Quand un organe de l'ONU épinglait Edvige
Le Comité des droits de l’homme a alerté dès le mois de juillet sur les risques du fichier policier Edvige, appelant la France à revoir sa copie.
Par Marie Piquemal
En France, la classe politique semble avoir découvert l’existence du fichier Edvige la semaine dernière. Pourtant, le décret créant ce fichier policier a été publié au tout début de l’été, le 1er juillet.
Plusieurs organismes, défenseurs des libertés, avaient alors réagi au quart de tour, dénonçant les risques qui constitue, à leurs yeux, un fichier tel qu’Edvige. Une critique qui s'est faite aussi au niveau international. On en parle peu aujourd’hui, mais le Comité des droits de l’homme, un organe des Nations unies basé à Genève, a émis des observations sur Edvige dès le mois de juillet.
En tant qu'organe de surveillance, ce Comité des droits de l'homme examine les politiques des Etats en matière de libertés et droits civiques. Le 22 juillet, dans un rapport rendu sur la France, les 18 experts alertaient sur les dangers d’Edvige et plus généralement sur «la prolifération de différentes bases de données.»
Edvige non conforme au Pacte international
Selon les 18 experts du Comité, « la collecte, le stockage et l’utilisation de données personnelles sensibles contenues dans les bases de données comme Edvige et Stic (Système de traitement des infractions constatées) peut soulever des questions au regard du Pacte. » Il s’agit là du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, entré en vigueur en 1976, qui prévoit dans son article 17 :
« 1. Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
La France appelée à revoir sa copie
Dans une série d’observations, les experts détaillent les points qui posent problème dans le fichier Edvige, appelant la France à y remédier.
Dans l’ordre : « La collecte et la conservation de données personnelles dans les ordinateurs, dans des banques de données et selon d’autres procédés doivent être régies par la loi ». Ce qui signifie en pratique qu’un fichier tel qu’Edvige devrait être débattu au Parlement et non relever de l’exécutif (en l’occurrence du ministère de l’Intérieur) par voie de décret.
Ensuite, le Comité demande « des mesures effectives pour garantir que ces informations n’arrivent pas entre les mains de personnes non autorisées ». La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) avait également émis une réserve sur ce point, regrettant l’absence d’un système fiable pour assurer la traçabilité des connexions et éviter les abus.
Un droit de regard sur Edvige
Autre garantie, indispensable aux yeux des experts internationaux : « Les individus doivent pouvoir demander la rectification ou la suppression d’une donnée incorrecte ou recueillie en violation de la loi. » Sur ce sujet, Yann Padova, secrétaire général de la Cnil, assure que les citoyens pourront obtenir la suppression des données erronées contenues dans Edvige. Mais, fait-il remarquer, « pour Cristina (le fichier antiterroriste), on n'a aucun moyen de contrôle. On ne sait même pas ce qu’il y a dedans puisque le décret n'a pas été publié. »
Enfin, le comité soulève la question du fichage des mineurs dès 13 ans. Et demande expressément que « le fichier Edvige ne porte que sur les enfants à partir de 13 ans qui ont été reconnus coupables d’une infraction pénale ». Dans la formulation actuelle, il s’agit plus largement de ficher « toute personne (13 ans et plus) susceptible de troubler l’ordre public ». Comme le souligne Hélène Franco, secrétaire générale du syndicat de la magistrature, « l’expression est très vague, on vise là les délinquants potentiels… Donc, en réalité, tout le monde ».
Source : Libération
Commentaire personnel : un Pacte international a valeur de loi pour les états l’ayant signé, ce qui est le cas de la France.
La pétition « non à Edvige »