La généralisation du RSA est un formidable marché de dupes

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Interview de Jean-Louis Tourenne, président (PS) du CG D'Ille-et-Vilaine


Le conseil général d'Ille-et-Vilaine expérimente le revenu de solidarité active (RSA) depuis le 1er janvier sur trois territoires de son département. D'un point de vue qualitatif, l'expérimentation est un succès, selon son président (PS), Jean-Louis Tourenne : les usagers ont vu leurs conditions de vie s'améliorer et la formule a permis aux travailleurs sociaux de mieux connaître les publics concernés et leurs difficultés pour reprendre un emploi.


En revanche, en matière d'incitation au retour à l'emploi, il est trop tôt pour dresser un bilan. Quant aux conditions financières de la généralisation du RSA, elles suscitent de fortes inquiétudes.


A la lumière de l'expérience menée dans votre département, à quelles conditions la généralisation du RSA sera-t-elle une réussite ou un échec, selon vous ?


Il s'agit d'un formidable marché de dupes. L'Etat laisse le soin aux pauvres de financer une réforme pour les pauvres : il va récupérer la prime de Noël, une partie des droits connexes qui étaient liés à la perception du RMI (exonération de la taxe d'habitation, de la redevance audiovisuelle...), la prime de retour à l'emploi et une partie des fonds alloués à la prime pour l'emploi.


Deuxième marque d'un profond cynisme : le transfert de nouvelles charges aux départements. Certes, le projet de loi prévoit que l'Etat supportera la totalité du surcoût lié au nouveau dispositif mais, en réalité, il laisse le département financer l'allocation de parent isolé (API), qui est actuellement à sa charge (8,3 millions d'euros en Ille-et-Vilaine). Dans ce jeu de dupes, l'Etat gagnerait 5,3 millions d'euros sur le dos du département ! C'est du pur cynisme.


Deuxième tromperie : cette généralisation sera d'une inefficacité totale. Le barème de calcul de la prestation qui sera retenu a toutes les chances d'être moins favorable aux allocataires que celui qu'expérimentent actuellement les départements. Chez nous, lorsque les revenus d'un foyer augmentent de 100 euros grâce à l'emploi, la prestation RSA diminue seulement de 30 euros. Le gouvernement, qui veut dépenser le moins possible, a parlé d'une diminution comprise entre 35 et 40 euros. L'incitation au retour à l'emploi sera donc bien moindre.


Le RSA est un bon système à condition qu'on y mette l'argent. Or au-delà des économies réalisées sur les pauvres eux-mêmes, il va encore falloir trouver 1,5 milliard d'euros. Et personne n'est capable de nous dire d'où viendra cet argent. Dans un tel contexte, nous pourrions envisager de cesser l'expérimentation.


Propos recueillis par E. C.

Source : Le Monde

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