Journée mondiale du refus de la misère

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« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les Droits de l'Homme sont violés. S'unir pour les faire respecter est un devoir sacré », disait Joseph Wresinski, fondateur d’ATD-Quart Monde.


Le 17 octobre 1987, à l'appel du Père Joseph Wresinski, 100 000 défenseurs des Droits de l'Homme se rassemblaient sur le Parvis du Trocadéro, à Paris pour rendre honneur aux victimes de la faim, de la violence et de l'ignorance, pour dire leur refus de la misère et appeler l'humanité à s'unir pour faire respecter les Droits de l'Homme. Ce rendez-vous a pris un caractère mondial à partir de 1993, lorsque l'ONU a décidé de faire du 17 octobre la « Journée internationale pour l'élimination de la pauvreté », ensuite appelée « Journée mondiale du refus de la misère ».


Cette année, la 21e journée mondiale de refus de la misère sera centrée sur les problèmes des jeunes, mais la menace de crise économique, et ses conséquences sur les plus pauvres, va planer sur cette manifestation.


L’actualité est brûlante à ce sujet : émeutes de la faim en Haïti ou en Afrique, expulsions de logements aux Etats-Unis suite à la crise des subprimes.


En France, l’aggravation de la pauvreté est due aux augmentations du coût de la vie, de la santé, et à la stagnation des minima sociaux : la misère s’est faite plus criante, cette année, partout dans le monde.


Avant que la crise financière ait commencé, les permanences d’accueil du Secours Populaire avaient reçu 15 à 20 % de demandes d’aides supplémentaires par an, avec une augmentation d’appel des jeunes et des travailleurs pauvres.


Nous entendons des chiffres incroyables, comme lorsque le patron de Dexia affirme que toucher 3,7 millions d'euros pour son départ est une chose normale : ceux à qui il reste 50 euros par mois pour vivre apprécieront.


Pour Bruno Tardieu, délégué national d'ATD Quart Monde, « les pauvres se sont fait berner, on les a poussés à consommer, et maintenant il faut voir les chiffres du surendettement - qui a augmenté de 33 % de 2002 à 2006 -, on a créé la méfiance. »


Des mesures sont possibles, mais il faut agir vite avant que tout ne s’envenime.


On voit des familles qui vivaient normalement basculer dans la précarité et le surendettement, faute notamment aux abus de crédits et au coût des tarifications bancaires : la première priorité est de légiférer pour mettre fin aux abus des banques. Les établissements bancaires ne peuvent se faire indéfiniment de l’argent sur le dos des familles les plus modestes, au risque de les regarder sombrer dans une grande précarité : il faut d’urgence moraliser ce système et plafonner de manière radicale les pénalités imposées par les banques, pouvant aller jusqu’à 18 %. Très concrètement, il est tout à fait possible d’envisager le calcul des excédents et déficits bancaires sur la durée de l'année complète pour ensuite, éventuellement, appliquer un taux d’intérêt. Ce taux doit évidemment être revu à la baisse.


Au cœur de l’exclusion, il y a aussi le problème du logement. Se loger est un droit, qui est devenu opposable, depuis 2007. Pourtant, la mise en application de ce droit laisse encore à désirer et semble ne constituer qu’un leurre. Il est nécessaire que des mesures soient prises concrètement dans ce domaine : il faut agir sur le logement en créant, par exemple, un nouveau conventionnement locatif qui sera applicable à l'ensemble du parc de logements privés et permettra de mettre sur le marché 300 000 logements à loyer maîtrisé en 5 ans. Le problème majeur du logement sera pour la première fois traité de manière radicale et la bataille contre l’exclusion sera lancée.


Pour chaque jeune atteignant l’âge de 18 ans, il faut donner un droit à un capital afin de construire son projet de vie, à l’exemple d’un prêt à taux zéro d’un montant de 10 000 euros et qui soit garanti par l’État. Le développement des bourses tremplins est également nécessaire afin de venir en aide à tous ceux qui souhaitent créer leur activité ou reprendre une entreprise.


Concernant la famille, 90 % des familles monoparentales ont une femme pour chef de famille, et 46 % de ces foyers sont au-dessous du seuil de pauvreté, (revenus de 817 euros mensuels).


En termes de logement, les femmes sont les plus exposées à la précarité et beaucoup de femmes seules avec enfants logent chez leurs parents, ce qui rend toute vie personnelle difficile. Cette situation ne touche pas que les couches les plus modestes. Les femmes des classes moyennes sont elles aussi en proie à de graves difficultés financières ou personnelles, en particulier à cause de la dégradation des salaires.


Il est donc plus qu'urgent de faire respecter les lois Roudy et Génisson. Dès 1983, la loi Roudy imposait aux entreprises de plus de 50 salarié(e)s d'établir un rapport sur la situation comparée des hommes et des femmes et de proposer au comité d'entreprise de débattre sur ce thème. Des dispositions qui, il faut le reconnaître, n'ont quasiment jamais été appliquées. En 2001, la loi Génisson : elle est d'une importance capitale pour les femmes qui travaillent puisqu'elle vient renforcer la loi Roudy en développant le dialogue social sur l'égalité professionnelle, laquelle devient de fait un enjeu majeur de la négociation collective. En effet, ce nouveau texte ajoute spécifiquement l'égalité professionnelle aux autres négociations annuelles obligatoires au sein des entreprises tout en faisant obligation de la prendre en compte dans le champ de toutes les autres négociations. Il est temps que ces règles soient appliquées.


Il y un an, jour pour jour, le président Nicolas Sarkozy avait annoncé qu'il voulait que les années de bénévolat soient prises en compte dans le calcul des retraites, lors d'un discours sur la pauvreté prononcé devant le Conseil économique et social (CES). Qu’en est-il ? De même, la droite avait promis d’augmenter de 25 % le minimum vieillesse et les petites pensions. Les retraites représentent l’unique patrimoine de ceux qui n'en ont pas : elles doivent donc être garanties.


Un million de personnes âgées connaissent la pauvreté aujourd’hui, à l’instar de la situation vécue dans les années 1960. Est-ce une situation durable ? Nos aînés sont-ils condamnés à se demander s’ils doivent faire un repas le midi ou un repas le soir ? Ca n’est pas cela, la France des Droits de l’Homme.


Droit à la santé, à l’éducation, à la culture, au travail, à vivre en famille, la misère bafoue tous les droits les plus élémentaires. En cette année où nous célébrons le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, l’appel lancé par Joseph Wresinski le 17 octobre 1987 est plus que jamais d’actualité.


Par l’équipe de Ségolène Royal

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