Quelque chose est en train de changer

Publié le par Dominique Millécamps

En 2002, la campagne électorale n’a véritablement commencé qu’après le 20 février, date de l’annonce de la candidature de Lionel Jospin. Tout s’est joué en deux mois. Aucun pronostic n’a tenu. Aujourd’hui, chacun sent bien qu’il se passe quelque chose. Que tout commence maintenant.

L’histoire électorale est une leçon de modestie et d’endurance. En 2002, l’entrée en campagne de Jacques Chirac, le 11 février, avait été jugée « ratée ».

Le lendemain, lors du bureau national du PS, chacun avait pu souligner le « manque de souffle » du chef de l’État, moquer la « candidature de trop », constater « l’improvisation ». Jean-Pierre Chevènement était alors présenté par la presse comme le troisième homme, ce qui avait suggéré à l’un de nos dirigeants ce commentaire : « Après avoir fait le plein à gauche, il essaie d’étendre son socle sur l’électorat de droite en espérant l’écroulement de Chirac. » Chacun sait ce qu’il est ensuite advenu.

C’est ainsi, le héros de janvier est rarement président en mai. Pour Chirac et Mitterrand (en 1981), c’est au moment où tout semblait perdu que tout commença vraiment. Ni en 1981, ni en 1995, ni en 2002, le favori de février n’a été élu. Ce n’est pas une règle absolue. Sinon, il suffirait d’attendre le croisement prévisible des courbes d’intentions de vote. Mais cela devrait inciter Nicolas Sarkozy à plus de prudence.

Les médias nous mitraillent de sondages identiques. Jamais il n’y en avait eu autant. Plusieurs par jour. Un déluge de chiffres. La répétition a fini par créer une ambiance. Il ne s’agit pas de les contester, mais ce qu’ils mesurent mal, c’est la formidable disponibilité des électeurs. Les trois quarts des électeurs n’auraient pas encore fait leur choix définitif. Rendez-vous compte ! Et c’est bien ce que ressentent celles et ceux qui tractent sur les marchés. Rien n’est écrit. Tout commence. Au moment même où s’écrivent ces lignes, nous apprenons qu’une première enquête indique une très nette inversion de tendance. Nos concitoyens ne veulent pas être privés du débat qu’ils n’ont pas eu en 2002.

L’affluence dans nos meetings témoigne d’une mobilisation inhabituelle à cette période de la campagne. L’audience réalisée par Ségolène Royal, invitée de l’émission politique de TF1 "J’ai une question à vous poser" n’a connu aucun précédent. Elle a attiré 8,91 millions de téléspectateurs (avec un pic à 10,6 millions), contre 8,241 millions pour Nicolas Sarkozy deux semaines auparavant. L’émission a enregistré une part d’audience de 37 % contre 33 % pour Nicolas Sarkozy le 5 février. Cela ne veut pas dire qu’elle a gagné, mais signifie indiscutablement qu’elle correspond à une attente.

Pour nombre de Français, Nicolas Sarkozy est le candidat par défaut. Il est le sortant. Il a l’apparence de l’expérience et de la solidité. C ’est donc aux autres de prouver qu’ils peuvent proposer une alternative. C’est ce qu’a fait Ségolène Royal à Villepinte en présentant son Pacte présidentiel. Astucieusement, pour phagocyter le débat, la droite a aussitôt intenté un nouveau stratagème : le procès de l’absence de chiffrage… Peu importait la discussion sur le Pacte puisqu’il était d’avance et globalement disqualifié.

La ficelle était grosse, mais elle a fonctionné. Pourtant, même l’Institut de l’entreprise, centre de réflexion patronal, peu suspect de complaisance à notre endroit, établit une comparaison savoureuse. Il chiffre le Pacte présidentiel à 62,6 milliards contre 51 pour le projet de Nicolas Sarkozy. Lorsqu’on se rappelle que Nicolas Sarkozy s’est aussi engagé sur 70 milliards de baisse des impôts… Cela fait un siècle que les mêmes préjugés courent. La gauche ne saurait pas gérer. La droite nous laisse des déficits abyssaux, mais c’est encore elle qui croit pouvoir donner des leçons…

Dans cette campagne, la droite n’assume rien. À l’écouter, elle ne serait responsable de rien. Elle ne serait pas sortante. Elle ne serait peut-être même pas de droite… Sarkozy cite Jaurès et Bayrou veut nommer Delors…

En réalité, c’est une indication. Les candidats de droite, eux aussi, connaissent l’attente du pays. Et ils ne citent pas les lois qu’ils ont votées ensemble. C’est un signe. Oublié Chirac, effacé Raffarin, condamné Villepin…. Alors c’est à nous de ramener la droite à ce qu’elle est. A ses œuvres. De la démystifier et de la dévoiler. La politique, ce ne sont pas seulement des intentions. Ce sont aussi des actes. Et ils ne plaident pas en faveur de la droite.

Surtout, nous devons populariser le Pacte présidentiel. Si le 19 février Ségolène a conquis une crédibilité nouvelle, c’est parce qu’elle a su lier une vision à des propositions concrètes, là où ses adversaires font le grand écart entre discours compassionnel et projet libéral.

Thomas Colognac
Source : http://hebdo.parti-socialiste.fr/

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