Un drame à l’UMP : le Sénat, le ministre et les étrangers, par Irène Delse

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Aujourd’hui, j’ai reçu un visiteur qui se connectait depuis l’Assemblée nationale. Il y a quelques temps, c’était la présidence de la République qui me rendait visite.
 
C’est fort sympathique, même si cela m’a révélé qu’on est plus soucieux de sécurité au Palais Bourbon (où l’on surfe sous Linux et Firefox) qu’à l’Élysée (Internet Explorer et un Windows qui aurait besoin de quelques mises à jour).
 
Mais c’est très bien parce que là, justement, j’avais des choses à dire qui concernent ceux et celles qui essaient de diriger la France.
 
Ouvrez les mirettes.
 
Donc, les sénateurs UMP seraient sur le point de suivre le chemin de leurs collègues du parlement, et d’adopter la loi Hortefeux en bloc, statistiques ethniques, amendement ADN et tout. Un amendement assorti de “garanties” pour faire passer la pilule, évidemment…
 
L’amendement CQFV (ce qu’il ne fallait pas voter)
 
Chose amusante : ces messieurs-dames ont été sensibles aux arguments sur l’incertitude, en France même, de la filiation biologique avec le père. Ah, oui, ces vrai, on ne va pas aller soulever le voile sur, ahem, la paix des familles, qui, en France comme ailleurs, ne sont pas forcément biologiques.
 
Il faut dire que le CRAN avait fait très fort ce matin en distribuant des kits ADN aux sénateurs pour leur permettre de tester eux-mêmes leur filiation… Pas mal !
 
Donc, “aménagements”. Les étrangers (forcément en situation régulière et dans une situation économique stable, je rappelle) qui demandent à faire venir leurs enfants en France pourront donc se voir réclamer un test ADN pour prouver la filiation… avec la mère. Cette demande devra être faite avec l’accord d’un juge (pour améliorer sans doute l’engorgement des juridictions !) et le test sera pris en charge par l’administration (tiens, je croyais qu’on était en faillite)…
 
Cela ne dispensera pas les candidats au regroupement familial du test de langue (qu’ils devront payer), de fournir des garanties financières, etc., etc.
 
Sans parler qu’avec toutes ces “garanties” par-ci et “tests” par là, on a inventé pour l’immigration “une machine à gaz incroyable”, comme le dit Hugues Portelli, pourtant lui-même sénateur UMP !
 
Bonne foi et langue de vipère
 
Mais ce test sera, nous susurre l’irrépressible Hortefeux, un outil à la disposition des demandeurs de bonne foi !
 
Traduction : s’ils sont de bonne foi, ils demanderont le test. Sinon, ils seront présumés de mauvaise foi et leurs chances de faire venir leurs enfants en France rapetisseront encore plus vite que la réputation de la “patrie des Droits de l’Homme” à l’étranger.
 
Beurk.
 
En plus, les sénateurs ne disent rien sur les restrictions que cette même loi Hortefeux apporte au droit d’asile. L’OFPRA rattaché au ministère de la honte, ce n’est pas rien. Ni la réduction par deux du temps accordé au demandeur pour déposer un recours.
 
Le test ADN faisait par trop crier, mais le reste, y compris le droit d’asile a moins passionné. Dommage.
 
N’empêche. La question qui n’est pas résolue, c’est : pourquoi ce gouvernement s’acharne-t-il ainsi à faire passer des dispositions qui créent un malaise jusque dans leur famille politique ? Il n’y a pas eu que les associations et mouvements de gauche pour critiquer, mais aussi les catholiques !
 
Cela ressemble à un point d’honneur, ou à la peur panique d’apparaître “reculer” devant… devant qui ? L’opposition démocratique, des citoyens inquiets, une partie de leurs propres troupes !
 
Faut-il vouloir ressembler à un être infaillible et incapable de connaître des revers. Ou être obsédé par les promesses électorales à une certaine partie, la plus xénophobe, de l’opinion ?
 
Aïe, zut, la croissance…
 
Au fait, pourquoi le gouvernement s’obstine-t-il sur des dispositions qui sont très, très peu appréciées par les pays étrangers, de l’Union africaine au Japon… Car les “élites économiques” sont pénalisées par les lois françaises. Comme le résume Jean Quatremer, avec toutes ces contraintes à l’immigration, “la France vole au secours de la croissance américaine” ! Il est bien plus facile pour un chercheur ou un ingénieur venu d’Afrique, d’Asie ou d’Europe de l’Est de s’installer aux États-Unis ou au Canada qu’en France. C’est bête, non ?
 
On demande aux salariés détachés en France par leur entreprise de signer un “contrat d’accueil et d’intégration”, même pour une courte durée. (Mais missié Hortefeux a promis que ce serait bientôt fini, promi-juré.) Les préfectures ont tendance à ne pas délivrer les autorisations de travail de trois ans prévues justement pour favoriser la mobilité de ces salariés… Non, il y a des démarches à effectuer tous les 3 mois. Ce qui permet aux pays voisins comme la Belgique de vanter les facilités de s’installer dans leur pays, par rapport à la France !
 
Tout cela n’étant probablement pas sans rapport avec les exigences d’un certain Sarkozy en matière de chiffre, répercutées sur les préfets par un dénommé Hortefeux. Attirer les étrangers ou les expulser en masse, il faut choisir…
 
Sans parler de la discrimination auxquels sont confrontés les étrangers ayant épousé un(e) Français(e), à qui l’on demande plus de garanties qu’à un travailleur temporaire puisqu’ils sont “dans une logique d’installation durable”, selon la bonne parole hortefeuïenne.
 
Et en quoi c’est mal, monsieur le sinistre, une installation durable ?
 
Le métissage, ça fait peur…
 
Et le père et le grand-père de votre président, alors, ils n’étaient pas dans une logique d’installation durable ? (1)
 
Mais voilà, apparemment, c’est une question cruciale pour le gouvernement que de mettre le plus de barrières possibles sur le chemin de l’immigration familiale, tout en essayant d’attirer de l’immigration de travail de haut niveau.
 
Traduisons ça autrement : on veut bien que les entreprises aient accès à des étrangers diplômés sur notre territoire, mais si ces étrangers prétendent s’installer chez nous ou épouser un Français ou une Française, alors là, stop ! L’intégration, ce n’est pas donné à tout le monde. Montrez vos papiers. Montrez votre argent. Montrez votre langue et votre culture française. Montrez votre ADN.
 
Oh, oh ! Distinguerait-on pas là-dedans un petit relent de politique racialiste ?
 
C’est donc le métissage qui pose problème, la très redoutée “dilution” de l’identité française ? (Pour parler comme les “identitaires”, c’est-à-dire des réacs frileux ou hargneux, fétichistes de l’hexagone.)
 
Ou peut-être est-ce, soyons charitables, juste de la xénophobie. Si les étrangers faisaient “un peu plus d’efforts” pour “s’intégrer”, n’est-ce pas… Oui, je ne sais pas. Ils pourraient changer de nom, se blanchir la peau, chasser toute trace d’accent… Changer d’identité, quoi (2).
 
Mais les ghettos, c’est trop beau !
 
Tant qu’à faire, mon bon Hortefeux, je vous suggère une solution pour permettre à la fois l’entrée en France des étrangers désirés et leur non mélange avec la population française de souche : la création de ghettos où les étrangers pourraient travailler et vivre leur vie entre eux, sans entrer en contact avec ces précieuses Français et Françaises qui vous tiennent tant à cœur !
 
Des ghettos qui peuvent être dorés, d’ailleurs, pour les économiquement désirables. La solution n’est pas neuve. C’était celle des “démocraties populaires” de Chine et d’Union Soviétique (lisez Simon Leys, c’est autrement plus enrichissant que Maurras). C’est encore aujourd’hui celle de certaines monarchies du Golfe. Allez lire par exemple “Prisonnier du désert”, le feuilleton d’Alan King sur ses mésaventures au Qatar.
 
Eh oui, il y a des pays où ce sont des Occidentaux qui se retrouvent dans la situation d’étranger sans droits…
 
Mais je crains que cette solution ne soit encore trop radicale pour nos bons sénateurs.
 
Courage, monsieur Hortefeux, persévérez ! Vous finirez bien par leur faire admettre le principe d’une ségrégation ! Petit à petit, on gagne du terrain, on grignote sur ces embêtantes vétilles que sont les Droits de l’Homme.
 
Vous voyez, Charles Pasqua lui-même cesse ses tergiversations… et ses fausses pudeurs. Il se déclare convaincu. Oh, oui, ces bons sénateurs de la majorité ne vont pas faire de la peine à Nicolas, hein ? Ils vont gentiment voter l’amendement. Comme des toutous (3). Du moins s’ils tiennent, j’imagine, à la suite de leur carrière : investiture aux prochaines municipales pour les cumulards, strapontin au gouvernement pour les grandes ambitions nationales, et j’en passe. L’UMP est le parti du président, comme on le voit bien à Neuilly. “Le rouleau compresseur est en marche.” C’est encore Hugues Portelli, sénateur UMP, qui parle.
 
Message à MM. Pinte, Portelli, Goulard et autres voix isolées à droite qui se sont élevée et s’élèvent encore contre la loi Hortefeux : que fichez-vous encore au sein de ce parti obsédé par le contrôle des étrangers ? Vous ne voyez donc pas que le gouvernement actuel fait bon marché de votre loyauté ? Qu’il l’utilise comme d’une serpillière ?
 
Quant aux bonnes âmes qui, de Boutin à Kouchner, ont fait part aux médias de leurs réserves “personnelles” à l’égard de la loi, sans autre forme de résistance… Non, je préfère ne rien dire. Publiquement.
 
Ce ne serait pas imprimable.
 
 
1. Oui, je sais, je ne m’en lasse pas. Il y a des gens qui disent une chose et en font une autre, et des gens qui piétinent la mémoire de leurs aïeux rien qu’en allant travailler le matin. Travailler au tri des “bons” et “mauvais” étrangers, par exemple.
2. Le grand-père de not’ président, toujours lui, s’était bien converti au catholicisme pour s’intégrer. Autre temps, mais pas autres mœurs.
3. Dans certains pays d’Afrique francophone, m’apprend Paul Desalmand, on appelle “toutous” les prostituées. Aucun rapport, bien sûr.
Source : Blog d'Irène Delse
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