La "boîte à idées" de Sarkozy témoigne
Extrait d’une interview d’Emmanuelle Mignon, « Boîte à idées » de Nicolas Sarkozy, qui a travaillé avec lui dans différents postes depuis 2002, dans ses ministères successifs, à l’UMP, sur le corpus idéologique du candidat.
[…]Le PS peut-il faire ce que vous avez fait ?
« Je pense que oui. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi le PS ne m’a pas appelée pour venir le faire pour eux ! »
Vous cherchez un nouveau job ?
« Je plaisante. D’autant plus qu’il y a un élément clé dans tout cela, c’est l’homme ou la femme, le candidat qui va vouloir et porter le renouvellement idéologique. Pour moi, la rupture était évidente parce que j’étais dans le sillage de Nicolas Sarkozy. Je n’aurais peut-être pas fait la rupture si j’avais été dans le sillage de Jacques Chirac. Le PS arrivera à faire ce que nous avons fait si quelqu’un arrive à faire ce que Sarko a fait : éteindre les querelles en portant vers autre chose, en donnant envie d’autre chose. Il faut qu’il y ait un leader pour faire cela. Sur le débat d’idées, le PS n’aura pas de problème pour le faire : il le fera même mieux que nous parce qu’il y a globalement plus d’idées à gauche. En revanche, ils doivent avoir le leader qui porte cela. Nous, on avait Sarko. »
Sans polémiquer, quel jugement portez-vous sur la manière dont Ségolène Royal a géré la question des experts et le réseau des intellectuels ? Peut-être avez-vous lu le livre d’Ariane Chemin qui dit qu’on retrouvera peut-être un jour dans les placards du QG de campagne de la candidate les notes de prix Nobel qui n’ont pas été lues ?
« Je crois qu’elle n’a pas fait ce travail ; j’imagine bien les notes qu’elle a reçues, moi j’en ai reçu des centaines, qui disaient tout et son contraire. Il faut tout lire, il faut trier. Elle, elle n’a pas eu le temps de le faire. »
Parce qu’elle n’avait pas l’équivalent d’Emmanuelle Mignon ?
« Non, parce qu’elle n’avait pas le temps, et parce que personne n’avait décidé de faire ce travail. Je crois que c’est ça. Elle a hérité d’un programme du PS qui n’était ni fait, ni à faire. Ils n’ont pas fait ce travail, et c’est leur problème. Mais je pense qu’elle le fera pour 2012. »
L’exemple du travail que vous avez fait pour l’UMP est-il répliquable à la France ? Pensez-vous qu’il faille développer des think tanks en France et, par exemple, faire émerger une expertise extérieure dans la fonction publique en réformant les centres d’analyse et de perspectives ? Avez-vous un projet par rapport à cela ?
« Ce n’est pas en réformant les différents centres d’analyse des ministères qu’on va y arriver. De toute manière, ces centres d’analyses et de prospective ne servent à rien. Ils sont gérés par des technocrates qui n’ont pas d’influence et, pour le coup, dans les ministères, il y a un choc frontal de calendriers entre ces centres d’analyse qui travaillent sur le long terme, et les ministres qui sont sur le court terme. Donc, ce n’est pas la solution. La solution, c’est qu’après la phase de réflexion et de propositions dans des partis politiques plus solides, plus forts, le travail avec les intellectuels se poursuive dans les cabinets ministériels. Bien que cela ne me plaise pas, c’est là en effet que se situe le pouvoir. C’est donc là qu’il doit y avoir des habitudes de travail avec les intellos. »
Vous le recommandez aux ministres ?
« Je le recommande, même si cela ne se fait pas, pas assez en tout cas, parce que c’est compliqué à mettre en œuvre. L’intello, c’est toujours l’"emmerdeur", celui qui ramène l’action à ses fondements, à ses buts, qui critique les solutions de facilité ; qui est en décalage permanent avec le temps de l’action et le temps des médias. »[…]
Source : nonfiction.fr