L'après-Hadopi : les industries culturelles au pied du mur

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Le vote de la loi Hadopi semble désormais acquis. Nous entrons dans l'après-Hadopi. Une période à hauts-risques pour les industries culturelles et leurs représentants. Les industries culturelles sont désormais au pied du mur. Doublement.


1) De nouvelles attentes du public en matière d'offres légales
...

Le principal argument avancé par les représentants des industries culturelles pour obtenir des pouvoirs publics la mise en place de la riposte graduée était qu'elles ne pouvaient pas développer une offre légale innovante et attractive  face à la concurrence des pratiques de téléchargement et d'échange non-autorisées.


Dissuadée de télécharger en raison des risques encourus, une partie du public va probablement regarder de plus prés les offres légales : il sera attentif aux prix, à la diversité des catalogues, aux conditions pratiques d'accès, à l'usage qu'il peut faire des oeuvres acquises dans un cadre légal.


Nathalie Kosciusko-Morizet a porté un
jugement cruel sur l'offre légale de musique : « Personne dans le monde de l’offre légale et des musinautes n’est satisfait de l’offre actuelle. Elle est faible, je suis désolée de le dire. Elle est décevante, et pas toujours construite pour attirer l’internaute. Il faut y travailler. ».


Le déficit d'offre est encore plus aigu côté films, séries et documentaires. Là, tout reste à faire. La loi Hadopi ramène, certes, la fenêtre de diffusion des films en VOD et DVD à quatre mois (Contre six mois actuellement pour les DVD et sept mois pour la VOD). Si 80 % des films récents sont maintenant disponibles sur les offres de vidéo à la demande, l'offre reste limitée : les huit principales plates-formes (CanalPlay, TF1 Vision, Virgin Mega, France Télévisions, Arte, Club Internet, Universciné) ne proposaient que 3.959 films fin 2008. A périmètre constant, l'offre de films n'a progressé en un an que de 1.206 films. Les films français représentent 43,6 % de l'offre. Sur les 3 959 films disponibles, plus de la moitié ne sont disponibles que sur une seule plate-forme. Les offres légales restent pénalisées face aux offres P2P et streaming qui ignorent la chronologie des médias. Leurs utilisateurs doivent s'accommoder des contraintes liées aux DRM (à commencer par l'obligation d'utiliser Windows). L'offre de séries TV reste étroite et leurs fans n'ont souvent d'autre choix que de se tourner vers le téléchargement non autorisé.


Bref : l'instauration de la « riposte graduée » élève le niveau d'exigence du public. Ses attentes risquent d'être déçues.


2) Le débat est désormais ouvert au sein même des filières de la musique et du cinéma

Les tribunes signées par des cinéastes prestigieux et la pétition orchestrée par la SACEM suggéraient que les créateurs soutenaient assez largement l’Hadopi : avec ferveur, pour certains, par résignation pour de nombreux autres, devant l’absence d’alternative. On sait désormais, grâce au travail de la Quadrature, ce que valent les 10 000 signatures recueillies par la SACM.


On mesure mal les pressions que subirent, de la part des labels, les dissuader les musiciens de prendre leurs distances avec l'Hadopi. Dans le milieu du cinéma, historiquement soudé, pour préserver un système de financement et des mécanismes de soutien globalement vertueux (même s'il se dérègle, comme l'a souligné le Rapport du Club des 13
« Le Milieu n’est plus un pont mais une faille »), il n'était pas facile pour des réalisateurs ou des producteurs de faire entendre des voix discordantes.


En quelques semaines, cependant, côté musique comme côté cinéma, cette unanimité de façade a explosé.


Côté musique


L'appel des artistes ouverts, signé par 286 musiciens.

Nous sommes inquiets, très inquiets, nous aussi. Ce n’est pas que nous craignons d’être pillés, spoliés, ruinés, non… Mais l’État français s’apprête à défendre sans discernement le lobby de ceux qui ne sont pas adaptés à la nouvelle économie de la connaissance et du partage. Et qu’importe si c’est au détriment de ce qui se développe d’utile ou d’intelligent sur internet !


Au lieu de miser sur la créativité qui n’a jamais été aussi vigoureuse, riche et dynamique, certaines Industries en situation de monopole prétendent que seuls leurs choix sont les bons, alors qu’ils sont en réalité catastrophiques ! Qu’il faut aller vers toujours plus de répression, de criminalisation des usages du citoyen, plus de taxes ! Tout ça pour retrouver coûte que coûte les profits envolés, sans jamais se demander si la cause du déclin n’est pas ailleurs…


Nous sommes les premiers concernés, nous avons notre mot à dire, non ?


L’Appel des Artistes Ouverts au Partage


194 musiciens se déclarent « amis » du Pacte des Libertés numériques

Parmi eux Cali, Daft Punk, Didier Wampas, Justice.


Page Myspace du Pacte des Libertés numériques


Une centaine de labels indépendants

Le débat doit aujourd’hui changer de nature et poser les vraies questions.

– assigner en justice de façon systématique (et collective) les sites faisant commerce de nos contenus en toute illégalité,

– créer une redevance prélevée sur le chiffre d'affaires des FAI destinée à la création,

– éliminer définitivement les problèmes d’interopérabilité matérielle et donner la libre utilisation des fichiers acquis légalement, dans la limite de son cercle d’amis,

– interpeller la Sacem sur la nécessité d'adapter son système de perception et de répartition aux nouveaux modèles technologiques,

– favoriser l’émergence de modèles économiques alternatifs aux grands conglomérats (qu’ils se définissent comme des majors ou des indépendants),

– réintroduire et développer le réseau de diffusion du disque physique, loin d’être mort, avec les disquaires ainsi que d'autres commerces de proximité tels les libraires, salles de concerts…

– lutter contre l'atrophie actuelle de l'offre physique dans les chaînes de magasins ; le disque est un objet culturel, pas un baril de lessive,

– intégrer plus largement les producteurs et labels indépendants dans toutes les discussions, réflexions et prise de décisions concernant la filière musique.


Tribune de Philippe Couderc, président de la Feppia (Fédération des producteurs et éditeurs indépendants d’Aquitaine) et d’Eric Petrotto, président de CD1D, fédération nationale représentant une centaine de labels indépendants) dans
Télérama


Côté cinéma


L'appel des cinéastes
(Libération le 7 avril)

Nous ne nous reconnaissons pas dans cette démarche, et appelons à un changement des mentalités. Craindre Internet est une erreur que nous ne nous pouvons plus nous permettre de faire. Il est temps d’accepter et de nous adapter à ce « nouveau monde » où l’accès à la culture perd son caractère discriminatoire et cesser de vouloir en faire une société virtuelle de surveillance où tout un chacun se sentirait traqué.


Que ce soit par un système de licence globale ou par le développement d’une plateforme unifiée de téléchargement des œuvres à prix accessibles et sans DRM, il faut dès aujourd’hui des réponses positives à ce nouveau défi, et se montrer à la hauteur des attentes des spectateurs. L’heure est à la réinvention et à l’émerveillement, et non pas à l’instauration d’un énième dispositif répressif.


Conscients de la nécessité qu’éprouvent les ayants droit, dont nous sommes, à trouver de nouveaux modes de rétribution et d’en finir avec le piratage.


Parmi les signataires : des stars (comme Catherine Deneuve et Victorial Abril), des figures du « cinéma du milieu » et du jeune cinéma français (Brigitte Rouan, Chantal Ackerman Louis Garrel, Christophe Honoré, Laurence Ferreira Barbosa, Chiara Mastroianni, Jeanne Balibar), des producteurs reconnus. Et même l’ex-délégué général de l’ALPA (Association de Lutte Contre la Piraterie Audiovisuelle). Cette nouvelle génération de cinéastes sait qu’au delà des échanges non-autorisés d’œuvres, ce qui fragilise le cinéma français, c’est le dérèglement de ses mécanismes de financement (CNC, fonds de soutien).


Lettre ouverte aux spectateurs citoyens


Eric Rochant :

« La loi Hadopi est une des lois les plus crétines qui soit. Elle est tellement mal ficelée, tellement injuste, tellement à contre courant qu’elle ajoute du mal au mal. Une véritable usine à gaz, probablement obsolète et en tant les cas scandaleuse. c’est un auteur-réalisateur - de série depuis peu - qui vous parle.


La licence globale est évidemment une solution plus raisonnable et plus juste. J’ai téléchargé des séries américaines qu’on ne trouve pas en France. J’ai téléchargé des séries américaines qu’on trouve en France pour les voir plus rapidement. J’ai acheté les DVD quelques temps après car il y a une valeur ajoutée dans les DVD.


Mais si la loi passait telle quelle, validant toutes les modalités injustes qui y sont logée (preuve de l’innocence à fournir, achat obligatoire d’un logiciel mouchard, sanction collective) Je téléchargerai à outrance, je contournerai la loi par tous les moyens techniques possibles qui vont et ont déjà fleuri sur la toile. Sans aucune honte et aucun remords.


Les « artistes » sont un alibi dans cette histoire. En tant qu’« artiste » je ne me sens pas concerné mais au contraire insulté par cette loi ».
Sur le site seriesTVblog)


Les salles de cinéma indépendantes (Utopia, Pandora, l’Alhambra, Diagonal…et autres)

« Nous sommes opposés à cette loi car elle ne résoudra en rien les difficultés du secteur de la création, elle tend à opposer les créateurs et leur public et semble totalement ignorante des implications des mutations technologiques actuelles sur nos pratiques culturelles. Si les salles de cinéma ont encore un avenir, c’est pour être un lieu d’échange et de partage, et non un lieu où on surveille les spectateurs avec des jumelles infrarouges, et ou devant chaque film ont diffuse un texte demandant à chacun de dénoncer son voisin (il est vrai que nous vivons des temps troublés où l’on en revient à interdire les réunions sous couvert de protéger le citoyen…). La salle de cinéma a une raison d’être, c’est d’être le lieu de l’expérience collective, et de s’inscrire pleinement dans la vie de la cité ».

Indépendants, Solidaires et Fédérés (ISF) Association de salles de cinéma indépendantes.


La SACEM, le SNEP, la SACD, l'ARP ont embarqué les cinéastes, les musiciens, les producteurs dans une croisade contre leur public. Le débat est désormais ouvert, au sein même de ces organisations, sur la pertinence de cette stratégie.

temPS réels

 

 

temPS réels est la section numérique du Parti Socialiste :

http://www.temps-reels.net/

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