de fraternité. On ne réécrit pas à froid, simplement pour le mettre au goût du jour, un hymne qui nous rattache directement à l'épopée fondatrice de la République. Je ne suis pas choquée que des artistes s'en emparent pour le revisiter à leur manière : Gainsbourg l'a fait, Higelin aussi. A l'art tout est permis si c'est avec talent. Mais ce legs de ceux de 1789 et de Valmy mérite mieux qu'un contre-sens : que nous en assumions la transmission. Et plutôt que d'en changer les mots, que nous en fassions vivre le message.

Le 23 mars 2007, lors du meeting de Marseille où elle revient sur les axes majeurs de son pacte présidentiel, Ségolène Royal, développe sa conception d'une « identité nationale » qui exprime le peuple rassemblé et repose sur « la certitude que les règles du jeu sont les mêmes pour tous, quels que soient l'origine, le quartier, la naissance, la famille ».  Cette « garantie d'une égalité réelle », dit-elle, « c'est le premier fondement de notre identité nationale ». Ici, « à Marseille qui s'est forgée de tant d'aventures, de tant de mouvements, de tant de peuplements riches et diversifiés, je peux le dire encore davantage qu'ailleurs : l'identité nationale, ce n'est pas de demander des comptes sur d'où l'on vient mais de savoir vers où on veut aller ensemble ».

« Comment, dit-elle aussi, ne pas dénoncer cet amalgame insupportable entre l'immigration et la menace de l'identité nationale ? ». Comment accepter cette désignation « à la vindicte publique » ? « Si tout d'un coup, tous les travailleurs étrangers s'arrêtaient de travailler, on en verrait de drôles de choses dans des secteurs entiers de l'économie ! Combien de chantiers s'arrêteraient brutalement ? Combien d'entreprises dans le secteur du bâtiment feraient faillite ? Comment cela se passerait-il dans tous les services du nettoyage ? Que se passerait-il dans nos services hospitaliers où, de plus en plus, on va chercher la matière grise dans les pays de l'autre côté de la Méditerranée alors qu'ils en auraient tant besoin pour se développer ? ».

Puis elle conclut : « Puisque nous avons parlé de l'identité nationale et puisque nous sommes à Marseille, je voudrais vous dire un mot de la Marseillaise parce qu'il y a parfois des malentendus. J'entends des jeunes dire qu'ils ne comprennent pas ces paroles sur « un sang impur (qui) abreuve nos sillons ». Levons les malentendus. La Marseillaise, c'est le chant de lutte contre toutes les formes de tyrannie, c'est le peuple qui s'est levé contre les forces de l'Ancien Régime, c'est le chant qui a été repris dans tous les pays où il a fallu secouer le joug de l'oppression. C'est le chant que Louise Michel faisait chanter à ses élèves tous les matins et tous les soirs et à chaque fois, elle qui avait connu les privations de liberté et la prison, à chaque fois, disait-elle, qu'elle faisait chanter la Marseillaise à ses élèves, elle ne pouvait s'empêcher de pleurer.

Alors, ne faisons pas de contre-sens sur ce chant, la Marseillaise. Comprenons vraiment le fond et la force historique de ses paroles. Ce n'est ni un chant sanguinaire ni un chant xénophobe, non, c'est le chant de toutes les libertés, de ceux qui risquent leur vie pour défendre les libertés, c'est le chant des Républicains, c'est le chant que je vous propose, ici, à Marseille, de chanter tous ensemble pour ne jamais oublier que le message universel de la France à travers le monde est plus que jamais d'actualité : la liberté, l'égalité et la fraternité.

A nous, la Marseillaise ! ».

Tous, ce soir-là, l'ont chantée.

Une première fois.

Et puis encore une deuxième fois.

Certains commentateurs ont fait mine de découvrir cette conviction pourtant maintes fois exprimée par Ségolène Royal.

Pourtant, dans ses discours comme dans ses écrits, elle n'a jamais varié.

Ils furent, ce soir-là, huit mille à lui emboîter le pas et à se réapproprier ce chant de lutte et d'émancipation.

Le 24 mars 2007, lendemain du beau meeting de Marseille avec sa Marseillaise entonnée ensemble, Ségolène Royal est à Correns, dans le Var.

Elle revient sur la signification de cette reconquête par la gauche d'un chant patriotique et porteur d'un message universel de liberté.

Elle ajoute aussi cela, qui va de soi sous d'autres latitudes mais déclenche, en France et à ce moment de la campagne présidentielle, d'hypocrites tollés : « Je pense que tous les Français devraient avoir chez eux le drapeau tricolore. Dans les autres pays, on met le drapeau aux fenêtres le jour de la fête nationale ».

Il faut, estime-t-elle, « reconquérir les symboles de la nation, porter un regard neuf sur les valeurs de la Nation et ne pas se laisser entraîner dans un dévoiement de l'identité nationale » auquel se livre le candidat de l'UMP. « Ce sont des éléments de rassemblement. L'identité nationale, c'est d'abord tout le peuple français ». Contre une conception restrictive, excluante et diviseuse, de l'identité nationale, Ségolène Royal défend une conception généreuse, rassembleuse et solidaire de la nation, forte de ses principes républicains et ferme sur ses valeurs.

 

Le 28 mars 2007, Ségolène Royal accorde une interview à Libération qui la questionne sur sa conception de la nation et ses raisons de la revendiquer avec force.

 

Libération : Pourquoi vous êtes-vous emparée du thème de la Nation à ce moment précis de la campagne ?

Ségolène Royal : Ce thème est, par définition, présent dans une campagne présidentielle, le candidat ou la candidate ayant pour vocation et ambition d'incarner la République donc la Nation. Il est normal de pouvoir préciser sa vision des choses sur ce sujet et sur la façon dont le lien national doit s'incarner. Le candidat de la droite a donné sa vision des choses en proposant un Ministère de l'Identité nationale et de l'Immigration. Le candidat UDF, lui, se moque de tout cela. Il a tort. Il est tellement pris dans son filon ni droite ni gauche qu'on ne sait plus ce qu'il pense de rien et donc, pas davantage, de la Nation. Quant au candidat du Front National, il confond Nation et nationalisme. Il y a donc une vraie confrontation des points de vue. Pour moi, c'est très clair. Je suis une Européenne résolue. Je suis partisane d'une France ouverte au monde, internationaliste et généreuse, et je considère que la Nation a un autre nom qui est la République. La Nation telle que je la conçois ne demande pas aux gens d'où ils viennent mais où ils veulent aller ensemble. Elle n'est pas fondée sur les racines, l'ethnie, que sais-je, mais sur une idée. Elle est une idée et c'est ce qui la distingue de ce qu'en ont fait nos adversaires.

 

Libération : L'affirmation de la Nation est-elle compatible avec l'internationalisme de gauche ?

Ségolène Royal : Évidemment ! La gauche est internationaliste. Mais il faut donner une réassurance sur l'identité nationale qui a besoin d'être consolidée au moment où les Français s'inquiètent de la dilution de la Nation dans la mondialisation. Jaurès lui-même a réconcilié l'idée de Nation et celle d'internationalisme. Au point, d'ailleurs, d'en mourir ! La Nation, je vous le répète, n'est pas incompatible avec l'ouverture, ni du côté du local (je suis, de ce point de vue, la seule candidate à proposer une véritable régionalisation), ni de l'autre côté, avec le fait européen. Mais cet enjeu-là est considérable au moment où l'on observe une confusion des valeurs, une montée des désordres, un doute sur les marges de manoeuvre de la politique.

 

Libération : Insister sur la Nation, c'est nécessaire pour ramener à gauche les catégories populaires ?

Ségolène Royal : Je ne fais pas de calcul. Je ne parle pas de la Nation pour plaire à telle ou telle catégorie. Il s'agit de convictions de longue date. Ministre de l'Enseignement scolaire, j'avais déjà mis l'éducation civique au Brevet des Collèges. J'ai toujours beaucoup travaillé sur cette question: qu'est-ce qui fait la France ? Je l'avais évoqué à Vitrolles, lors de ma déclaration de candidature. Puis lors de l'investiture. Ce n'est donc pas une question de tactique politique.


Le 6 avril 2007, à Carmaux, dans le Tarn, Ségolène Royal prononce un discours sur Jean Jaurès, sa vie, ses combats, son message. Elle y évoque notamment sa conception de la Nation : « Jaurès avait l'amour de la France, de la République et de la Nation. Il croyait, et je crois avec lui, qu'un peu d'internationalisme éloigne de la patrie et que beaucoup y ramène. Il vibrait de ce patriotisme bien compris qui est l'ennemi du chauvinisme et le contraire du nationalisme (...). Il croyait profondément que le pays de France ne saurait se passer longtemps d'idéal. C'est l'un des enjeux et non le moindre de cette campagne présidentielle ».

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